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Les campagnes chinoises entre misère et spéculation immobilière

Ailleurs, où la terre et le climat sont moins ingrats, naissent de nouveaux élans, inspirés par l’ouverture de la Chine, sa marche vers une économie libérale et les espoirs nés des réflexions du pouvoir central sur le droit de propriété. A quoi s’ajoute la volonté des paysans de réagir aux abus des cadres locaux qui s’approprient la terre pour souffler, aux abords des grandes villes, une gigantesque bulle immobilière.

En janvier dernier, dans le Heilongjiang, des paysans, se réclamant de 40 000 de leurs collègues, ont mis en ligne une déclaration qui clamait leur détermination à « se battre jusqu’à la mort pour protéger la terre de l’avidité des cadres corrompus ». Pour eux le système de propriété collective, qui dilue les responsabilités, a transformé les paysans chinois en serfs. En 1978 déjà, un village de l’Anhui avait transgressé le dogme de la propriété collective et partagé les parcelles entre les familles d’un village. Deng Xiao Ping, le pragmatique, avait laissé faire. Et le village est resté célèbre pour avoir initié le système de location des terres, une semi-privatisation ayant permis le retour de la prospérité dans les campagnes, après trente années de folies collectivistes. La terre était cependant restée la propriété de l’Etat. Elle l’est toujours.

Cette fois, l’effervescence autour du droit de la terre, qui commençait à faire tâche d’huile, a été mise sous le boisseau, le site Internet a été fermé et les meneurs du Heilongjiang envoyés en camp de travail. Mais la boîte de Pandore a été ouverte. Selon Chen Yongmiao, un avocat de Pékin qui suit ces affaires de près, la contagion est à l’œuvre et d’autres contestations de ce type surgiront. Il n’est pas certain qu’à Pékin tout le monde soit d’accord pour étouffer la flambée par la répression. La question a en effet largement été reprise par les grands médias officiels contrôlés par le parti où des universitaires ont suggéré d’amender le principe de la propriété collective. Leurs arguments mettaient en avant que la privatisation, au moins partielle, des terres serait le meilleur moyen de mettre fin à la corruption. Mais à ce jour le parti a reculé, considérant que la propriété collective était un principe inaliénable du système politique chinois.

A dire vrai, les réticences ne sont pas seulement idéologiques. Toujours préoccupé par le fragile équilibre population - ressources, le pouvoir craint que la libéralisation du droit de la terre ne déclenche une frénésie immobilière qui braderait encore plus de terres agricoles. Cette tendance mettrait en danger l’approvisionnement des villes, et déclencherait la spirale infernale de l’inflation, dont le spectre rôde déjà depuis un an autour de la société chinoise. Peu après les incidents du Heilongjiang, une directive du Centre a rappelé aux citadins qu’ils n’étaient pas autorisés à acheter des terres agricoles.

Un principe qui n’est cependant respecté qu’en partie, puisque la presse chinoise elle-même indique que plus de 20% des transactions immobilières effectuées dans la grande périphérie de Pékin ont porté sur la vente de terres cultivables. Un retour en arrière, avec restitution des terres illégalement achetées grâce au laxisme autorisé par la corruption, n’est évidemment pas possible. Si, instruit par les abondantes archives décrivant les révoltes paysannes, le pouvoir craint les troubles dans les campagnes, souvent fomentées par des lettrés excédés ou en disgrâce, il est bien plus inquiet des rancoeurs possibles des citadins propriétaires, noyau dur de la nouvelle classe moyenne chinoise, en partie composée de fonctionnaires affiliés au parti.


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