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›› Editorial

Les éclaircies stratégiques de la Chine

Le jeu ambigu de Hanoi et la perplexité de Washington.

Le 7 avril 2015, le n°1 chinois Xi Jinping a accueilli à Pékin son homologue vietnamien. La visite était l’aboutissement des efforts diplomatiques chinois pour rassurer son susceptible voisin après les violences anti-chinoises de mai 2014. Elle a lieu alors que Pékin s’inquiète des efforts de Washington envers Hanoi, sollicités par les Vietnamiens qui cherchent un contrepoids à la Chine.

En mars dernier le président Vietnamien Truong Tan Sang était à Tokyo, très courtisé par Shinzo Abe et les militaires japonais, tandis qu’au même moment le ministre de la sécurité publique Tran Dai Quang effectuait une visite à Washington pour, dit-on, préparer la venue aux États-Unis du secrétaire du parti Nguyen Phu Trong. Mais Pékin a pris de vitesse la Maison Blanche. Le Bureau Politique chinois a en effet accueilli en Chine le n°1 vietnamien, homologue direct de Xi Jinping que l’administration américaine souhaitait accueillir au Vietnam dans les mois qui viennent.

Arrière plan de méfiances.

La visite à Pékin de Nguyen Phu Trong s’est déroulée alors que, depuis la Jamaïque qu’il a visitée en marge du sommet des Amérique à Panama, Obama a, le 9 avril, réitéré les inquiétudes de la Maison Blanche face aux pressions chinoises en mer de Chine du Sud, accusant Pékin de « profiter de sa taille et de sa puissance militaire pour bousculer ses petits voisins ».

Une accusation qui fut sans doute bien comprise par Hanoi, mais à quoi le porte parole chinois a vertement rétorqué que les pressions militaires de par le monde étaient plutôt la marque des États-Unis que de la Chine.
Voir la stratégie chinoise dans les Spratly :
- Nouvelles tensions en mer de Chine du Sud
- Explosion de violences anti-chinoises au Vietnam

La présence à Pékin de Nguyen Nguyen Phu Trong durant la deuxième semaine d’avril est le premier et très significatif aboutissement d’une longue série de manœuvres chinoises pour amadouer Hanoi, y compris la visite au Vietnam en octobre 2014 du Conseiller d’État Yang Jiechi, ancien ambassadeur à Washington et ancien ministre des Affaires étrangères.

Placé sous le signe de la relation entre les deux partis communistes plutôt qu’entre les gouvernements, le séjour a été délibérément inscrit par le Bureau Politique dans le cadre de la compétition avec Washington évoquée sans détour par Xinhua, ce qui montre le souci de la Chine habituellement moins explicite.

Hanoi, enjeu entre Washington et Pékin.

Le 6 avril, à la veille de la visite du n°1 vietnamien à Pékin, 2 navires de guerre américains de gros tonnage, le Lance missiles Fitzgerald et le navire de débarquement Fort Worth, faisaient escale à Danang, pour participer à un exercice bilatéral de réaction aux rencontres impromptues en mer. Le commandant adjoint de cette flottille était le Capitaine de Vaisseau Le Ba Hung, à droite sur la photo, vietnamien d’origine qui avait fui le Vietnam en 1975.

Le communiqué de l’agence officielle insista sur le contraste entre les anciennes relations sino-vietnamiennes et la nouveauté des relations avec Washington. Entre Hanoi et Pékin les liens étaient durables et solides, basés sur la proximité géographique, la complémentarité économique, les affinités culturelles et idéologiques. Dans ce contexte, ajoutait Xinhua, il était naïf de croire qu’un tel partenariat enraciné dans l’histoire pourrait être menacé par des querelles en mer de Chine du sud. Puis, désignant Washington sans le nommer : « aucun pays ne parviendra à créer une fracture entre nous ».

L’AIIB et la « route maritime de la soie. »

Selon le Nikei Asian Review, Xi Jinping et Nguyen Phu Trong ont promis de coopérer sur la « route de la soie maritime » (RSM) entre la côte orientale de la Chine, le Moyen Orient et l’Europe, via l’océan indien que Pékin, a méthodiquement construit depuis de longues années (Voir notre article La huitième perle).

Sur cet axe, Pékin voit le Vietnam comme un jalon essentiel le long de cette ligne de communication logistique de première importance. Mais Hanoi, échaudé par l’ampleur des revendications chinoises en mer de Chine du sud, s’était jusqu’à présent soigneusement tenu à distance du projet. Pour autant les deux ont promis de régler désormais leurs différends par la négociation, de tenir sous le boisseau les dérapages militaires et enfin de coopérer dans la construction d’infrastructures, un secteur où Hanoi avait préparé le terrain dès l’automne 2014 en devenant membre fondateur à l’AIIB.

Washington qui s’est considérablement engagé aux côtés d’Hanoi jusqu’à organiser des manœuvres navales communes en Mer de Chine du sud, observe l’épisode avec perplexité et se rassure à la perspective que le n°1 vietnamien devrait se rendre aux États-Unis avant la fin de l’année.

Le Pentagone se réjouit aussi que pendant le voyage de Nguyen à Pékin, le destroyer lance-missiles USS Fitzgerald ait fait escale à Danang accompagné pour la première fois par le Fort Worth jaugeant 3500 tonnes, à la fois porte hélicoptères et navire de débarquement abritant dans sa soute des vedettes rapides. Détail intéressant, le commandant en second de cette flottille était un Américain d’origine vietnamienne, le commandant LE. Ayant fui le Vietnam en 1975 à bord d’un chalutier avec sa famille et son père également officier dans la marine sud-vietnamienne, il était déjà venu à Danang en qualité de commandant du destroyer lance-missiles USS Lassen en 2009.

*

La connivence ambiguë des communistes sinisés.

En Asie les apparences sont parfois trompeuses. En 2014, Hanoi a certes exercé une formidable pression publique sur Pékin (violentes manifestations anti-chinoises en mai et plainte déposée au tribunal pour le droit de la mer en décembre). Le but était de signifier à Pékin les limites à ne pas dépasser en utilisant l’épouvantail américain et la cour internationale de La Haye. Mais le Parti communiste vietnamien est capable d’une stratégie à deux faces : exercer sans faiblir des pressions sur Pékin tout en entamant de discrètes négociations avec la Chine sur leurs différends de frontières.

En décembre 2011, alors qu’il était encore vice-président Xi Jinping avait déjà rencontré à Hanoi le président Truong Tan Sang et son premier ministre Nguyen Tan Dong. La rencontre faisait suite à la visite de Dai Bingguo, n°1 des affaires stratégiques du Waijiaobu et à un communiqué commun publié à la mi-octobre 2011 par lequel Pékin acceptait d’accélérer la délimitation des eaux territoriales et de négocier leur exploitation conjointe dans la zone des Paracels. Prise au pied de la lettre, la déclaration indiquait que, dans cette zone au moins, les négociateurs chinois qui agissaient avec la caution de Hu Jintao, pourraient abandonner une partie de leurs revendications de souveraineté.

La déclaration précisait en effet que « les deux pays rechercheraient des solutions durables, acceptables par les deux parties sur la base de la Convention des NU sur le droit de la mer (…) En attendant un accord global sur la question de souveraineté, Pékin et Hanoi négocieraient activement une coopération pour un développement conjoint. »

Ce n’était pas la première fois que les deux parvenaient à un accord contredisant la revendication de Pékin sur toute la mer de Chine. En 2000, un engagement bilatéral de ce type avait déjà été signé dans le golfe du Tonkin, délimitant les eaux comprises entre les côtes septentrionales du Vietnam et la côte ouest de Hainan.

Les deux marines y avaient même conduit des patrouilles conjointes. Vu par cette perspective d’il y a 4 ans, la nouvelle inflexibilité de Pékin sur les Paracels explique le soudain raidissement de Hanoi en 2014.

Pour une mise en perspective plus longue :
- Querelles sino-vietnamiennes. Rivalités des frères ennemis et enjeu global


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