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›› Taiwan

Promouvoir la démocratie et les libertés pour échapper au face-à-face avec Pékin

« Le peuple taïwanais est déterminé à protéger ses libertés et sa démocratie chèrement acquises. C’est pourquoi notre priorité est de renforcer nos capacités d’autodéfense et de résilience sociale ».

A deux mois de la présidentielle du 13 janvier 2024 (lire : Élections présidentielles du 13 janvier 2024. Revue des candidats), c’est par ces mots que Tsai Ing-wen a inauguré le « Dialogue de Taipei sur la sécurité nationale 2023 台北安全對話 » tenu les 8 et 9 novembre dernier.

En même temps, qu’elle confirmait le retour au service militaire obligatoire d’une année, assorti des efforts pour développer l’esprit de défense et la résilience de la société, elle a annoncé la hausse du budget de la défense à 19,6 Mds de $, dont le rapport au PIB est porté à 2,5% [1].

Elle a aussi salué – premiers pas modestes vers une plus grande indépendance en matière d’équipements de défense - la livraison de 21 appareils d’entrainement « Brave Eagle » produits par l’Île et la construction du premier sous-marin de conception nationale.

Au-delà des discours politiques, les militaires taïwanais savent bien qu’en matière indépendance la route est encore longue. Alors que deux autres vieillissants ne sont plus en état de marche, le nouveau sous-marin annoncé par Tsai In-wen qui sera opérationnel en 2025, porte à trois unités opérationnelles la flotte de submersibles de l’île, à comparer aux 66 chinois, dont 16 à propulsion nucléaire.

Baptisé Hai Kun 海 鲲 – du nom de la créature mythique, mi-poisson mi-dragon volant 鲲 鹏 – Kun Peng -, dont parle le Zhuang Zi -, le sous-marin de plus de 3000 tonnes, équipé d’un système de combat et de torpilles acheté à l’Américain Lockheed Martin, a été lancé à Kaohsiung le 28 septembre 2023.

Une partie du discours de la Présidente a évoqué les menaces non conventionnelles de la désinformation par l’intrusion invasive des « trolls » de la propagande chinoise sur le réseaux sociaux en même temps qu’elle présentait les contre-mesures de « contrôle des faits » et de rétablissement de la vérité par des séances de formation proposées aux médias de l’Île.

Organisé par l’Institut pour la recherche sur la défense nationale et la sécurité (INDSR) et le Waijiaobu, le « Dialogue de Taipei » a, dit le Taipei Times, « rassemblé des experts et des universitaires américains, britanniques, français, japonais, tchèques turcs et australiens. » L’intention participait de la stratégie visant à desserrer l’étau d’isolement diplomatique imposé à l’Île par Pékin qui réduit la question du Détroit à une « affaire intérieure chinoise. »

A cet effet, les discours de Tsai haussent les tensions entre Pékin et Taipei à deux niveaux stratégiques destinés à bousculer l’enfermement : celui de la stabilité de la zone indopacifique dont le « statuquo » est perturbé par la Chine ; et celui de la lutte des démocraties contre les dictatures.

Soulignant d’abord l’escalade des menaces chinoises dans l’Indopacifique - notamment les intimidations de la marine de l’APL dans les mers de Chine de l’Est et du Sud et les incursions massives de ses chasseurs de combat dans la zone d’identification de défense aérienne de Taiwan -, sans oublier les défis des cyberattaques et de la coercition économique, Tsai a appelé les démocraties à rester déterminées à se défendre face aux menaces des régimes autoritaires.

« Alors que les systèmes démocratique du monde entier sont confrontées à leur plus grande épreuve depuis une génération, nous réunissons nos forces pour dissuader l’aventurisme et les comportements agressifs ; pour garantir un advenir paisible et pérenniser le caractère crucial de nos valeurs partagées ».

Risque de conflit. Alerte américaine.

Au deuxième jour de la conférence Michèle Flournoy, 63 ans, ancienne sous-secrétaire d’État à la défense de 2009 à 2012 sous la présidence de Barack Obama, a, en visio-conférence, fait une intervention remarquée.

Proche du Complexe militaro-industriel, client du Cabinet de conseil « WestExec Advisors » quelle a fondé avec Antony Blinken en 2018, elle a prévenu le pouvoir taïwanais que Xi Jinping a « tombé le masque ».

Il pourrait d’ici la fin de la décennie (vers 2027) tester la dissuasion du « Taiwan relations Act », disposition de droit interne obligeant l’exécutif américain à ne pas rester inerte en cas d’agression de l’Île par la Chine, non provoquée par une déclaration d’indépendance.

Elle ajoute que « Depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2012, la Chine montre ses muscles économiques, met en œuvre une stratégie coercitive et renforce son armée, avec comme objectif de la rendre apte à une action de force contre Taiwan ».

Dans ce contexte, selon elle, la stratégie de Taipei et Washington devrait être convaincre Xi Jinping que le coût d’une conquête militaire de l’Ile serait tel que, même une invasion réussie, serait une « victoire à la Pyrrhus » (…)

C’est pourquoi, dit-elle en substance, il est nécessaire de prendre la menace au sérieux : « Nous devons nous y préparer et, en même temps, nous assurer que si le président Xi envisageait de tester l’option de la force, il parviendrait à la conclusion que l’aventure serait trop coûteuse. »

Pour elle, les tensions dans le Détroit ne sont pas dues à la modification de la stratégie américaine, mais au durcissement de la Chine après Hu Jintao.

[NDLR : La réalité est que le raidissement de Pékin est d’abord dû à la présence au pouvoir à Taipei du Minjindang 民進黨 qui ne reconnait par le Consensus d’une seule Chine de 1992. La crispation de Pékin qui refuse le dialogue avec Taipei qu’elle ostracise tout en multipliant les intimidations militaires, a en réaction provoqué un branlebas à Washington, dont la position qui s’est ostensiblement rapprochée de l’Île, a encouragé Tsai Ing-wen à augmenter la surface de ses relations formelles avec l’Amérique, que Pékin considère comme une ligne rouge.

Lire à ce sujet : Les nouvelles eaux mal balisées de la question de Taïwan & La 4e crise de Taïwan. Quels risques d’escalade ?.]

Enfin, se projetant au sommet entre Xi Jinping et Joe Biden à la conférence de l’APEC à San Francisco, le 15 novembre, Michèle Flournoy a rappelé l’importance du dialogue pour maîtriser les tensions dans l’actuel contexte des vastes défis auxquels le monde doit faire face.

En substance, elle ne croit pas à une « percée stratégique importante  », mais elle insiste sur la nécessité de renouer le dialogue : « Je ne m’attends pas à des changements politiques majeurs (…) Les résultats seront symboliques, mais le retour au dialogue, qu’il s’agisse de la reprise des échanges entre militaires, des conférences sur le contrôle des armements, ou sur d’autres questions [NDLR comme le climat] est d’une extrême importance. »

Au moment où Tsai Ing-wen faisait à Taipei la promotion du rôle de l’Île dans la défense de la démocratie en ralliant le plus d’appuis possibles pour échapper à la menace existentielle chinoise qui intimide sa liberté à coups de missiles balistiques dans les eaux internationales autour de l’Île, son ministre des Affaires étrangères Joseph Wu - 吳釗燮 Wu Zhaoxie - était dans les trois Pays Baltes.

Note(s) :

[1Rappelons que selon les déclarations officielles de Pékin chaque année en mars, le budget de la République Populaire de Chine, communiqué sans analyse, serait de 224 Mds de $.

En 2023, il était en hausse de +7,2%. Pour le Stockholm International Peace Researche Institue (SPRI), le budget réel serait de 230 Mds de $, soit 1,7% du PIB. En 2019, Peter Robertson, expert australien de la Chine, estimait qu’en « parité de pouvoir d’achat » le budget chinois s’élèverait en réalité à 455 Mds de $.


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