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›› Taiwan

L’accord cadre pour la coopération économique avec la Chine, cheval de bataille de l’opposition

A l’automne 2008, Chen Yunlin, responsable des négociations avec Taiwan pour le Parti Communiste Chinois, effectuait une visite historique dans l’Ile. Cette démarche, la première par un responsable de ce niveau, constituait un événement politique de première importance, concrétisant le nouveau style des relations, marquées par une impressionnante série d’accords bilatéraux. On se souvient cependant que le voyage avait été émaillé de sérieux incidents, dont une manifestation violente (150 policiers et 30 manifestants blessés) qui, pendant 7 longues heures, empêcha Chen de sortir d’un hôtel de Taipei, où il venait de dîner.

Ces déplaisantes échauffourées lui avaient fait prendre conscience de l’opposition au rapprochement, exprimée par une partie de la population. Parmi les slogans du Parti Indépendantiste - acronyme anglais DPP - scandés par la foule, on entendait souvent : « faisons le siège de Chen Yunlin pour protéger Taiwan ». Dans un de ses discours d’adieu, ce dernier avait reconnu que la route - il n’a pas précisé vers quoi - serait longue et difficile. Ma Ying-Jeou se montra plus précis. Rappelant les différences et les défis qui séparaient la Chine et Taïwan, il évoqua notamment le statut politique et international de l’Ile et la question de sa sécurité, les deux sujets politiques les plus sensibles à Taiwan.

A l’époque le DPP, encore sous le choc de ses lourdes défaites électorales, traumatisé par les condamnations judiciaires qui frappent l’ancien président Chen Shui-Bian, ne s’était pas encore mis en ordre de bataille, ce qui explique, en partie, ses réactions violentes et assez brouillonnes à la venue de Chen Yunlin. Aujourd’hui, le parti indépendantiste semble avoir trouvé à la fois un objectif bien concret et une stratégie, qui, à défaut d’être nouvelle, a le mérite de recentrer le débat sur la nature démocratique du régime taïwanais. La cible est l’accord cadre pour la coopération économique entre les deux rives, idée lancée par Ma Ying Jeou et que la Chine, soudain très intéressée, semble vouloir mener à bien avant la fin de l’année.

A Taiwan le projet, qui, à terme, devrait libérer complètement les relations économiques bilatérales et faciliter les échanges avec les pays de l’ASEAN, est l’objet de controverses qui pourraient bien s’envenimer. Elles opposent d’une part le KMT - dont certains membres se sont ralliés après quelques réticences - ainsi que la majorité des hommes d’affaires animés par l’espoir une embellie économique et, d’autre part, le DPP, certains intellectuels et chercheurs, une partie des agriculteurs et bon nombre d’électeurs des classes plus défavorisées qui craignent une dépendance accrue à l’égard de la Chine et un glissement politique irréversible vers l’unification. Le fait que cette mouvance d’opposition ait reçu le soutien de l’emblématique Lee Teng-Hui, ancien président KMT, devenu un farouche partisan de l’indépendance de l’île, complique sérieusement la tâche de Ma Ying-Jeou.

Quant à la stratégie du DPP, elle tentera de mettre en œuvre un des leviers les plus sensibles de la relation entre les deux rives : le référendum populaire, dont il n’est pas inutile de souligner que le principe avait été introduit dans l’arsenal législatif de l’Ile précisément pour servir de garde-fou aux dérives trop pro chinoises. Dans le cas précis de l’accord-cadre économique, l’appel au peuple envisagé par le DPP vise à remettre dans la course les électeurs, alors que Ma Ying-Jeou, qui s’en défend, est accusé de privilégier une démarche de négociations directes entre PCC et KMT, laissant à l’écart l’opposition et le Yuan Législatif.

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En Chine, le référendum populaire sent le soufre puisqu’il met l’accent sur l’existence dans l’Ile d’un régime démocratique, particularité politique qui porte la fierté identitaire des Taïwanais et qui, sur la Grande Terre, est de l’ordre du tabou. Au point qu’à son évocation Pékin ne peut s’empêcher de recourir aux menaces militaires. Enfin rappelons qu’en 2007 et 2008, la perspective d’un référendum - il est vrai sur le sujet encore plus sensible de l’appellation de l’Ile et de son admission à l’ONU -, avait fait froncer les sourcils à Washington, où la classe politique, impressionnée par les bruits de bottes de Pékin, avait pesé de tout son poids pour le faire capoter. L’avenir dira si le PCC cèdera à ses anciennes phobies ou si au contraire il se montrera capable de respecter les promesses du discours de Hu Jintao, du 31 décembre 2008, dans lequel ce dernier promettait de « prendre de la hauteur et de regarder au loin ».

A défaut, la perspective de tensions politiques menacerait à nouveau dans le Détroit. La première salve de cette nouvelle escarmouche qui pourrait prendre de l’ampleur a été tirée à la fin juillet. Le 24 juillet, la Commission Centrale Electorale Taïwanaise a en effet répondu favorablement à une requête pour l’organisation d’un référendum, que le DPP lui avait adressée le 20 juillet. Si la procédure, qui comporte encore plusieurs phases, était poursuivie, la question posée aux électeurs serait la suivante : « Etes vous d’accord avec l’idée que le gouvernement devrait organiser un référendum destiné à demander l’avis du peuple taïwanais sur l’accord-cadre pour la coopération économique entre Taïwan et la Chine ? ».

Il est difficile de dire si la manœuvre aboutira. Sur les sujets de fond, l’état de l’opinion reste en effet étonnement stable. C’est en tous cas ce qu’indique un sondage officiel publié le 24 juillet par le « Clobal View Survey Research Center ». Dans un contexte, où 80% des sondés pensent qu’ils sont Chinois, les préoccupations essentielles de l’opinion restent l’identité politique de Taiwan, sa sécurité et sa marge de manœuvre sur la scène internationale. 82% pensent que Taïwan et la Chine sont deux pays distincts qui se développent séparément (en hausse de 9% par rapport à 2008). Une constante lourde en augmentation régulière. Quand on interroge les Taïwanais sur la condition essentielle à la confiance entre les deux rives, 77,2% répondent que la Chine doit cesser de brider la liberté diplomatique de Taïwan (en régression de 2%), tandis que 71,8% demandent à Pékin de retirer les missiles balistiques qui menacent l’Ile (en régression de 4%).
Sur les autres questions, les Taïwanais sont partagés, tandis que leur confiance pour Ma Ying Jeou se réduit comme une peau de chagrin (seulement 45,2% disent lui faire confiance, tandis que le pourcentage d’approbation de sa politique est tombé à 35,5%). Sur le sujet de l’accord cadre pour la coopération économique, l’approbation reste majoritaire (51,4%), mais est en recul de 16% par rapport à 2008.

 

 

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