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Les embarras de la puissance chinoise

Il est impossible aux Chinois de considérer leur pays en dehors du concept de puissance. La dimension, la démographie, l’histoire et les mythes culturels conduisent à la vision idéalisée d’une Chine placée au centre, bénévolente et tutélaire. Le réveil économique des trente dernières années, l’ouverture au monde, lente, parfois heurtée et la montée de nouvelles aspirations stratégiques de Pékin en Asie du Nord-Est et du Sud, au Moyen Orient, en Asie Centrale et en Afrique, sur fond de quête d’énergie et de matières premières, confortent la certitude du retour de puissance, chevillée à l’imaginaire de tous les Chinois. Mais cette trajectoire orgueilleuse - revanche des humiliations passées - est parfois observée avec inquiétude à l’intérieur, où on craint les dérapages nationalistes et à l’extérieur par ceux qui s’interrogent sur les intentions réelles de Pékin.

De la modernisation de l’APL - sujet d’inquiétude pour le Pentagone, qui y voit parfois son ennemi futur - aux inflexibles revendications territoriales en Mer Jaune ou en Mer de Chine du Sud, sur fond de rivalités stratégiques avec les Etats-Unis, le Japon et l’Inde [1], en passant par les conflits commerciaux qui surgissent avec Washington, les accusations de cynisme de la politique africaine de Pékin ou les raidissements récurrents de la question taiwanaise, les motifs d’incertitude ou de tensions ne manquent pas. Comment, dans ce contexte, la Chine envisage t-elle son statut futur de très grande puissance ?

La question n’est pas neutre puisqu’elle interroge la capacité de Pékin à s’en tenir à son idéal imaginaire de bénévolence civilisatrice, version ancestrale de l’utopique harmonie planétaire prônée par l’actuelle direction du Parti, dans un concert international, où - quoi qu’en disent certains - son retour de puissance ne la replacera pas en position centrale et où sa liberté d’action et ses ambitions, handicapées par ses contradictions internes, se heurtent déjà - et se heurteront de plus en plus - à d’autres pôles de puissance.

La question est aussi celle de l’apaisement des relations entre anciens et nouveaux acteurs, dans un monde traversé de tensions. Elle interpelle également la communauté internationale, et en premier milieu les Etats-Unis et l’Europe, sur sa capacité à accompagner sans heurts, malgré les méfiances et les craintes qu’elle inspire parfois, la transition de la Chine vers la modernité et à faciliter son intégration au monde. Enfin, elle pousse les intellectuels chinois eux-mêmes à s’interroger sur les critères qui fondent la puissance, et, entre autres, sur la pertinence d’un système intérieur très fragile, dont la pérennité repose plus sur le contrôle politique et la coercition que sur le consensus.

Dans « Paix et guerre entre les Nations » Raymond Aron affirme que la puissance dans les relations internationales est « la capacité potentielle que possède un groupe d’hommes d’établir avec d’autres hommes des rapports conformes à ses désirs ». Puis, dans une vision modelée par la guerre froide, il définit les facteurs de la puissance qui sont l’espace, les ressources et les matériaux disponibles, le savoir faire - qui permet de les transformer -, le nombre des hommes et l’aptitude à en faire des soldats, et enfin la capacité d’action collective. Beaucoup en Chine adhèrent avec fierté à cette vision « hard » de la puissance, qui est avant tout une accumulation de moyens et de savoir-faire, assortie d’une volonté. Chaque semaine plusieurs émissions de télévision et quelques journaux spécialisés font l’inventaire de ces moyens militaires, industriels, économiques et humains, les comparant à ceux des Etats-Unis, spéculant sans fin sur le rapport des forces dans le cadre d’un hypothétique conflit, comme s’ils interrogeaient un miroir, pour s’assurer de la réalité du retour de puissance et de son avenir.

Note(s) :

[1S’il est vrai que les échanges commerciaux entre la Chine et l’Inde ont explosé en 10 ans de 35 millions à 15 milliards de dollars (qui ne représentent cependant que 1,2% du commerce extérieur chinois), les malentendus et les suspicions demeurent, notamment depuis que New-Delhi a signé avec le Brésil, l’Allemagne et le surtout le Japon un accord d’appui mutuel pour accéder au statut de membre permament du Conseil de sécurité.


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Par Marie Le 23/04/2007 à 15h43

> Les embarras de la puissance chinoise.

Une belle analyse des dilemmes qui se posent en Chine sur l’orientation de son rayonement international. Bonne utilisation des concepts, mais un peu trop manichéen à mon goût. Entre soft et hard power il y a le pragmatisme économique. Si l’on observe l’Afrique et les relations avec la Chine, si il y a effectivement tout un pan « soft power » avec le développement des échanges culturels, les bourses scolaires, les instituts confuscius... Mais ces aspect sont marginaux et anecdotiques, c’est plutôt le règne du tout économique. Pas de « hard power » en vue, la Chine essait tant bien que mal de se tenir à son principe de non ingérence. Mais de nombreux contrats signés et une croissance exponentielle des relations économiques sous une bannière gagnant-gagnant. Alors ni hard ni soft, dans la mesure où l’on ne propose pas de modèle, et que le « miracle économique chinois » assorti de généreuses aides suffisent à eux seuls, serait-ce l’émergeance de l’« economic power » ?

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