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Brahmapoutre : la Grande Boucle du Fer à cheval

The big Horseshoe Bend (2e partie, 2/3)

Voici donc quelques généralités sur le Brahmapoutre

Le Brahmapoutre est le plus haut fleuve du monde. II traverse toute la bordure méridionale du plateau du Tibet à une altitude moyenne de 4000 mètres. C’est pourquoi les Tibétains l’ont nommé le « Yang qiao Zangbo » : « l’eau qui coule des plus hauts sommets ». Sa longueur totale est de 3300 km, (18e rang mondial) dont 2000 km en territoire tibétain annexé par la Chine. Son nom Chinois est Yarlung Zangbo, il devient le Brahmapoutre à son entrée en Inde. Mais comme la communauté internationale des hydrologues s’est mise d’accord pour adopter un seul nom de baptême pour le même fleuve de l’embouchure à sa source, pour nous ce ne sera que le grand Brahmapoutre éternel, le fleuve de Brahma. II conflue avec le Gange dans la plaine d’inondation du Bengladesh et se jette dans le golfe du Bengale, la grande nasse des typhons moussoniques de l’océan Indien.
Voici quelques chiffres qui permettent pour les initiés de caractériser l’hydrologie du fleuve, vous n’êtes pas obligés de les retenir mais ce sont des valeurs fondamentales :

- Aire du bassin versant du Brahmapoutre Tibétain jusqu’à la sortie de la grande boucle (contour en rouge sur la carte) : 235 000 km2
- Débit moyen annuel (module) : 4 500 m3/sec
- Débit spécifique moyen annuel (module spécifique) : 20 litres/sec/km2
- Lame d’eau écoulée (hauteur de pluie qui a ruisselé, et s’est donc écoulée dans les gorges de la grande boucle) : 630 mm. Cette valeur qui résulte des 3 précédentes me paraît trop élevée car toute la partie centrale du bassin, en rive gauche, où s’étendent les vastes hauts plateaux au relief très doux ne reçoit que 500 mm de pluie en moyenne. La rive droite, au centre, reçoit 800 mm de pluie. Seule la zone Est, autour de la grande boucle est puissamment arrosée avec une hauteur moyenne de pluie de 2 mètres. Si on adopte, comme généralement on le fait en régions montagneuses, un coefficient de ruissellement annuel de 0,6 (rapport entre la pluie ruisselée et la pluie tombée), on obtient une hauteur moyenne de pluie voisine de 1 mètre (1 000 mm).

La carte reproduite ci-dessous figure l’ossature de l’hydrographie du Brahmapoutre tibétain.

Adoptant la règle du plus long parcours, généralement admise, pour définir le cours d’un fleuve, les Chinois ont définitivement localisé les sources du Brahmapoutre sur un sommet culminant à 6563 m donnant naissance au glacier de Jemayangzong, au cœur d’une région fantastique, comme je vous l’ai déjà dit, véritable Château d’eau de l’Himalaya [1], puisque dans un rayon de moins de 70 km se trouvent les sources des quatre plus puissants fleuves de l’Inde ; l’Indus au nord-ouest, le Sutlei, principal affluent de l’Indus au sud-ouest, le Gange au sud, et enfin le Brahmapoutre à l’est.

Prenant donc naissance sur les hauts plateaux du Tibet ces fleuves ont en outre la particularité tout à fait extraordinaire de traverser la haute chaîne qui, du Karakorum au Bhoutan, concentre, en bordure sud, tous les grands sommets de la Terre ! Comme si le Danube prenait sa source dans le lac de Côme ou le Rhin au pied du Mont Blanc... Une telle configuration laisse supposer que les gorges gigantesques ne sont pas seulement l’apanage du Brahmapoutre et il me souvient que la Kali Gandaki, affluent du Gange, qui se taille un lit entre le Dhaulagiri (8 172 m) et l’Annapurna (8 078 m) avait fait grosse impression auprès des Français de l’expédition Herzog-Lachenal.

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Bon, allez, on ne va pas s’attarder trop longtemps aux sources car le cheminement est long jusqu’à la grande boucle. Et puis le rapport chinois est plutôt chiant dans le genre « le soleil darde ses rayons sur le flanc du glacier et creuse de minces filets coulant en chenaux ramifiés jusqu’à des lacs de moraine scintillants comme des chapelets de turquoises reliés par des fils d’argent. » (sic ! on dirait du José Maria de Heredia...)
Sachez simplement que son tracé relativement rectiligne dans son cours moyen de direction ouest-est correspond à la grande zone de contact des plaques indienne et asiatique. Sur le plan tectonique c’est, avec le Rift Africain une des régions les plus actives du globe. Ainsi sur près de 1000 km le fleuve, alternativement, s’élargit et se rétrécit en recoupant plusieurs chaînes de montagnes secondaires au travers de gorges de granits massifs, autant de sites dont l’énorme potentiel hydroélectrique n’a pas échappé au recensement de la mission chinoise, d’autant plus que chaque gorge est reliée par de vastes vallées évasées dont certaines atteignent des largeurs de 20 km. On mentionnera seulement le projet (peut-être réalisé ?) du lac Yamzog Yumko (le plus grand lac du versant nord de l’Himalaya) qui, avec ses 15 milliards de m3 de capacité (12 fois Serre Ponçon) domine de 800 m la vallée du Brahmapoutre à une distance d’à peine 10 km à vol d’oiseau ! Les deux photos, plus bas, illustrent (sans doute) très clairement les deux faciès types du fleuve dans ce cours médian en amont de la boucle.

« La totalité de l’espace recouvrant le cours moyen du Brahmapoutre ainsi que les vallées inférieures de ses affluents nord et sud sont à des altitudes inférieures à 4 000 mètres où les températures modérées sont favorables à l’agriculture. Depuis des millénaires le fleuve et ses affluents ont irrigué les riches terres riveraines qu’à l’issue de générations de labeur, les Tibétains transformèrent en excellentes terres agricoles. Les plus anciens établissements furent localisés dans ces régions d’où ils essaimèrent progressivement. Aussi la vallée du Brahmapoutre est-elle considérée comme le lieu de naissance de la culture tibétaine. L’imposant palais du Potala dominant la rivière de Lhassa, le monastère doré de Zhaxilhunbo à l’intérieur de la cité de Chigatse, sur la rive sud du Brahmapoutre et la forteresse à l’écart de la ville de Gyangze près de la rivière de Nyang, et qui résista à la pression Britannique du début du siècle, sont les témoins éloquents de la superbe civilisation qui se développa sur les berges de ces fleuves.

Après sa sortie tumultueuse des gorges de Nangxian, le Brahmapoutre descend à l’altitude de 3 000 mètres, continuant son cheminement vers l’est entre des montagnes boisées. A l’aval de Mainling, il se renforce des eaux abondantes du Niyang, affluent rive gauche venant du nord. C’est alors que plus vigoureux que jamais, il longe le pied de l’extrémité orientale de la chaîne Himalayenne, et amorce la partie inférieure de son cours tibétain dans un environnement entièrement différent. » Nous voici enfin au cœur du sujet, c’est la grande boucle du Brahmapoutre, the big horseshoe bend, la grande boucle du fer à cheval. Alors là, je m’efface modestement et je laisse la plume au rédacteur Chinois, en y ajoutant par moment mon petit commentaire.

Note(s) :

[1N’oublions pas que la station de Cherepunji, dans cette région du piémont de l’Himalaya, détient le record mondial de la pluie en 12 mois ; il est tombé 26 461 millimètres de pluie entre le mois d’août 1860 et le mois de juillet 1861 ! Et que la pluviosité moyenne annuelle de cette même station est de 11 633 mm, soit 10 fois la pluviosité à Tarbes !

Ossature de l’hydrographie du Brahmapoutre tibétain

Carte schématique représentant le réseau hydrographique et le bassin versant du Brahmapoutre tibétain jusqu’à la sortie de la grande boucle.

concentration des sources des principaux fleuves du sous-continent indien

Figuration cartographique à l’échelle du 1/6 000 000 (1 cm représente 60 km) montrant la concentration des sources des principaux fleuves du sous-continent indien et le phénomène original de percée de la grande chaîne himalayenne par ces fleuves ; la grande boucle du Brahmapoutre constituant la dernière percée en extrémité Est.

Les sources du Brahmapoutre

...au pied du glacier de Jemayangzong, dans la chaîne des Gangdisé, à 5 200 mètres d’altitude.

Le Brahmapoutre dans les gorges de Toxia

Faciès type de la traversée des chaînons transversaux, on remarquera le sentier muletier sur la gauche.

Faciès type de la vallée du Brahmapoutre

...dans son parcours Ouest-Est des hauts plateaux tibétains ; le lit serpente en de multiples chenaux sur des largeurs énormes. Les cultures se développent sur les terrasses alluviales au dessus du lit majeur. Ces bords de fleuves à 4000 m d’altitude et sous 30° de latitude Nord constituent le grenier à céréales des Tibétains.

Entrée de la Grande Boucle du Fer à Cheval

...à l’aval de Mainling, au fond, en rive gauche le Gyalwa Peri la montagne sacrée des Tibétains (altitude : 7151 m). La campagne cultivée et bocagère des rives du Brahmapoutre évoquerait les bords de la Durance mais nous sommes à 3000 m d’altitude.

 

 

La comédienne et réalisatrice Jia Ling, « star » des réseaux sociaux

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