Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Chine - monde

Une guerre entre la Chine et les Etats-Unis est-elle possible ? Inquiétudes à Taïwan et en Asie

Les priorités chinoises sont internes.

Le 1er octobre le Parti a célébré le 67e anniversaire de la République populaire. La photo montre les 7 membres du Comité Permanent du politburo. En amont du 6e plenum du Parti (octobre) et du 19e Congrès (novembre 2017), la direction politique du régime doit affronter de vastes défis internes.

*

Le 30 septembre, un article du South China Morning Post publié à la veille du 67e anniversaire de la proclamation de la République Populaire faisait le point des fragilités politiques et socio-économiques du régime chinois et laissait entendre que la première préoccupation du Politburo n’était pas impériale, mais de politique intérieure.

Analysant les vents contraires, Zhang Lifan, ancien sociologue de l’Académie des Sciences Sociales cité dans l’article, rappelait le vaste éventail des mécontents (classe moyenne frustrée, migrants, écologistes, membres du Parti hostiles à la sévérité de la lutte anti-corruption, entrepreneurs privés déçus par la prévalence des conglomérats publics et des banques d’État) qui, dit-il, n’attendaient qu’un faux pas de Xi Jinping pour l’affaiblir.

Contrairement à Tisdall, Cary Huang l’auteur de l’article, analyste très introduit dans la nébuleuse politique du Parti, estime que le raidissement du régime après le jugement de la Cour Permanente d’Arbitrage, ne suffira pas à effacer les conséquences à moyen et long terme de ce qu’il considère être le pire échec diplomatique chinois en 60 ans.

…et des marges d’apaisement existent.

Enfin, dans un contexte où, contrairement à la mouvance néo-conservatrice américaine, la Chine ne cherche pas l’affrontement direct, mais se contente de « tester » la détermination de la Maison Blanche à maintenir ses positions dans le Pacifique occidental, tandis qu’elle développe une vaste stratégie d’influence et de contournement articulée autour de ses capitaux en appui de son commerce et ponctuée par ses projets d’infrastructures de transport et d’énergie, Walter C.Clemens, professeur associé à Harvard, prenait déjà l’été dernier le contrepied la théorie du « piège de Thucydide », dans un article paru simultanément dans le Japan Times et « The Diplomat ».

Fustigeant le caractère trompeur et dangereux d’une théorie auto-réalisatrice articulée à l’histoire très ancienne de la vieille Europe, il rappelait que les compétitions entre une puissance établie et sa rivale en développement rapide, n’avaient pas toujours dégénéré en conflit ouvert. En réalité, rares furent les enchainements inévitables dans les affaires du Monde. Les Anglais, dit-il, sont restés alliés des Américains et l’Union Soviétique, épouvantail de l’après-guerre, s’est évaporé sans combat.

Ajoutons à cela qu’en mer de Chine du sud, par exemple, compte tenu des divergences internes de la machine politique chinoise sur cette question (lire à ce sujet Mer de Chine du sud. Plongée dans la pensée paradoxale chinoise), il ne devrait pas être bien difficile, à la fois d’éviter une montée aux extrêmes que ni Washington ni Pékin ne souhaitent et de sauver la face du régime chinois pour que l’abandon de sa revendication improbable sur toute la mer de Chine du sud n’apparaisse pas comme un reculade face son opinion publique.

Hormis ce point très dur de la controverse sur lequel il serait en effet dangereux de céder, des marges de manœuvre existent. Les solutions sont dans les tiroirs depuis plus de 10 ans.

Mais elles sont restées lettre morte à la suite des rivalités d’intérêts et des suspicions générées par l’intransigeance nationaliste chinoise. Les riverains pourraient par exemple accepter le partage des ressources contre des financements chinois – une voie en cours d’exploration par Pékin et le nouveau Président philippin Duterte -, tandis que le Congrès américain surmonterait ses réticences et ferait le geste de ratifier la convention sur le droit de la mer [2]. Le Pentagone pourrait, quant à lui, renoncer à ses patrouilles de surveillance au-dessus des ZEE chinoises et Pékin s’engager à cesser la militarisation des îlots.

*

Pour finir, rappelons que la situation des relations sino-américaines échappe au schéma binaire de la guerre froide ou à ceux des dernières grandes déflagrations mondiales attisées par des idéologies irréductibles animées par la haine et l’irrésistible pulsion d’en découdre. S’il est vrai qu’en Chine et aux États-Unis les peuples expriment parfois un nationalisme explosif, celui des dirigeants est contrôlé. En dépit des querelles et rivalités dont le nombre et la sévérité augmente, ni la Maison Blanche ni Pékin ne souhaite que les tensions dérapent.

Coopérations, échanges et soucis d’apaisement.

Rencontre entre deux capitaines de corvette, l’un américain à gauche l’autre chinois, le 8 août dernier à Qingdao lors de l’escale du Destroyer lance missiles Benfold, moins d’un mois après le jugement très défavorable à Pékin de la Cour Permanente de La Haye.

*

En Chine après l’arbitrage défavorable à Pékin de la Cour de La Haye, le 12 juillet dernier, les excès du nationalisme anti-américains des réseaux sociaux ont été mis sous le boisseau par la censure. Récemment, un article du Global Times piloté par le régime faisait l’éloge du président Obama sur le départ.

Lorsqu’à Hangzhou le président américain a du subir l’affront d’une arrivée ratée, sans tapis rouge, quittant Air Force One par une porte technique, il a d’abord blâmé avec raison les excès autoritaires et intrusifs de la sécurité présidentielle américaine.

Alors que les médias étalent sans cesse les frictions entre les deux, la relation bilatérale est marquée par une longue liste de coopérations y compris technologiques indispensables à la modernisation du pays, tandis que les échanges commerciaux dont l’ampleur considérable (près de 600 Mds de $ en 2015) ne faiblit pas, créent une forte dépendance réciproque, moteur de l’économie chinoise et ballon d’oxygène des industries américaines qui délocalisent leur production avant de la réimporter aux États-Unis, une des causes du déficit commercial américain évalué à 365 Mds de $ en 2015.

Parallèlement, en détenant toujours 1241 Mds de $ de bonds du trésor, soit 30% de la dette extérieure américaine, la Banque de Chine soutient le Dollar et, par la même occasion freine la hausse de sa devise, favorisant ainsi ses exportations.

*

Parmi les coopérations, la plus étonnante et la plus visible est peut-être celle entre les deux marines de guerre. Récemment elle a été utilisée par le Régime comme un démenti aux analyses alarmistes spéculant sur le caractère inéluctable d’un conflit. Le 12 juillet 2016, le jour même du jugement de La Haye, le Quotidien du Peuple publiait 7 photos en pleines pages des navires de combat chinois participant à l’exercice RIMPAC 2016.

Certaines des vues étaient prises dans le port de Pearl Harbor, quelques unes à bord du porte-avions américain John Stennis, d’autres encore lors d’exercices de la marine chinoise en route pour Hawaï.

Les échanges à ce niveau inédit entre les flottes de combat ne sont certes pas une garantie que les crises potentielles dans le Détroit de Taïwan ou dans les parages de la Corée du Nord ne dégénèreront pas. Mais en multipliant les dialogues entre responsables à tous les niveaux des deux marines, ils contribueront peut-être à réduire la part d’irrationnel du « piège de Thucydide ».

Note(s) :

[2Le Congrès refuse de ratifier la convention, d’abord parce que le législatif américain a toujours exprimé une grande méfiance à l’égard des traités ou conventions dont l’application ne repose que sur la seule bonne volonté des signataires et, corollaire, parce que la convention de Montego Bay n’est pas contraignante et propose des clauses de réserves qui, dans le cas de la mer de Chine du sud, permettent à Pékin de s’exonérer des arbitrages qu’elle réfute sur les questions de souveraineté.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Au-delà de la reprise des contacts militaires, la lourde rivalité sino-américaine en Asie-Pacifique

Au Pakistan, des Chinois à nouveau victimes des terroristes

Munich : Misère de l’Europe-puissance et stratégie sino-russe du chaos

Au Myanmar le pragmatisme de Pékin aux prises avec le chaos d’une guerre civile

Nouvelles routes de la soie. Fragilités et ajustements