›› Politique intérieure
Rio Tinto calme le jeu, au milieu de controverses politiques
Peu après la sentence, les dirigeants de Rio Tinto, dont les relations avec la Chine sont un exercice obligé (elle achète 25% de leur production), se désolidarisaient officiellement de leurs agents à Shanghai, en les licenciant : « accepter des pots de vin est une violation directe de la loi chinoise et du code éthique de Rio Tinto » a rappelé le Directeur australien de la Division fer de Rio Tinto.
La décision du minéralier indique clairement qu’il souhaite tourner la page, comme l’avaient déjà montré les accords de coopération avec Chinalco en Guinée et en Mongolie. Mais plusieurs sources indiquent qu’au-delà de l’affichage, les familles des accusés sont toujours prises en charge par Rio Tinto.
Mais l’affaire n’en reste pas là. Les milieux d’affaires et les minéraliers australiens, inquiets, ont demandé à rencontrer d’urgence les autorités chinoises, pour « clarifier les attendus du jugement ». Un avocat d’affaires s’inquiète : « Avec ce verdict, Pékin semble vouloir imposer une application normale du droit dans un contexte national qui reste totalement anormal ».
Surtout, la guerre des mots entre le gouvernement australien et la Chine a repris de plus belle. Au premier ministre Rudd qui reprochait au procès son absence de transparence, et à la Chine la manière peu responsable dont elle assumait son nouveau rôle de puissance émergeante, le porte-parole chinois a vertement rétorqué que Canberra « devait respecter le jugement et cesser ses commentaires irresponsables
».
En filigrane des commentaires de Kevin Rudd se lisent les reproches d’opacité et de manque d’indépendance, qu’en général les Occidentaux adressent au système judiciaire chinois. Le Wall Street Journal s’est récemment penché sur la question avec l’aide de deux spécialistes du droit chinois : Stanley Lubman, professeur à Berkeley, et Ira Belkin, ancien procureur fédéral et Directeur du bureau de contentieux commerciaux à l’Ambassade des Etats-Unis à Pékin.
Selon ces deux experts, la justice chinoise plonge ses racines dans l’antique système du Secrétariat Impérial, chargé, au nom de l’Empereur, de contrôler le gouvernement et de donner des directives aux tribunaux et aux juges. Ce rôle est aujourd’hui repris par la Cour Suprême, clé de voute de l’appareil judiciaire chinois. Formellement, la Cour dépend du Comité Permanent de l’Assemblée Nationale Populaire, mais, en réalité, elle est directement subordonnée à la Commission des Affaires juridiques du Parti.
En plus de fixer la politique pénale, la Cour Suprême donne également aux tribunaux des indications de jurisprudence. L’ensemble du système judiciaire, qui adopte ici et là des réformes empruntées aux systèmes occidentaux, est aujourd’hui en pleine évolution, vers une forme, dont il est aujourd’hui difficile d’apprécier la nature finale, mais dont on peut cependant douter qu’elle s’affranchira de la tutelle du Parti.