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Les cadres locaux corrompus, talon d’Achille du régime

Le désastre du Sichuan commence à provoquer des protestations en chaîne des parents, dont les enfants ont été ensevelis dans les écoles mal construites. En plusieurs endroits de la province des réunions informelles à la mémoire des 10.000 enfants disparus (ce chiffre est provisoire) ont tourné à l’émeute. Les officiels du parti, désemparés sont pris à partie et promettent à la fois des enquêtes rapides et des dédommagements financiers. Mais la rage mêlée de douleur des parents ne se calme pas.

A Dujiangyan (650 000 habitants), site touristique fameux pour son système d’irrigation vieux de plus de 22 siècles, situé à moins de 40 km de l’épicentre, un immeuble sur trois s’est effondré et les parents d’élèves d’une école, réunis en mémoire de leurs enfants disparus ont laissé libre cours à leur colère. Ils voulaient des enquêtes et des sanctions contre les corrompus et faisaient circuler une pétition. Quelques uns accusaient les autorités de n’avoir rien fait, alors qu’elles connaissaient depuis longtemps la fragilité des bâtiments ; d’autres dénonçaient la lenteur des secours, le manque de moyens de levage, l’arrêt des recherches pendant la nuit. Dans un collège de la ville qui avait un millier d’élèves, une dizaine seulement ont survécu et des cris s’élevaient pour réclamer la tête des responsables : « Ce désastre n’est pas une catastrophe naturelle. Il a été fomenté par des hommes corrompus ».

Des scènes identiques ont eu lieu à Beichuan, où 1.300 élèves ont péri dans l’effondrement d’une école , le bruit courait qu’une compensation de 3000 euros serait versée aux parents, tandis que ces derniers réclamaient toujours et encore la punition des responsables et la fin de la corruption.

Des échauffourées contre les officiels du district de Mianzhu, proche de l’épicentre, ont également eu lieu durant le week-end. Des parents ont harcelé une responsable qui a fini par s’évanouir, avant d’être évacuée par ses collègues ; un autre cadre, agenouillé devant les émeutiers, tentait de les empêcher de se rendre à Chengdu, la capitale de la province. La photo de la scène a fait le tour du web comme une traînée de poudre.

L’éditorial du dernier numéro de la revue Caijing, magazine économique et financier, parmi les plus ouverts de la presse chinoise, réclamait des mesures rapides du gouvernement central pour diligenter des enquêtes et punir les responsables. A Pékin, le pouvoir a pris la mesure du problème qui pourrait devenir une menace politique. Le 26 mai, un porte-parole du ministère de l’Education promettait de vérifier rapidement la sécurité des bâtiments scolaires dans les zones sismiques, ajoutant que les responsables des déficiences seraient sévèrement punis.

Le séisme du 12 mai n’a pas fini de secouer le pays.

Déjà la police militaire et les pompiers s’affairent pour circonscrire les dégâts provoqués par les fuites d’ammoniaque. Ils s’efforcent aussi de consolider les barrages fragilisés sur le point de se rompre, menaçant plusieurs centaines de milliers de riverains, dont plus de 100 000 ont déjà été évacués. Mais la colère des parents contre la corruption des cadres locaux responsables de la fragilité des bâtiments scolaires porte en elle une menace d’une autre nature.

En focalisant leur vindicte contre un des plus graves dysfonctionnements du régime, talon d’Achille d’un système qui ne parvient pas à éradiquer les compromissions massives de sa propre administration, les parents, qui expriment leur douleur et leur colère en souvenir de leur enfant unique enseveli sous un béton frelaté, posent, de la manière la plus directe et la plus brutale, la question de la légitimité des élites. Une question qui résonne comme un écho dans ce pays de l’enfant roi, hébété par l’ampleur des désastres.


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