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Retour sur la santé publique en Chine

Les essais de privatisation…

Huang Shu (à droite) est un chirurgien du cerveau célèbre qui en 2002 a quitté l’hôpital public pour créer un hôpital privé à Pékin. Il reçoit 300 patients par jour. Pour lui l’État doit aider le hôpitaux privés. Photo China Daily

La conclusion du Quotidien du Peuple espère que les réformes du système de santé, y compris celles liées aux prix des médicaments permettront d’assainir la situation. Selon le Dr Huang Jiefu formé en Australie, à la fois célèbre et controversé (il est accusé d’abuser des prélèvements d’organes sur la population carcérale) qui fut aussi vice-ministre de la santé pendant 12 ans, la solution pour « restaurer l’honneur des médecins » serait d’ouvrir le système au marché et à la concurrence et d’autoriser les praticiens à pratiquer où et quand ils le souhaitent.

Selon Huang, une telle réforme établirait une échelle des valeurs des services des médecins qui supprimerait les « pratiques grises » assez peu conformes à l’éthique, destinées à améliorer leurs revenus. Le Quotidien du Peuple conclut en souhaitant que les nouvelles assurances de santé prévoient des systèmes de bonus cumulés pour les bien portants, permettant d’amasser un pécule à utiliser pour choisir les meilleurs médecins et traitements en cas de maladie grave.

…soulèvent des critiques…

Pourtant, l’ouverture complète du système au marché n’est pas sans effets pervers. Un autre article de Caixin paru en avril dernier faisait état des vives critiques du public à la suite de l’ouverture à Shanghai du « Centre Médical International (Shanghai Medical International Center – SMIC - ) », un établissement privé aux prix très au-dessus de ce qui se pratique ailleurs en Chine.

Alors qu’une consultation de base dans un hôpital normal de Shanghai ne dépasse que rarement 50 Yuans (6 €) et qu’un rendez-vous avec un spécialiste se paye au plus 35 €, au SMIC, une simple consultation est facturée 1200 Yuans (145 €). L’opinion publique qui s’exprime sur les réseaux sociaux craint que ces nouveaux établissements drainent les meilleurs médecins au profit des actionnaires et d’une élite fortunée.

Pour Pékin, l’expérience qui éloigne encore un peu la Chine de son arrière plan politique socialiste, doit tester la possibilité officiellement donnée aux médecins d’exercer dans plusieurs établissements ce qui diffuserait leur expertise plus largement. Mais l’article conclut que la réforme ne réussira que si la multiplication des hôpitaux privés est accompagnée par le développement des établissements « low-cost » de qualité, subventionnés par le gouvernement. Enfin une autre étude de Caixin évoque à travers un cas concret les obstacles bureaucratiques aux réformes.

Le poids de la bureaucratie et le bon docteur Liao.

Le 7 juillet le journal racontait l’histoire du Dr Liao Xinbo devenu populaire sur les réseaux sociaux pour avoir dénoncé les freins bureaucratiques aux changements de mentalité dans le système de soins.

Âgé de 58 ans, Liao était depuis 10 ans le n°2 du Bureau de la santé et du planning familial de la province de Canton. Mais en avril il a été muté au bureau des inspections par une décision administrative que lui-même considère comme une sanction après qu’il ait constamment dénoncé sur Weibo les blocages bureaucratiques et administratifs qui continuent de plomber le système de soins chinois. Dans l’actuelle ambiance de semi-hostilité contre les insuffisances du système, son compte Weibo, alimenté par plus de 2000 interventions de sa part, accueillait plus de 3 millions de fidèles.

Contrairement à ses collègues de la hiérarchie administrative, le Dr Liao parlait ouvertement des dysfonctionnements avec la presse et le public, sur des sujets allant de la santé à la recherche académique et ne se gênait pas pour critiquer les politiques publiques néfastes au système de soins. Marginal sympathique, il se comportait à l’exact opposé d’un bureaucrate, acceptant de recevoir tous ceux qui demandaient à le voir, souvent sans rendez-vous. Il était plus amical avec la presse que n’importe quel agent public, au point qu’en mars dernier, il a fait la une des journaux lors d’un incident impliquant un groupe de femmes enceintes de leur deuxième enfant.

L’affaire qui – dit l’auteur - fut peut-être le dernier clou fermant son cercueil administratif, enfla quand les protestataires qui demandaient que soit appliquée la décision prise lors du 3e Plenum d’autoriser un deuxième enfant par couple, s’emparèrent du bureaucrate qu’on leur avait envoyé pour leur signifier une fin de non recevoir.

Alerté Liao se rendit sur place pour rassurer les femmes leur promettant un action officielle en leur faveur. Mais peu après un fonctionnaire du département de la propagande téléphonait à Caixin pour expliquer qu’aucune des promesses de Liao serait tenue, conseillant au journal de ne pas faire état de l’incident et de son intervention auprès des femmes enceintes : « en publiant vous compliquerez notre travail. Et ce n’est pas dans l’intérêt de Liao. »

Prendre la mesure de l’ampleur des réformes et contrôler les prix…

Par le passé au moins deux incidents du même type avaient tendu les relations du bon docteur avec sa hiérarchie. En mars 2007, lors de la réunion annuelle de l’ANP, Liao critiquant une déclaration du ministère de la santé, affirma que, contrairement à une annonce officielle, la réforme de la médecine publique ne serait pas prête avant la fin de l’année.

Le lendemain les bureaucrates furent choqués de voir leurs déclarations trop optimistes publiées dans les journaux en regard de celle de Liao. Pour ce dernier il s’agissait dit-il d’informer le public sur l’ampleur et la complexité des réformes qui touchent à 16 ministères ou départements spécialisés, parmi lesquels le Ministère de la santé n’était pas prépondérant.

En 2010, nouvelle levée de boucliers contre lui quand le Ministère de la santé, un an après le lancement des grandes réformes de 2009 était accusé d’avoir provoqué une hausse brutale du prix des médicaments. Cette fois Liao prit la défense du ministre Chen Zhu, seul membre du gouvernement non affilié au Parti et riposta en expliquant que les causes de l’envolée des prix étaient à rechercher à la Commission de la Réforme et développement et aux pouvoirs locaux qui contrôlaient les prix et non pas à la santé.

Les commentaires de Liao mirent en porte à faux le gouvernement de Canton qui lui adressa une mise en garde. Liao reconnut plus tard qu’il avait dépassé ses prérogatives. Mais à l’époque il fut le seul officiel chinois à s’exprimer sur les prix du système de santé.

Lire aussi Santé publique : Chen Zhu dénonce les blocages.

…promouvoir la privatisation et la liberté d’exercer.

Au cours des dix années en poste à Canton, le très loquace Dr Liao n’a jamais obtenu la moindre promotion, alors que ses subordonnés grimpaient les échelons et le doublaient dans la hiérarchie. Mais son bilan est loin d’être négligeable.

Il fut notamment le relais de deux réformes majeures qui restent à mettre en œuvre et dont il ne verra pas la réalisation : celle qui autorise les médecins à exercer dans plus d’un hôpital, pour l’instant bloquée à Shenzhen par le refus de la mairie ; celle qui encourage les privés à investir dans le système de soins chinois. En novembre 2013, après le 3e Plenum, il décida de pousser plus avant ces projets, publiant le schéma des réformes sur son compte Weibo pour avis du public. Une manière comme une autre de mettre la bureaucratie au pied du mur. Mais depuis sa mutation Liao semble avoir renoncé à sa pugnacité.


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