›› Editorial

Agents du port de Qingdao, le 2 décembre dernier. Même si les cas liés au nouveau variant Omicron ne dépassent pas quelques centaines, le choix de viser la barre de « zéro-Covid », affichage politique de la supériorité du modèle chinois de gouvernance, oblige Pékin à des mesures drastiques de protection dont les effets de blocage handicapent le fonctionnement normal de l’économie. Selon « Capital Economics » la propagation globale du variant Omicron augmentera la demande des exportations chinoises, mais elle pourrait également exacerber les problèmes d’approvisionnement si, par exemple, elle déclenchait des fermetures de ports ».
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Alors que se profilent les deux échéances majeures du nouvel an chinois qui débutera le 1er février 2022 et des JO d’hiver prévus du 4 au 20 février, déjà sous tensions par les probables décisions de boycott d’une partie des officiels occidentaux, l’appareil est confronté aux défis encore mal cernés de l’émergence du « variant Omicron » et aux signes d’un ralentissement de la croissance.
L’inquiétude est palpable.
Le 18 décembre, toujours fidèle à son idéal de « zéro-Covid » (lire Vaccination et stratégie du « zéro covid ». De la virologie à la propagande politique) le Parti annonçait avec six semaines d’avance des restrictions de voyages durant les fêtes de printemps conseillées à ceux déjà testés positifs. Plus généralement, dit l’appareil à Pékin, durant la période des vacances et à cause de « l’afflux d’athlètes étrangers », les résidents sont invités à ne pas quitter la ville durant les fêtes de printemps.
Soucis économiques, relance et relâchement du crédit.

Après la réunion de la commission centrale économique, la banque centrale (à gauche) a décidé de relâcher sensiblement le crédit et les restrictions de prêts aux développeurs immobiliers. La décision a été prise après que plusieurs facteurs liés à la mise aux normes ordonnée par Xi Jinping, à la crise de l’énergie, et aux soucis du secteur immobilier aient déjoué les prévisions optimistes. La crainte est que le freinage brutal de la croissance au 4e trimestre à +4,9% (contre des prévisions à +7,7%) se répercute en 2022. Alors que la stratégie du « zéro-Convid » reste en place, les restrictions visant à contenir les foyers épidémiques continueront de frapper périodiquement l’activité, en particulier dans la construction, l’immobilier, les services et le secteur de la consommation où le rattrapage est plus lent. Dans ces conditions les premières mesures de relance décidées le 9 décembre pourraient porter leurs fruits à partir de l’été 2022.
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Les soucis ont surgi alors que les chiffres de l’économie publiés le 15 décembre signalaient quelques failles. Les prix de l’immobilier ont baissé pour le troisième mois consécutif, en dépit de l’injection de 188 Mds de $ pour stabiliser le secteur financier.
La chute traduit une rémanence de la crise immobilière révélée par les risques de faillite du groupe Evergrande au point que le Parti fait marche arrière. Pour rassurer le marché, en sévère chute dont la croissance est passée de +20% en 2019 à moins 33% à l’hiver 2021, la note de Xi Jinping critiquant les développeurs et les investisseurs selon laquelle « l’immobilier sert à se loger, pas à spéculer » a été retirée des déclarations publiques.
Le commerce de détail stagne suggérant que les confinements sporadiques dictés par la stratégie du « zéro-Covid » comme celui de la mi-décembre au Zhejiang où 50 000 personnes ont été bloquées à leur domicile, freinent la production, les transports et les échanges.
A Zhengzhou, la capitale du Henan, les visiteurs chinois doivent se soumettre à une quarantaine d’au moins 14 jours. A Nankin un test PCR négatif est requis avant de pénétrer dans des quartiers jugés à risque de la ville.
Récemment, une pénurie d’énergie en partie due aux ratés bureaucratiques de l’approvisionnement en charbon exagérément freiné par la volonté de certaines autorités locales d’afficher leur souci écologique, a brutalement ralenti la production.
Signe que les préoccupations ne sont pas éteintes, la réunion économique centrale annuelle du 8 au 10 décembre, présidée par Xi Jinping et Li Keqiang dédiée au soutien de l’économie, a décidé de relâcher sensiblement le crédit et les restrictions de prêts aux développeurs immobiliers. Le risque est de repousser aux calendes grecques la remise en ordre du secteur.
De même le contrôle de l’endettement est devenu moins urgent. Après un recul du ratio dettes / PIB tombé à 264,8% fin septembre contre 271,2% au début 2021, la plupart des analystes prévoient qu’à la suite du relâchement des restrictions de crédit le ratio repartira à la hausse d’au moins 4% l’année prochaine.
Les données macro-économiques du bureau des statistiques restent préoccupantes. Les prévisions de croissance tablent sur seulement +3,1% pour le dernier trimestre 2021, soit un violent freinage par rapport aux +7,9% du 2e trimestre. Pour 2022, les responsables envisagent qu’il sera difficile de contrôler la chute de la croissance pour la maintenir à +5% sur l’année.
Pourtant, selon les économistes, s’il était maintenu, le rythme suffirait à doubler la taille de l’économie d’ici 2035.
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Au milieu des signes pessimistes, notons les points positifs. La croissance de la production industrielle en chute sévère depuis février 2021 où elle avait culminé à +35 % pour tomber à 3,1% en septembre, semble repartir à la hausse depuis septembre, affichant +3,8% en novembre.
De même l’excédent commercial mensuel était à +71,7 Mds de $ en novembre. Certes, en baisse par rapport aux +74,25 Mds d’il y a un an, et très inférieur aux prévisions optimistes de près de 83 Mds de $, mais le rétablissement par rapport aux 11,8 Mds de $ de mars 2021 est spectaculaire.
Au total, en 2021 les surplus approcheront les 700 Mds de $ dont près de 50% sont générés par le déséquilibre des échanges avec les États-Unis. Ils créent d’importantes réserves de change, dont le volume devrait être de nature à apaiser une partie des inquiétudes du pouvoir.
Au-delà des avantages d’un coût du travail encore inférieur à celui des pays occidentaux ayant généré l’exportation à des prix imbattables d’équipements informatiques, de microprocesseurs et de portables, les excédents se nourrissent aussi de la stabilité artificielle du taux de change du Yuan sous évalué, et du contrôle inflexible du compte de capital.
A ces raisons techniques liées au contrôle du Yuan s’ajoutent un large éventail d’autres facteurs, tous générateurs de surplus. Ils vont de l’importance du taux d’épargne, à l’habitude des opérateurs chinois d’investir à l’étranger, en passant par les distorsions des règles du marché nées de l’étroite connexion entre la politique et les affaires.