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›› Chronique

Les nouveaux hussards du Parti

Bo Xilai

61 ans, Secrétaire du Parti de la municipalité autonome de Chongqing (32 millions d’habitants), successeur de Wang Yang à ce poste et membre comme lui du Bureau Politique, ne bénéficie à l’évidence pas de l’appui de l’équipe au pouvoir, qui se méfie de lui et de son ascendance de « fils de prince », même si son adolescence fut, comme celle de beaucoup de cadres de sa génération, perturbée par la Révolution culturelle. Une période sombre durant laquelle sa famille fut déplacée à la campagne, sa mère emprisonnée et son père gravement malmené par les Gardes Rouges pendant presque toute l’année 1967.

La notoriété de cet homme élégant, au profil photogénique, jouant avec talent des médias, mais que les intellectuels chinois soupçonnent de ne « rouler que pour lui-même » et de « s’attacher plus à l’apparence qu’au fond des choses », vient d’une double campagne d’auto promotion conduite sur les deux thèmes de la corruption et de ses racines familiales. Ces dernières le rattachent en effet aux sources même du régime par le truchement de son père, Bo Yi Bo, l’un des « Huit Immortels », proches de Mao.

L’homme ne manque pas d’expérience. Non seulement sur le terrain, en province, comme maire de Dalian et gouverneur du Liaoning, puis à la tête de la municipalité de Chongqing, mais également comme ministre du commerce, où sa maîtrise de l’Anglais et son aisance avec les médias nationaux et étrangers ont beaucoup contribué à sa popularité et son efficacité. Aujourd’hui, par une formule ramassée dont les Chinois ont le secret, il est désigné par la vox populi comme l’homme qui « casse du noir et chante le rouge », « Dahei, Changhong ». Une double référence à son action contre les mafias corrompues locales et à son goût pour les chants révolutionnaires, en hommage à son père.

A Chongqing, sa renommée doit autant aux résultats concrets de sa campagne anti-corruption qui a mis sous les verrous plus de 3300 personnes, y compris au sein de sa propre administration et dans les rangs de la police, qu’à son style ouvert et médiatique qui tranche avec les vieilles habitudes de secret de la nomenklatura. Les procès des responsables des clans mafieux et des fonctionnaires corrompus, diffusés dans toute la Chine, avec reportages et interviews en marge des audiences, et comparutions à la barre d’une profusion de témoins aux histoires parfois pittoresques, ont été suivis comme un feuilleton par des centaines de millions de chinois et abondamment relayés par la presse. En 2009, une enquête réalisée par le Quotidien du Peuple en ligne l’a consacré comme « homme de l’année ».

Que Bo Xilai cherche la célébrité, en vue d’une promotion au sein du Comité Permanent du Bureau Politique en 2012 est une évidence. Mais sa stratégie pour y parvenir est, c’est le moins qu’on puisse dire, peu orthodoxe, notamment si on la compare à d’autres, comme celle de Wang Yang. Ce « fils de prince », dont le père a été victime de la folie maoïste, n’hésite pas, en effet, à adresser des « textos » aux 13 millions d’abonnés de la municipalité, expliquant son action et demandant à la population de Chongqing et à son administration de chanter des chants révolutionnaires pour rehausser le moral de la province.

Faisant cela, il soulève les critiques des caciques et des intellectuels qui l’accusent de populisme. Mais, en même temps, il rallie l’appui du petit peuple, dont une partie des références restent accrochées aux mythes de la révolution, dans un contexte où la corruption massive des fonctionnaires et les écarts criants de revenus restent les principales pierres d’achoppement entre la société et le pouvoir. Pour faire bonne mesure, il s’applique à gagner la sympathie de la population en distribuant à l’occasion des centaines de millions de Yuan « d’enveloppes rouges » destinées aux cadres retraités, aux handicapés et aux plus démunis.

Récemment, pourtant, les rapports de Bo Xilai avec la presse se sont tendus, comme le suggère un épisode récent où, en marge de la session de l’ANP, il a rabroué un journaliste qui lui demandait si sa campagne anti-corruption était une bonne affaire pour sa carrière : « ce n’est pas le moment ni le lieu de faire le malin ». Peut-être Bo Xilai, dont l’ascension avait été bloquée par Jiang Zemin et, qui comparé aux meilleurs de ses rivaux, n’est plus tout jeune, a t-il conscience de la fragilité de sa position, dans un contexte où le pouvoir, cautionne son action anti-corruption, mais se méfie beaucoup du culte de la personnalité.

Le 18e Congrès qui verra le renouvellement en 2012 de 7 des membres du Comité Permanent et de 60% des membres du Bureau Politique, est encore éloigné, mais les manœuvres politiques en amont de l’échéance ont déjà commencé. Elles se profilent sur un mode où percent à la fois le pragmatisme politique, le souci d’apaiser les frustrations du peuple, et un fort parfum de populisme, laissant présager qu’elles gagneront en intensité et en férocité dans les mois qui viennent. Peut-être est-ce la conséquence du fait que, pour la première fois depuis 1982, le Congrès se déroulera sans l’ombre portée de Deng Xiaoping, arbitre suprême qui avait adoubé tous ses successeurs, de Hu Yaobang à Hu Jintao en passant par Zhao Ziyang et Jiang Zemin.


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