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La sécurité régionale et globale au cœur des réunions de l’APEC et de l’ASEAN

Les trois responsables de China Railways tués le 20 novembre à Bamako lors de l’attaque terroriste contre l’hôtel Radisson Blu. De gauche à droite : Zhou Tianxiang, Directeur des Affaires internationales, Wang Xuanshang, son adjoint et Chang Xuhui, Directeur de la Division Afrique de l’Ouest du groupe.

La situation de sécurité globale que la fin de la guerre froide n’avait améliorée que pour une brève période quand fleurissait l’espoir d’une paix planétaire articulée autour du libre commerce, des frontières ouvertes et du marché, se tend à l’extrême au point que les 5 membres permanents du Conseil de sécurité sont aujourd’hui à nouveau sur le qui-vive, inquiets de la montée d’un formidable risque asymétrique porté par une guerre sans frontières aux multiples tentacules dont le projet non négociable est la destruction des modes de vie et d’organisation du monde tels qu’ils avaient été imaginés par les vainqueurs de la guerre en 1945.

Échafaudant leurs projets d’arrangement et de fonctionnement d’une planète pacifique éprise de libertés, attachée à la réalisation des aspirations individuelles, ouverte au commerce, aux coopérations et aux échanges, les architectes de l’après-guerre se réclamaient de l’esprit des Lumières.

La vérité oblige pourtant à dire que, depuis les trois siècles qui nous séparent des pionniers de cet idéal de civilisation rationnelle et humaniste, ceux-là même qui en Europe auraient du en porter le flambeau, l’ont sans cesse bafoué. 1945 marquait en effet la fin d’une longue suite de guerres, tragiques et fratricides où les expressions de puissance succédèrent aux désirs d’empires pour s’abîmer enfin dans l’effondrement matériel et moral des deux guerres mondiales, double suicide du Vieux Continent où eut lieu une des plus abominable barbarie jamais fomentée par les hommes.

Ne cherchons pas au-delà de la culpabilité spirituelle et morale qui continue à ronger les élites européennes, les raisons profondes de la catalepsie stratégique de l’UE. Incapables d’affronter les bouleversements du monde et de se défendre autrement qu’à la remorque de la puissance américaine, les vieilles nations traumatisées et toujours divisées en dépit de l’illusion de Bruxelles, n’ont jamais été capables d’offrir un contrepoids stratégique aux errements de la Maison Blanche au Moyen Orient, racines et terreau de la naissance du monstre qui aujourd’hui menace la planète.

L’arrière plan à la fois totalitaire et islamique de ce vaste projet de destruction que Boualem Sansal compare au fléau nazi [1] né dans l’ancienne Mésopotamie où naquirent les premiers pictogrammes et dont l’épine dorsale fanatique et religieuse est à l’exact opposé du rêve onusien de 1945, confère à la menace une force et une ubiquité qu’aucune des multiples enceintes de sécurité mises sur pied dans toutes les parties du monde depuis 70 ans n’avaient anticipées.

Sidérées par le retour du tragique dans leur vie quotidiennes, les consciences occidentales et celles des P5 qui, en dépit des tensions qu’elles croyaient périphériques et à jamais éloignées de leurs sanctuaires nourrissaient l’espoir d’un monde marchant inexorablement vers l’apaisement et « la fin de l’histoire », constatent que les agendas routiniers des sommets internationaux sont aujourd’hui tous, sans exception, envahis par les nouvelles angoisses sécuritaires.

Pire encore, les relations des 5 gérants de la planète sont elles-mêmes dans un état de discorde préoccupant, alors que l’ordre mondial de l’après-guerre est sous le coup d’une menace globale inédite depuis la fin de guerre, surgissant partout, à la fois de l’extérieur des frontières et des entrailles mêmes des sociétés travaillées par le doute et l’accumulation des tensions identitaires, ethniques et religieuses à quoi s’ajoutent encore les vieilles fractures socio-économiques sur fond de frustrations et d’angoisse sécuritaire.

Toujours handicapée par la persistance des rivalités de pouvoir et d’influence dont le modèle, directement hérité d’une vision à somme nulle des relations internationales autour de la quête des suprématies économiques et stratégiques, voire même de la captation territoriale à l’Est de l’Europe ou en Mer de Chine, la nécessaire cohésion des puissances en charge de la planète sous l’égide de l’ONU tarde à émerger au milieu de la persistance des antagonismes et des méfiances.

Alors qu’une longue et très violente série d’attentats toujours perpétrés contre des cibles civiles, vient de secouer la planète [2], fond de tableau des derniers sommets internationaux en Europe, en Turquie aux Philippines (APEC) et en Malaisie (ASEAN), l’espoir récemment né lors du G.20 à Antalya d’une meilleure cohésion au sommet du monde est brutalement retombé suite à la destruction en vol d’un SU-27 russe par l’aviation turque, membre de l’OTAN.

Facteurs aggravants, alors que le Président Poutine affirme que la Russie a été « poignardée dans le dos », les bons offices de François Hollande se sont heurtés le 24 novembre à Washington aux reproches récurrents du Président Obama accusant toujours la Russie de vouloir d’abord soutenir Bashar el Asad et de prendre, par ses attaques aériennes, des risques inconsidérés en ciblant les groupes modérés syriens proches de la frontière turque, au lieu de frapper Daesch.

A Moscou, le président français qui, dans l’esprit de son homologue russe, représente une France sans marge de manœuvre, inféodée aux États-Unis, a reçu un accueil à peine poli.

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Les grands sommets routiniers de l’Asie confrontés au retour du tragique.

A la dernière réunion de l’APEC à Manille, l’élan de connivence entre Washington et Pékin qui avait présidé à l’accord sur le climat de novembre 2014 avait disparu.

En Asie où, depuis quelques années, montent les tensions des rivalités stratégiques entre Washington et Pékin, les sommets de l’APEC et de l’ASEAN restaient malgré tout dominées par un esprit de bons offices sur fond de préoccupations économiques et commerciales. Cette fois, pourtant, ils n’ont pas réussi à évacuer les tensions en mer de Chine du Sud ni l’angoisse de la propagation du cancer terroriste dans une région du monde qui compte plus de 60% des Musulmans de la planète.

Alors que Washington continue à sommer Pékin de cesser ses travaux d’élargissement et de militarisation des îlots tandis que le Politburo chinois affirme sans faiblir vouloir les continuer en arguant de raisons humanitaires, les contrecoups des attentats de Paris et de Bamako ont enveloppé les sommets de Manille et de Kuala Lumpur d’une angoisse, palpable jusque dans les disours officiels de Xi Jinping, Barack Obama, Benigno Aquino et Najib Razac, le premier ministre malaisien.

Enfin, le régime chinois, déjà aux prises avec un l’arrière plan terroriste fomenté par les musulmans Ouïghour au Xinjiang, sur fond de controverses autour de la dureté implacable des répressions, vient d’être rattrapé par les effets de la vague meurtrière qui, au nom de l’Islam, frappe aveuglément de nombreux pays de la planète. La semaine dernière, quatre citoyens chinois ont en effet été assassinés. Le premier, Fan Jinghui, journaliste freelance pris en otage il y a 2 mois, a été exécuté par l’Etat Islamique après les attentats contre Paris. Les 3 autres, tous des hauts dirigeants du China Railway Construction Group [3] ont trouvé la mort au cours de l’attaque contre l’hôtel Radisson Blu à Bamako, le 20 novembre.

La sécurité en Asie otage des rivalités sino-américaines.

En 2015, lors du dialogue de sécurité asiatique de Shangrila, le premier ministre de Singapour Lee Hsien Long avait rappelé que, depuis la bascule du rapport de forces après la guerre froide, les deux acteurs principaux dans la zone pacifique étaient désormais Pékin et Washington, ajoutant que la stabilité de la région de l’Ouest Pacifique dépendrait de l’état de la rivalité entre les deux et de leurs aptitudes à gérer pacifiquement leurs différends. La fin de 2015 a plus que jamais confirmé cette appréciation de la situation.

Aux Philippines et en Malaisie, les réunions au sommet de l’APEC (18 – 19 novembre), de l’ASEAN (20 novembre) et des pays de l’Asie de l’Est (21 – 22 novembre), l’ambiance générale fut sans cesse dominée par la compétition sino-américaine, à la fois autour de la question de la mer de Chine du sud et de la rivalité de leurs grands projets commerciaux de libre échange.

Pour Washington le Trans Pacific Partnership et pour Pékin, les traités Chine – ASEAN en vigueur depuis 2006 et 2015 et la vaste initiative d’inclusion économique et commerciale baptisée Yi Dai Yi Lu (一 经济带 一丝绸 路)que les Anglo-saxons ont baptisée One Belt One Road (OBOR), articulée autour de généreux plans d’aménagement des territoires et de multiples connexions de transport vers l’Asie du Sud-est, l’Asie Centrale, l’Eurasie et l’Europe [4].

Mais alors que l’ASEAN continue à négocier de difficiles accords douaniers avec l’objectif de se rapprocher du modèle commercial européen, la montée des rivalités sino-américaines et des nouvelles préoccupations de sécurité anti-terroristes troublent l’image de coopération économique et commerciale pacifiée que l’Asie du sud-est tentait de se donner depuis la fin de la guerre froide.

Pour mesurer l’aggravation de la situation, il suffit de comparer le sommet de l’APEC à Pékin en novembre 2014 où la Chine et les Etats-Unis avait conclu un étonnant accord sur le climat, créant l’espoir d’un apaisement des rivalités sino-américaines à celui de Manille, commencé un an plus tard sous très haute surveillance, 4 jours après les attentats de Paris dans un pays lui-même soumis aux menaces terroristes de l’Islam radical actif à Mindanao. A Manille et à Kuala Lumpur, l’ambiance plombée par les transes sécuritaires et les tensions en mer de Chine du sud n’était plus à la conciliation ni aux réunions en aparté entre Obama et Xi Jinping.

Signe que la détente a déserté la relation entre les présidents chinois et américain, c’est avec Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, que Barack Obama a, le 18 novembre, exprimé sa bonne humeur dans un dialogue télévisé à trois avec l’ingénieur philippin Aisa Mijeno. Les nostalgiques de l’apaisement par l’exemple venant d’en haut se consoleront en se souvenant que Jack Ma qui a installé le PC de son groupe à Hangzhou, ancien fief de Xi Jinping, est un proche du président chinois.

Manille au cœur de la rivalité entre Washington et Pékin.

Logiquement, c’est à Manille, en conflit juridique sévère avec Pékin au tribunal international pour le droit de la mer et siège cette année du sommet de l’APEC que les tensions en mer de Chine du sud se sont exprimées le plus clairement, ponctuées par une visite du Président américain sur un garde côte philippin. Le Président Obama a une fois de plus fait la promotion du Trans Pacific Partnership (TPP) dont la Chine est exclue mais qui accueille le Vietnam, ce qui suffit à démontrer l’arrière plan politique de la manœuvre, concurrente des vastes projets chinois, que Xi Jinping a rappelés en promettant 10 Mds de $ de prêts et et d’investissements aux pays de la région.

Pour la Maison Blanche, le traité de libre échange du TPP que nombre de critiques, y compris aux États-Unis voient comme un puissant levier d’influence des intérêts des grands groupes américains, appuyés sur des juridictions internationales capables de subjuguer les lois nationales par le droit des affaires et la logique du profit, serait « le plus moderne et juridiquement le plus sophistiqué », garantissant la protection sociale de la main d’œuvre, l’interdiction du travail des enfants, la protection de l’environnement et des océans et la lutte contre le braconnage.

Mais, revenant de manière lancinante et prenant irrémédiablement le pas sur les concurrences économiques, c’est encore la rivalité stratégique en Mer de Chine qui, cette année, dessina le fond de tableau de l’APEC et du sommet de l’ASEAN à Kuala Lumpur.

A Manille, s’exprimant après une rencontre avec le président Benigno Aquino, Obama pressa Pékin de stopper les travaux d’élargissement autour des îlots et récifs et de reconnaître le droit de la mer comme critère des arbitrages. Le moins qu’on puisse dire est que les transes sécuritaires jetèrent une ombre sur la force de la solidarité économique et commerciale de la région [5] menacée par la rivalité sino-américaine en passe de créer une fracture séparant les alliés de Washington des inconditionnels de la Chine.

A Kuala Lumpur où, en marge du sommet de l’ASEAN, le président américain a tenu une réunion de travail avec Lee Hsien Long, premier ministre de Singapour, Obama a repris les critiques contre l’élargissement des îlots. Sans surprise, elles reçurent le soutien de ses alliés australiens, philippins et japonais, Shinzo Abe mettant lui aussi en garde contre la « militarisation de la mer de Chine du sud ». Mais, faible lueur d’espoir, le fait que le n°1 japonais se soit abstenu de nommer la Chine est sans doute un signal d’apaisement à la suite de la reprise, le 1er novembre dernier, du dialogue à trois entre Séoul, Tokyo et Pékin.

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Le poids de la menace terroriste.

Après la prière du vendredi à la mosquée de Kashgar. Au Xinjiang la Chine est confrontée à la difficile contradiction entre sa traditionnelle tolérance des pratiques musulmanes dont elle a toujours fait preuve à l’égard des Hui et les craintes que lui inspirent les mouvances islamistes radicales. La psychose pousse l’appareil de sécurité à une éradication des signes extérieurs de la religion (barbes, voiles et ramadan) d’autant plus brutale que la ferveur religieuse est aussi le véhicule d’une contestation de l’autorité de Pékin.

En Malaisie, la situation mondiale marquée par la menace islamiste a pesé sur les réunions au point qu’elle a constitué une part importante du discours du premier ministre malaisien Najib Razac à l’ouverture du sommet de l’ASEAN le 21 novembre, 24 heures après des attaques de Bamako et 8 jours après ceux de Paris. En arrière plan, la réalité complexe de la région marquée par la présence au sein des 10 pays de l’ASEAN de la Malaisie et de l’Indonésie à population majoritairement musulmane, dont les élites craignent qu’une partie pourrait être travaillée par les discours extrémistes.

Ensemble, les deux pays comptent 220 millions de Musulmans, en très grande majorité sunnites. Au total l’Asie du Sud et du sud-est regroupent plus d’un milliard d’adeptes plus ou moins fervents de la religion de Mahomet soit 62% des Musulmans du monde, contre 322 millions au Moyen Orient et en Afrique du Nord (20%), 243 millions en Afrique subsaharienne (15%), 45 millions en Europe (2,7%) et 5,3 millions sur le continent américain (0,3%).

A ce sujet, il est utile de souligner que le 21 novembre, 24 heures après son arrivée dans la capitale malaisienne, le Président Obama a été accueilli par une manifestation d’une centaine de Musulmans qui l’accusèrent de faire la guerre à l’Islam sous prétexte de combattre le terrorisme. Logiquement, le 22 novembre, à Kuala Lumpur, la conférence de presse du président américain fut, elle aussi, à 80% consacré à la menace terroriste.

Des Chinois victimes des terroristes.

Enfin, le 20 novembre à Bamako, à la veille de l’ouverture de la conférence de l’ASEAN, la Chine, aux prises au Xinjiang avec les fortes tensions identitaires, politiques et religieuses agitant la communauté musulmane ouïghour a indirectement été frappée par la mouvance terroriste représentée par le groupe dhihadiste algérien Al Mourabitoune « avec la participation d’Al Qaïda au Maghreb » (cf. note n° 3).

Les 3 victimes s’ajoutaient à l’exécution de Fan Jinghui annoncée quelques jours plus tôt par l’Etat Islamique. Ce n’est pas la première fois que les Chinois sont touchés. Au cours des dernières années ils ont été ciblés, souvent enlevés et libérés contre rançons, en Éthiopie, au Nigeria, en Algérie, au Soudan dans le Sinai et en Egypte. En réaction aux dernières victimes chinoises, le président Xi Jinping a déclaré que la Chine allait accentuer la répression contre le terrorisme tout en participant à la guerre contre l’État Islamique.

La prise de position, à l’évidence adressée à l’opinion publique, répond à une situation nouvelle où les quelques 3 à 5 millions de Chinois travaillant à l’étranger, souvent dans des zones à risques en Afrique et au Moyen Orient, risquent d’être les cibles d’une riposte des mouvances islamistes, qui, à plusieurs reprises, ont déjà condamné les répressions contre les Musulmans Ouïghour. Elle pose aussi la question des modes d’action, des moyens et de l’ajustement du dogme non interventionniste, épine dorsale des postions chinoises à l’ONU que Pékin a encore rappelé après la décision de Moscou de s’engager militairement en Syrie.

Quelle réaction de Pékin contre le terrorisme islamiste ?

Il est vrai que la prudence chinoise évolue lentement. En décembre 2014, Pékin a pour la première fois de son histoire, engagé sous la banière onusienne une unité de combat au Sud Soudan où, il est vrai, ses intérêts pétroliers sont considérables. 6 mois plus tard, la nouvelle unité d’infanterie participait à l’évacuation de plusieurs centaines de chinois travaillant pour CNPC sur le site de Paloch. Par ailleurs, depuis plusieurs mois, Pékin négocie avec Djibouti l’installation à Obock sur la rive nord du golfe de Tadjoura, d’une base logistique pour ses navires de combat participant à la lutte contre la piraterie.

Stratégiquement située au milieu de zones instables du Yemen et de la Somalie aux prises avec la mouvance terroriste de l’Islam radical, la base chinoise sera à proximité immédiate du détroit de Bab el Mandeb, débouché de la Mer Rouge et, grâce à une voie ferrée construite par la Chine, reliée à Addis Abeba à mi-chemin vers le Sud Soudan.
Lire L’armée populaire de libération à Djibouti : une évolution notable des stratégies chinoises

Impréparation opérationnelle et réticences stratégiques.

Pour autant, dans l’état actuel de l’aéronavale chinoise, avec un seul porte-avions encore en phase d’essais et des pilotes en cours de formation, on voit mal la Chine exécuter des frappes aériennes en Syrie ou en Irak aux côtés de Moscou, Paris, Londres et Washington à plus de 3000 km de ses bases.

Enfin, alors que le Politburo répète que le chaos est directement imputable à Washington, il est encore moins probable que Pékin consente à envoyer des troupes au sol dans une situation aussi confuse, marquée par les profondes méfiances de l’alliance mort née entre Russes et Occidentaux, toujours très divisés sur l’avenir de l’actuel régime de Damas.

Transparence nouvelle au Xinjiang et contradictions rémanentes.

En revanche, le développement de la menace terroriste globale semble avoir levé les inhibitions des organes d’information officiels à propos de la situation au Xinjiang qui communiquent mieux sur les attaques terroristes et la répression policière.

Depuis les attentats contre Paris et la réaction des forces de sécurité françaises ayant initié une mise en alerte générale en Europe, la censure chinoise qui, jusqu’à présent, veillait à protéger l’image de l’harmonie entre les Han et les Ouïghours, a libéré la parole sur les réseaux sociaux et laissé filtrer quelques informations sur l’action des forces de sécurité.

Entre temps le régime avait subi les critiques des internautes après l’illumination aux couleurs françaises de la « tour de la perle de l’orient », emblème moderne de Shanghai qui domine le Huangpu depuis Pudong.

De nombreux messages s’étonnèrent en effet de cette solidarité envers les victimes françaises, alors qu’on n’avait jamais manifesté de tels émois envers les chinois assassinés par les terroristes, par exemple lors de l’attentat contre les passagers de la gare de Kunming le 2 mars 2014 (29 morts et 130 blessés) ou celui contre un marché à Urumqi le 21 mai 2014 (30 morts, 90 blessés).

La légitime émotion des réseaux sociaux traduit aussi l’embarras du régime écartelé entre plusieurs contraires : son désir sincère de solidarité internationale face à une menace réelle qui commence à cibler directement la Chine ; son aversion à communiquer de manière transparente et complète sur une rébellion interne qui contredit sa propagande d’harmonie sociale, religieuse, ethnique et politique et enfin son extrême répugnance à s’engager militairement hors de ses frontières, au sein « d’une alliance » dont la pérénnité lui paraît plus que douteuse, d’autant qu’encore une fois, c’est la puissance américaine qui, comme le montrent les discours d’Obama, est en train d’en prendre la tête.

Pour l’instant, sur les questions militaires et à la suite des manœuvres navales sino-russes en Méditerranée, puis au large de Vladivostok en mai et septembre 2015, Pékin s’en tient à sa proximité avec Moscou. Le 17 novembre dernier, le général d’aviation Xu Qiliang, 2e vice-président de la Commission Militaire centrale, membre du Bureau Politique et ancien commandant de l’armée de l’air qui connaît bien les SU-27 russes dont des répliques équipent l’armée de l’air chinoise, rencontrait Vladimir Poutine au Kremlin.

Note(s) :

[1Boualem Sansal « Le village de l’Allemand ou le journal des frères Schiller » Gallimard 2008 ; « 2084, la fin du monde », Gallimard 2015, grand prix du roman de l’Académie française.

[2Pour les seuls mois d’octobre et de novembre 2015, plus de 1300 personnes ont été tuées par les différentes mouvances terroristes dont les plus meurtrières sont Boko Haram et l’Etat Islamique. Les pays les plus touchés ont été le Nigeria (266 morts), la Russie (224 dans l’explosion en vol de l’A 321 au décollage de Sharm el Scheik), l’Egypte (224 morts), la France (130 morts), la Turquie (122 morts), l’Irak (102 morts), le Liban (43 morts), le Tchad (41 morts). Des attentats ont également eu lieu aux Philippines, au Bangladesh, au Pakistan, en Australie, en Arabie Saoudite, en Tunisie, au Mali, au Niger, au Cameroun et au Yemen.

[3Il s’agit de Zhou Tianxian Directeur des Affaires internationales de China Railway Corporation (中国 铁路 公司), de Wang Xuanshang, son adjoint et de Chang Xuehui, Directeur de la division Afrique de l’Ouest du groupe.

[4Construction de centrales thermiques, de barrages, de routes, de voies ferrées et de ponts financée par la Banque Asiatique d’Investissement d’infrastructures. Lire L’élan global de la monnaie chinoise, craintes américaines et perspectives

[5Il existe une flagrante dichotomie entre les élans d’intégration régionaux dont les volets économique, de sécurité, sociaux et culturels ont été réaffirmés par la déclaration finale de l’ASEAN à Kuala Lumpur le 23 novembre et la réalité stratégique qui place la région sous les effets paralysants de la rivalité sino-américaine. Ces derniers apparaissent clairement dans les incessants efforts d’influence de Washington et Pékin. D’abord convoqués en réunion à Pékin à la mi-octobre les 10 le sont aussi à Washington où Obama les a invités pour 2016. La rencontre aux États-Unis fera suite au 3e sommet entre les pays de l’ASEAN et Washington qui s’est tenu en marge des réunions de l’ASEAN.

 

 

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