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Au-delà des confinements, l’exigence de vivre et la réforme du schéma de développement

Analyse de l’essoufflement du schéma de croissance.

En résumé, pour Michael Pettis, Pékin tente à la fois de réduire l’excès d’investissements non productifs dans l’infrastructure et l’immobilier et de corriger l’habitude de fixer des taux de croissance dont la valeur préétablie est un signal politique, mais n’a aucun rapport avec l’état réel de l’économie.

En revanche, les mesures plus ou moins efficaces prises par les pouvoirs publics pour tenir les objectifs affichés sont révélateurs des efforts qu’ils sont prêts à consentir – y compris un taux d’endettement excessif - pour perpétuer un schéma de développement arrivé au bout de sa logique, mais que, pour des raisons politiques, ils tardent à réformer.

En bref, tant que l’augmentation des investissements en actifs fixes continuera d’être le principal levier de Pékin pour maintenir des taux de croissance politiquement souhaitables bien au-dessus de 2 à 3%, le fardeau de la dette interne, résultat mécanique des relances budgétaires, ne fera que s’alourdir.

Au passage Michael Pettis rappelle que contrairement aux idées reçues, une dette publique reposant essentiellement sur l’épargne interne, n’est pas moins dangereuse que celle liée à des emprunts extérieurs.

A ce propos, il souligne à titre d’exemple, que les flambées de la dette américaine dans les années 1920 et celle de la dette japonaise de 1970 à 1980 - deux pays avec des excédents courants persistants, une épargne intérieure élevée et aucune dette extérieure - se sont avérées les plus grandes calamités liées à la dette au XXe siècle.

En réalité, une augmentation de la dette, corolaire d’une expansion de la demande au regard de l’offre et génératrice d’inflation, ne peut être corrigée que par des transferts implicites ou explicites de ressources financières qui, à leur tour, sapent toujours la croissance économique, que la dette soit financée à l’intérieur ou à l’extérieur.

Réformer le schéma économique. Une exigence et des obstacles.

Les décideurs et responsables économiques chinois reconnaissent de plus en plus que l’actuel modèle de développement a atteint ses limites ; ils savent aussi que l’ère des croissances rapides tire à sa fin et donnent l’impression de vouloir maintenir le cap de la rigueur. Notamment dans l’immobilier.

Pour l’instant, le Président Xi Jinping a compris l’enjeu du prix exorbitant des logements qui grèvent le budget des ménages, handicape les efforts publics pour relancer la natalité et met en danger tout l’équilibre social de la politique du « troisième âge », faisant porter le poids financier de la charge des aînés sur les enfants uniques que le coût des logements rend insupportable.

Lire : Urbanisation, mutations sociales et défaillances du lien filial.

Contrairement aux campagnes précédentes qui avaient tendance à réduire les contraintes dès que la croissance commençait à faiblir, le Président semble déterminé à poursuivre la mise au pas du secteur immobilier commencée à l’été 2020 et à canaliser les ressources vers les investissements plus productifs de la production industrielle et du secteur des hautes technologies.

La réalité du réajustement de l’allocation de ressources se lit dans les chiffres. En juin 2021, les encours de crédits à moyen et long terme du secteur manufacturier avaient augmenté de 41,6% sur un an. Déjà en 2020, on les avait vus bondir de +24,7% par rapport à 2019. Dans le même temps, selon les données de la banque centrale, les encours de crédits du secteur immobilier ont baissé de 13,1% en 2019 et de 9,5% en juin 2021.

Mais l’inquiétude est palpable.

Liu He, membre du Bureau Politique responsable de l’économie met en garde contre les risques financiers, tandis que Guo Shuqing, président de la Commission de régulation bancaire sonne l’alarme en qualifiant le secteur immobilier de « Rhinocéros gris 灰犀牛 Hui Xiniu », dont l’effondrement aurait un impact direct sur les finances locales et pourrait produire une instabilité sociale.

Face aux risques, des voix plus mesurées se font entendre. Zong Liang, chercheur à la Bank of China prône la prudence. « Nous devrions donner la priorité à la stabilité du secteur immobilier. S’il est vrai que nous ne voulons pas voir les prix de l’immobilier augmenter rapidement, il ne serait pas non plus souhaitable que de nombreux promoteurs immobiliers fassent faillite ». Du coup les pouvoirs publics mettent en place des mesures correctives pour assouplir la rigueur.

Depuis mars 2022, suite au ralentissement du marché immobilier, des banques de plus une centaine de villes ont en moyenne abaissé les taux hypothécaires de 40 points. La confiance des investisseurs dans le secteur semble s’améliorer. Alors que les volumes et les prix des obligations ont augmenté ces dernières semaines, Ils sont en partie stimulés par la promesse du gouvernement de soutenir le secteur et par l’assouplissement des politiques de rigueur.

Enfin, tous les analystes soulignent que l’accent mis par Xi Jinping sur le fait que « les maisons sont faites pour y vivre, pas pour spéculer - 房子是用来住的、不是用来炒的 » (Xi Jinping, le 14 décembre 2016, lors d’une session de la conférence économique centrale) continuera à freiner le marché immobilier qui pourrait ne pas reprendre sa forte croissance avant longtemps.

Cette réalité pourrait être l’indice d’un premier succès dans la difficile tâche de réduire la part des investissements non productifs dans le schéma économique chinois.


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