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Excédent commercial, réformes et mauvaises pratiques industrielles

Une image contrastée de l’économie.

Xu Shaoshi, président de la CNRD lors de sa conférence de presse lors de la session de l’ANP à Pékin, le 5 mars 2015. (Xinhua/Wang Peng)

Les bons chiffres de la balance commerciale de février tranchent avec les analyses moroses de Xu Shaoshi Président de la Commission Nationale pour la Réforme et Développement (CNRD). Dans son rapport à l’ANP le 5 mars, il a, après avoir longuement recensé les réformes en cours, pointé du doigt les difficultés qui plombent l’économie : « l’investissement se contracte, la consommation stagne, le coût du travail augmente, les PME n’ont pas accès au crédit, les profits des industries traditionnelles, plombées par les surcapacités se réduisent, l’offre d’emploi et les revenus des particuliers fléchissent » (page 11 du rapport, document PDF).

A quoi s’ajoutent, toujours selon la CNRD, les incertitudes de l’immobilier, le retour des dettes toxiques des banques, les difficultés du secteur agricole, les atteintes à l’environnement et les conflits du travail. Au passage Xu a souligné les difficultés politiques des réformes de structures : « Alors que les ajustements ont atteint une phase critique et que certains sont loin d’être satisfaisants, il devient de plus en plus difficile de briser les intérêts particuliers profondément enracinés. »

Ralentissement durable.

A ces contrastes s’ajoute une suite de chiffres pessimistes qui donnent le sentiment que l’économie chinoise ralentit plus vite que ne l’avaient prévu les planificateurs. Le freinage se poursuit en dépit de deux baisses des taux d’intérêts en 4 mois et d’une nouvelle réduction taux de réserve obligatoire par la Banque Centrale qui libèreront 600 Mds de Yuans de crédit (90 Mds d’€).

Selon les statistiques chinoises en janvier et février la production n’a augmenté que de 6,8% - la plus faible croissance depuis 2009 -, très en dessous des prévisions. Au total, depuis janvier 2011, le rythme de croissance industrielle est passé de + 15% à + 7%, un ralentissement homothétique de la consommation des ménages.

Le ralentissement s’accompagne d’une baisse des prix à la production qui en janvier et février est tombé au-dessous de la barre des – 4% par rapport à la même période de 2014. Si le ralentissement continuait, faisant craindre une déflation à la japonaise, il est probable que la Banque Centrale agira à nouveau assez vite sur les taux d’intérêt et de réserve obligatoire.

Dans ces conditions, le ministre des ressources humaines et de la sécurité sociale Yin Weimin craignait que les objectifs de création d’emploi ne soient pas atteints. 15 millions de nouveaux diplômés des instituts et écoles professionnelles arriveront en effet sur le marché en 2015.

Ils s’ajouteront à l’exode rural qui propulsera 300 millions de chinois vers les villes d’ici 2025. Aux chiffres signalant une contraction durable de la croissance entérinée par le pouvoir qui a fixé l’objectif de croissance de 2015 à +7%, s’ajoutent la vulnérabilité de l’immobilier signalée par la CNRD (la chute des prix s’est accélérée au cours de janvier et février), la faible demande intérieure, l’augmentation de la dette – notamment celles des provinces que le pouvoir aura du mal à éponger -, qui s’ajoute à celles du système financier dénoncées par Xu Shaoshi.

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La construction navale trébuche.

En juillet 2013 des ouvriers de Rongsheng réclamaient leurs salaires impayés. A l’époque les analystes estimaient que le gouvernement viendrait à son secours. Aujourd’hui rien n’est moins sûr. Photo : Reuters

En lançant ses réformes de structure en 2013, le pouvoir avait prévenu : les secteurs les plus fragiles souffriraient, tandis que les entreprises les moins performantes risquaient de disparaître. Nous y sommes.

Dans la construction navale qui encaisse de plein fouet la pression de la réduction des crédits par la Banque de Chine et les conséquences de la crise globale, certains groupes mal gérés, financièrement trop engagés, incapables d’honorer leurs commandes, trébuchent. C’est le cas de celui qui était il y a encore peu l’un des plus puissants constructeurs de porte-conteneurs, minéraliers ou pétroliers géants du pays : le Jiangsu Rongsheng Heavy Industries Group Co., auquel le magazine Caixin vient de consacrer un long article intitulé : « Le plus grand chantier naval de Chine est devenu un navire fantôme ».

Le groupe Rongsheng, un exemple à ne pas suivre.

La descente aux enfers du groupe symbolise les excès de l’ancien schéma de croissance articulé autour de gaspillages, de collusions politiques, de dissimulations et de maquillages. A un moment où le crédit devient plus rare, elle montre de manière presque caricaturale la nécessité des réformes économiques et industrielles en même temps que l’obligation de mieux contrôler le système financier qui trop souvent a procédé à des allocations de ressources sans se préoccuper des critères de rentabilité industrielle.

Situé sur l’île de Changqingsha sur le Changjiang à 80 km de l’embouchure, le chantier naval du groupe Rongsheng, établi en 2011, aujourd’hui au bord de la faillite, doit 20,4 Mds de Yuan (3 Mds d’€) à 14 banques, dont 30% à court terme.

Il a accumulé une longue série d’errements, d’imprudences et de falsifications longtemps cautionnés par les institutions financières et les pouvoirs locaux. Les négligences, abus et bévues qui ont précipité sa chute allaient des longs retards de livraison – jusqu’à trois ans - qui finirent par provoquer des annulations en série de commandes, jusqu’à la falsification des carnets de commandes en collusion avec des comparses véreux recrutés pour leurrer les investisseurs.

Collusion avec les banques publiques et l’administration locale.

Quand le marché s’est contracté et que le crédit se fit plus rare pour les clients, c’est le groupe lui-même qui arrangeait le financement des commandes avec les banques chinoises dont l’Export-Import Bank of China et la China Development Bank (CDB).

Celles-ci appuyées par les administrations locales ont longtemps suivi Rongsheng dans sa fuite en avant. Mais la catastrophe qui couve depuis 2012 avec une première restructuration et le licenciement de 20 000 ouvriers, a éclaté quand les banques, mises sous pression par la nouvelle rigueur de la Banque Centrale n’ont plus suivi alors que le groupe tardait à honorer ses emprunts.

En mai 2014, une tentative de sauvetage par le gouvernement du Jiangsu échoua. La province avait sollicité le chantier naval public China State Shipbuilding Corp. (CSSC) pour une éventuelle reprise. Mais selon un proche de CSSC, le mauvais état des installations et la montagne de dettes du groupe découragèrent les repreneurs.

Selon une étude récente de la Maybank tout le secteur des constructions navales chinoises est en difficultés, conséquence de la contraction du marché des porte-conteneurs et des vraquiers. La reprise amorcée en 2013 ne s’est pas concrétisée, dans un contexte global de surcapacités. La crise pourrait se poursuivre jusqu’en 2016 avec des marges qui resteront faibles jusqu’en 2017, d’autant que les chantiers navals chinois souffrent de la concurrence des Sud-coréens.

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Un fleuron discret et bien géré.

Le paysage des constructions navales chinoises n’est cependant pas aussi uniformément morose. Il existe des groupes bien gérés dont les pratiques commerciales et industrielles tranchent avec l’amateurisme trouble et aventureux de Rongsheng. Le pouvoir politique pourra s’en servir comme un exemple à suivre dans les réajustements en cours, tant en ce qui concerne la transparence et la rigueur des financements que le fonctionnement du conseil d’administration.

C’est le cas de « Yangzijiang Shipbuilding Holdings Ltd », l’un des plus puissants groupes basés en Chine créé en 1956, listé aux bourses de Singapour et Taïwan. En dépit de l’atonie du secteur il a, au cours de l’année 2014, engrangé 41 commandes (avec 13 nouveaux contrats au cours du dernier trimestre pour une valeur totale de 388 millions de $).

Le site d’analyse financière Motley Fool cautionné par le Washington Post, Time, Fortune et The Economist considère qu’en dépit d’une baisse de revenus entre 2011 et 2013 et malgré l’augmentation de sa dette passée de 14,4% à 54% de ses fonds propres, sa structure financière reste saine et ses marges sont restées au-dessus de 20% au cours des 5 dernières années. Malgré la crise, il offre toujours un confortable retour sur investissement de 15%.

LEADING with CONFIDENCE, ANNUAL REPORT 2013 (document PDF)


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