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›› Editorial

A Davos, la Chine, Trump et le ralentissement mondial, sur fond de colère des peuples

A Davos, Xi Jinping, champion de l’économie globale.

Alors que partout montent les critiques d’une globalisation dont l’un des effets pervers fut le surgissement de Donald Trump aux États-Unis dont la société à double visage à la classe moyenne désemparée, a exprimé le profond désarroi d’une partie des Américains, Xi Jinping, premier président chinois à assister au forum de Davos, s’est résolument présenté en défenseur de la mondialisation. Ayant été le puissant moteur des progrès socio-économiques d’une grande partie de l’humanité, l’économie globale, a t-il dit, est devenue « qu’on l’aime ou non, un vaste océan auquel aucun pays ne peut se soustraire. »

Disant cela, et prenant soin de préciser que la globalisation devait être rééquilibrée au profit des plus pauvres, il s’est lui-même désigné comme le champion des économies ouvertes, alors qu’au même moment les Occidentaux, et notamment les États-Unis, où le futur président a promis un arsenal de taxes contre les exportations chinoises, tournent le dos à la liberté transfrontières des investissement et du commerce.

Le paradoxe est que tout en se faisant l’apôtre de la liberté d’entreprendre, la Chine a elle-même souvent violé les règles de l’OMC en introduisant des barrières non tarifaires, fermant de vastes secteurs de son marché aux concurrents étrangers et subventionnant lourdement certaines de ses exportations. Plus encore, c’est bien la Chine « usine du monde » qui fut à la pointe du mouvement des délocalisations et des productions de masse à faible valeur ajoutée en partie à l’origine de la destruction d’emplois dans les pays développés.

Le difficile passage obligé du numérique.

Aujourd’hui, les progrès socio-économiques conséquence de la manne globale dont le pays a amplement tiré profit, augmentent les coûts de production et obligent la direction politique à réviser son schéma de croissance pour moins d’investissements internes, moins de production de masse et une meilleure qualité de ses produits à l’export.

Mais il faut se rendre à l’évidence, la crise n’est pas cyclique. Elle est une mutation irréversible et les vieilles recettes ne suffiront pas à rester dans la course à la très haute valeur ajoutée. A Pékin, la direction politique l’a bien compris et place en tête de ses priorités la maîtrise des innovations numériques dont chacun sait que l’épicentre se trouve aux États-Unis, avec quelques répliques à Taiwan et au Japon.

C’est pourquoi l’ensemble de la classe politique chinoise est aujourd’hui dépitée que le nouvel exécutif à Taipei ait mis un veto à un investissement majoritaire de Qinghua Unigroup (紫光- Ziguang - ) dans le fabricant de semi-conducteurs taiwanais Powertech Technology In. (力 成 科技) allié au Japonais Elpida Memory et au Taiwanais United Microelecttronic Corporation 聯華 電子 associés dans un projet de développement de semi-conducteurs de dernière génération.

La nouvelle, rendue publique le 16 janvier croise à la fois la récente montée des tensions dans le Détroit et la quête de technologies du Continent, conscient que sa modernisation passe par la maîtrise de la high-tech numérique. Le projet qui avait reçu à Taiwan l’aval du Yuan Législatif, a été stoppé par Tsai Ing-wen qui, lors de sa campagne, avait mentionné la menace que faisait peser sur l’Île la captation de technologies sensibles par la Chine.

Initialement Unigroup envisageait d’investir 2,6 Mds de $ dans les trois compagnies associées pour créer un fabricant de semi-conducteurs de classe mondiale. Rappelons que la Chine, plus gros utilisateur de microprocesseurs de la planète, importe chaque année pour 200 Mds de semi-conducteurs américains, japonais et taiwanais. Pour l’industrie high-tech chinoise le blocage de la fusion est un coup sévère porté à ses projets de modernisation.

NOTE de CONTEXTE.

Davos 2017, l’aristocratie mondiale face à la plèbe.

Le 16 janvier, Gérard Baker signait dans le WSJ un saisissant raccourci de la situation sociale mondiale comparée à celle de la France prérévolutionnaire du XVIIIe siècle et de la Russie du début du XXe.

A Davos dit-il, s’est rassemblée comme chaque année, l’aristocratie mondiale composée de chefs de gouvernements, de banquiers internationaux, de PDG de grands groupes multinationaux, d’experts académiques et de medias dans le vent. Réunis pour faire le point de la situation mondiale telle qu’ils l’ont eux-même créée, ils débattent doctement de la manière d’améliorer son fonctionnement. Mais pour peu qu’elle ait un minimum de clairvoyance l’élite globale pourrait commencer à faire l’inconfortable parallèle de sa situation avec celle de ses prédécesseurs nantis du XVIIIe en France ou du début du XXe siècle en Russie.

En 2017, la vague de colère qui a submergé les principales économies de la planète en 2016, avec le Brexit, l’élection de D. Trump et l’audience de plus en plus grande des mouvements nationalistes et antisystème s’est invitée aux portes de la très huppée ville suisse de Davos.

Certes au milieu des toasts au champagne l’élite mondiale fait de son mieux pour banaliser la flamboyance du rassemblement. Mais l’événement rappelle tout de même les fêtes royales à Versailles ou celles du palais d’hiver de Saint Petersbourg. Pour l’aristocratie du XXIe siècle, les cloches du tocsin sonnent à toute volée, plus fort que jamais, au point que le rassemblement de Davos concentre à lui seul la colère et toutes les vindictes nationalistes.

Pourtant, ajoute Baker, Davos fut l’idée dominante de l’après guerre froide, selon laquelle le monde pouvait être à la fois un marché et un régime politique uniques, sans barrières, sans sentiments nationaux, tous placés sous la coupe d’institutions supra nationales devenues indispensables face aux grands défis de l’humanité allant du changement climatique, à la pauvreté en passant par les maladies chroniques. Tandis que les États Nations étaient méprisés suite à l’évaporation de leur pouvoir et même considérés comme de dangereux obstacles à la réalisation d’un monde uniforme dédié au commerce. Sans surprise, les participants à Davos furent les principaux bénéficiaires de l’idée.

Il reste que le fossé entre cette coterie de luxe et le reste du monde est frappant. Regroupée dans un prolétariat mondial où l’on retrouve des Américains du Wisconsin, des Britanniques du Linconshire, des Français de Calais, des Chinois de Chongqing et des Indiens de Gurajat, ayant entre eux plus de points communs qu’avec les aristocrates de Davos, la plèbe mondiale dessine les limites de l’exercice. L’idée a brillamment fonctionné au profit de l’oligarchie des globe-trotteurs planétaires. Mais pour les sédentaires laissés pour compte, mal éduqués, sans accès aux clés du succès dans une économie déprimée, les avantages ne sont plus évidents.

Certes, la globalisation a attisé la croissance rapide de l’économie mondiale au cours du dernier quart de siècle, extirpant de la pauvreté des centaines de millions de Terriens. Mais, pour beaucoup, notamment dans les couches traditionnelles du monde occidental, le prix à payer a été élevé, tandis que, pour la plupart des classes moyennes, le progrès d’une humanité sans frontières reste une idée abstraite. Au temps du terrorisme, les frontières nationales sont aujourd’hui moins perçues comme des obstacles au voyage et au commerce, que comme une sécurité contre une menace d’autant plus redoutable qu’elle est difficile à cerner.

Désormais se pose aux dirigeants réunis à Davos une question à deux faces :
1) Vont-ils continuer à ignorer les scrutins exigeant qu’on maintienne ou qu’on restaure les frontières, en qualifiant les électeurs de racistes, de xénophobes ou de néo-fascistes ? Ou sont-ils au moins prêts à reconnaître que les sentiments nationaux subjuguent l’idéologie mondialiste ?

2) Qu’ont-ils l’intention de faire à ce sujet ?

Si l’oligarchie de Davos refuse de répondre à ces questions dès 2017, tout ce qu’elle peut espérer est une version moderne moins violente mais pas moins significative des événements qui mirent fin aux règnes des Bourbon ou des Romanov.


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