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A Paris au premier plan le modèle jaune canari de Ofo et le vert de Gobee Bike, les deux vélos pékinois. Le 3e est un vélib classique à borne.
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En quelques mois les « vélibs » asiatiques ont investi la capitale. Impossible de ne pas remarquer ces cycles jaunes canari, verts ou gris rangés ou abandonnés au hasard sur les trottoirs, debout, appuyés sur leur béquille au milieu du passage, rangés contre un mur ou, parfois, pour les moins chanceux, jetés dans le caniveau.
La liberté débridée du concept transgressant les cadres rigides des bornes alignées, à peine vieilles de quelques années, mais qui, déjà, paraissent dépassées, a quelque chose de réjouissant et de roboratif. Elle exprime une vitalité, un pragmatisme, un sens des affaires, caractéristiques des jeunes de la nouvelle classe moyenne chinoise ou singapourienne fascinée par les nouvelles technologies de l’information (lire : Le vent nouveau de l’innovation chinoise.).
Avides de créer, doués d’un sens aigu de l’entreprise, émoustillés par l’appât du gain et l’aventure internationale, ces jeunes chefs d’entreprise dont certains ont étudié aux États-Unis, bardés de diplômes ou simples techniciens de l’informatique, chevauchent plusieurs tendances modernes ayant plus ou moins subjugué tous les pays développés à des degrés divers.
Elles vont du goût de se libérer des cadres rigides, à la nouvelle conscience écologique du monde reléguant l’ancien symbole de liberté qu’était l’automobile au rang d’accessoire urbain encombrant, presque impossible à garer et polluant, en passant par l’engouement pour les nouvelles technologies immatérielles et sans frontières s’affranchissant de l’espace à quoi s’ajoute le paiement par la magie du « smartphone », exercice où la classe moyenne chinoise est clairement en avance sur les Français.
Créativité et sens du commerce
Ainsi, tirant profit des innovations technologiques venues d’Amérique touchant au positionnement spatial, à Internet et aux « téléphones intelligents », ces jeunes entrepreneurs développent en France un projet commercial qui, il y a seulement quelques années, aurait paru utopique, où le contact et l’échange monétaire entre vendeur et client restent « virtuels » et proposent un moyen de transport urbain individuel, à la fois écologique et sportif, épousant les nouvelles tendances sociales de l’attention portée à la santé et débarrassé de la contrainte des « bornes ».
Il s’agit du hongkongais Gobee Bike, aux vélos « vert écolo », du Pékinois Ofo, « jaune canari », du Singapourien Obike jaune et gris (2000 vélos à Paris) et de Mobike, autre pékinois, aux jantes orangées, dernier arrivé dans la capitale avec 1000 vélos (200 millions de clients dans le monde, dans 200 villes et 13 pays). Leurs cycles abandonnés au hasard après emploi peuvent être localisés par GPS grâce à une application chargeable sur le « smartphone », Le déverrouillage du cadenas se fait en scannant au téléphone portable un code QR qui lance en même temps la facturation.
A Paris, les projets concurrents qui proposent des tarifs pour 30 minutes allant de 50 centimes (Obike et Gobique) à 150 centimes (Ofo dont les engins sont plus légers, mais dont il est clair que les prix seront ajustés) spéculent sur l’intention de la municipalité d’augmenter de 4 à 15% la proportion des déplacements en vélos, certaines villes européennes tablant même sur une proportion à 25% dans moins de 5 ans. La mode s’étend aux États-Unis, en Europe (Royaume Uni, Pays Bas, Allemagne, Italie) en Asie (Malaisie, Thaïlande, Japon, Corée du Sud, Australie).
Face à la concurrence asiatique, il faut signaler le Français Indigo Weel, filiale du groupe Indigo (ex-Vinci Park) et actionnaire majoritaire des vélos Smoove gagnant de l’appel d’offre de la mairie de Paris pour les « vélibs » traditionnels à bornes. Lancé à Tours et à Metz où il met sur le marché 500 vélos blancs et violets avec pour cibles toutes les villes françaises de 300 000 habitants, le groupe, tente de s’implanter sur le marché des provinces françaises où les Asiatiques sont moins présents.
Doutes et Incidents de jeunesse.

Cette photo d’un amas de vélos à réparer prise à Pékin donne une idée des problèmes logistiques du projet de « vélos flottants ». Submergées par les problèmes deux sociétés chinoises ont déjà fait faillite, une troisième a des problèmes financiers. Mais en Chine les conditions du marché où les sociétés chinoises se livrent une féroce compétition sur les prix, sont plus dures qu’en Europe.
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Alors que tous ces projets sont encore dans leur phase d’essai, nombre de questions se posent à propos de leur rentabilité, de leur insertion dans la législation des entreprises et la fiscalité publique d’autant que surgissent d’autres projets de « free floating », selon le vocable anglais du concept avec, cette fois, des scooters ou des vélos électriques.
A ces interrogations rejoignant celles sur les taxis Uber posant des questions de licences et d’impôts, s’ajoutent les incertitudes sur la pérennité de l’outil de travail, parc de plusieurs milliers de vélos éparpillés et laissés sans surveillance pouvant être la cible du vandalisme urbain. Leur récupération pour vérification et réparation en cas d’incident ou de dégradation suppose une solide logistique qui augmentera le coût d’exploitation.
On peut déjà anticiper que les deux points clés de la logistique et de la solidité des vélos conditionneront la survie des projets.
Si le concept dont la souplesse est incomparable réjouit les utilisateurs, certaines municipalités s’interrogent sur le moyen d’éviter l’invasion chaotique des trottoirs par un projet à la fois sans bornes et, pour l’instant, sans règles ni charges d’occupation de l’espace public.
D’autres mairies qui subventionnent les « vélibs » traditionnels à bornes, s’inquiètent de la concurrence de ces « vélos flottants », tandis que Gobee Bike, le Hongkongais a déjà jeté l’éponge à Lille et à Reims après que sa flotte de vélos ait rapidement été vandalisée, rayons coupés, chaînes déraillées, cadenas cassés et roues tordues.