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›› Editorial

Large victoire de Tsai Ing-wen. L’indépendance mise en sommeil. Pékin réagit avec placidité

La remarquable placidité de Pékin.

Tsai Ing-wen qui se refuse pour l’instant à reconnaître l’existence « d’une seule Chine », tentera le défi improbable de construire un nouveau type de relations avec le Continent.

A Pékin, même si elles n’ont pas complètement rompu avec la menace de représailles en cas de déclaration d’indépendance exprimée par le Bureau des Affaires taïwanaises, les réactions officielles ont été beaucoup plus mesurées que lors de l’élection de Chen Shui-bian.

Mais la sèche sobriété du message du Waijiaobu qui rappelait l’appartenance de Taïwan à la Chine dont la réalité ne sera pas modifiée par les élections, dessine l’ampleur des défis qui attendent Tsai Ing-wen, en particulier venant de son propre camp dont les plus radicaux l’accuseront à terme d’avoir abandonné le cœur indépendantiste du message du Parti.

Quant aux médias officiels chinois plus prolixes que le Poliburo, ils ont noté la promesse de Tsai de protéger le statu-quo dans le Détroit, tout en mettant, par la voix de Xinhua, en garde contre la tentation séparatiste qui compromettrait définitivement le projet de la nouvelle présidente de moderniser l’Île. « Les élections ne modifient pas le consensus international selon lequel il n’existe qu’une seule Chine ».

Dans une longue dépêche du 16 janvier, Xinhua exprime le choix de placidité du Bureau Politique et sa volonté de prendre de la hauteur. Convaincu que le temps joue pour lui, il élude complètement les causes identitaires de la victoire de Tsai et la résistance de l’opinion au style de rapprochement avec la Chine initiée en 2008 par Ma Ying-jeou. Pour l’agence officielle du régime, les élections du 16 janvier sont « une affaire interne à Taïwan » dont les résultats catastrophiques pour le KMT sont dus à une conjonction de facteurs sociaux et économiques et à l’insatisfaction de la jeunesse.

Non sans raison, l’analyse insiste sur le fait que les acquis du rapprochement sont reconnus même par Tsai qui a promis de les protéger. Un retour en arrière serait désormais impossible, « quand bien même la nouvelle présidente n’a jamais reconnu le principe d’une seule Chine » précise la dépêche. Au fil de la dialectique, Xinhua fait dorénavant peser toute la responsabilité de la paix et de la stabilité dans le Détroit sur les seules épaules de Tsai et anticipe que, si elle renouait avec la stratégie de provocations de Chen Shui-bian, l’opinion de l’Île la désavouerait.

Au total, la dépêche s’efforce d’exprimer la confiance du régime dans le futur des relations avec l’Île en anticipant que la présence au pouvoir du DPP sera de courte durée et n’aurait pas plus d’impact que « la fugacité d’un nuage ou d’une fumée » (Guo Yan, Yun Yan - 过 眼 云 烟 -).

En minimisant la force du rejet identitaire qui, au printemps 2014, avait porté un coup d’arrêt aux stratégies rampantes de réunification par l’explosion des relations économiques dans le Détroit, et en attribuant la défaite du KMT aux seuls facteurs internes à l’Île, le Parti Communiste Chinois qui fait mine de croire à l’adhésion de toute la société taïwanaise au consensus d’une seule Chine, perpétue les non-dits de la relation dans le Détroit.

Cherchant, sans esprit de recul, à faire coïncider son projet de réunification, parti du « rêve chinois » de Xi Jinping, avec la réalité imaginaire d’un sentiment d’appartenance nationale de part et d’autre du Détroit, en réalité en voie d’effritement, le Bureau Politique qui tient toujours l’Île sous la menace de missiles balistiques, contribue à réduire les chances de dialogue au cours des 4 années qui viennent.

Alors que Pékin alourdit son influence sur la R.A.S de Hong-Kong, (lire notre article Hong – Kong sous influence), il est aujourd’hui peu probable que les Taïwanais adhèrent au projet de Pékin dans le Détroit, toujours articulé au concept « d’un pays deux systèmes ».

La possibilité que des tensions resurgissent est d’autant plus forte que Tsai Ing-wen, dont l’ambition est de dessiner un nouveau mode de relations avec le Continent, rejette toujours le consensus de 1992 et que le Politburo chinois résistera mal à la tentation d’exercer des pressions sur l’Île pour réduire la marge de manœuvre diplomatique de Taipei, sujet dont l’extrême sensibilité heurte le sentiment nationaliste des Taïwanais.

En attendant, alors qu’Eric Chu a démissionné de la présidence du KMT et officiellement fait amende honorable pour son échec et les erreurs du Parti, « Nous avons trahi les attentes des électeurs et n’avons pas été à la hauteur de nos responsabilités dans l’Île », Tsai tire un avantage international des félicitations que lui ont adressées par, entre autres, les États-Unis, le Japon, l’Inde, Singapour, les Philippines et plusieurs pays européens dont la France.

Pour autant, indice que la route de la nouvelle présidente sera jonchée d’obstacles, si certains ont marqué leur admiration pour la qualité de la démocratie dans l’Île, tous, qu’ils l’aient exprimé directement ou non lors de leurs compliments, reconnaissent « la politique d’une seule Chine », principal point de discorde entre Tsai et le Politburo.


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