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›› Chronique

Temps de chien pour les cynophiles pékinois

Contrairement aux Cantonais pour qui l’espèce canine évoque avant tout un met délicieux, les Pékinois sont réputés pour leur cynophilie dans son sens le plus classique. Tandis que la démographie se stabilise sous la politique de « l’enfant unique » ces dernières années, le nombre des chiens a connu, si l’on croit aux rumeurs qui courent dans la capitale de l’Empire du milieu, une croissance à l’allure exponentielle. Après maison et automobile, le toutou est devenu à son tour un signe extérieur de la richesse. Comme dans toutes les économies de marché, socialiste ou non, l’engouement pour un bien entraîne la croissance de sa production et l’accélération de sa circulation. Plusieurs millions des chiots auraient afflué à la porte de Pékin, transportés par les marchands des provinces avoisinantes qui misent gros sur le nouveau hobby des Pékinois.

Mais bientôt apparaissent les effets secondaires de cette vague de cynophilie. A la nuisance sonore, produite par des aboiements intempestifs, et aux monceaux de crottes sur la voie publique, s’ajoute, sournoisement, l’épidémie de la rage. C’est l’administration sanitaire de la Ville qui tire l’alarme en premier : les cas de morsures seraient fréquents et l’on distribue quotidiennement plusieurs milliers de doses de vaccins antirabiques dans les hôpitaux. Des centaines de cas mortels de rage auraient été enregistrés durant le 3e trimestre, à Pékin et dans sa région. La menace d’épidémie est devenue une affaire sérieuse.

A l’origine de cette recrudescence rabique, se trouve probablement l’inconscience collective des Pékinois, associée à une certaine forme d’esprit rebelle. Sous-estimant le danger de rage, les cynophiles pékinois s’obstinent à ne pas déclarer leurs canidés aux autorités municipales, afin de se soustraire à la taxe spéciale qui à leurs yeux est exorbitante et à la vaccination obligatoire des animaux. Ainsi le virus rabique se propage tranquillement parmi les clébards non vaccinés et cause de temps à autres des victimes humaines.

Aux grands maux, les grands remèdes. Face à cette indiscipline atavique des Pékinois, les autorités répondent par un vieux réflexe de tout répressif, digne héritier de la Révolution culturelle. Au lieu de manier des outils juridiques et éducatifs, elles mobilisent en premier lieu la Police : des brigades anti-canines sillonnent les rues, tuant les chiens non enregistrés tout en verbalisant fortement leurs maîtres. Ainsi s’installe un climat de conflit entre cynophiles et policiers et l’incident qui a éclaté le 11 novembre dernier en est l’issue inévitable.

Des milliers de cynophiles se sont rassemblés ce samedi d’automne devant le zoo de Pékin. A 10 heures du matin, des banderoles bariolées étaient hissées sous les yeux des passants ébahis. On pouvait y lire des slogans comme « ne touche pas à mon toutou » ou « respectez la vie animale ». Des journalistes, surtout ceux de Hongkong et de Taiwan, n’ont pas manqué de photographier la manifestation et la nouvelle a fait le tour du monde sur Internet. Il a fallu l’arrivée de la police anti-émeute pour mettre fin à cette manifestation d’un genre inédit. Seule la presse officielle s’illustre par son silence, muselée comme d’habitude par le Département central de la propagande.

La moralité de cette histoire ? Les dirigeants chinois devraient se préparer à des conflits non idéologiques entre la population et le régime. Du chômage des jeunes diplômés à la précarité des travailleurs d’origine rurale, en passant par la dégradation de l’environnement et des réquisitions abusives de terrains, il ne manque pas d’étincelles dans ce pays pour enflammer l’opinion publique. Les cynophiles pékinois ne sont pas les seuls à se plaindre du temps de chien.


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