›› Chronique
Le prix du prestige
S’agissant de la contrainte financière, la Chine doit tenir compte des enseignements tirés par les autres possesseurs de tels bâtiments, notamment celui relatif au nombre. Il est convenu de reconnaître que posséder un porte-avions ne signifie pas grand-chose en termes de capacité opérationnelle car celle-ci ne peut être assurée en permanence. La France ne le sait que trop depuis 15 mois que le PAN Charles De Gaulle est en maintenance. Donc il ne s’agit pas d’avoir un porte-avions mais deux si l’on veut que cet atout de puissance soit crédible en permanence.
Toujours dans le domaine budgétaire et des investissements à consentir, un porte-avions ne se conçoit pas sans d’autres bâtiments de combat, de soutien logistique et de sécurité qui composent le groupe aéronaval.
La signification stratégique d’un porte-avions
Par ailleurs, en termes d’engagement opérationnel et de concept d’emploi, un porte-avions n’a jamais été un moyen de contrôle du littoral, aussi long fût-il. Une telle composante est précisément conçue pour projeter la puissance nationale loin des bases et des eaux territoriales. La sécurisation des voies d’approvisionnement et l’affirmation de la souveraineté chinoise dans des eaux contestées semblent pouvoir expliquer de façon plus vraisemblable les ambitions de la marine chinoise.
Dans ces conditions, c’est moins les Etats-Unis, dont la suprématie dans le Pacifique ne parait pas menacée par la Chine, que l’Asie du Sud-Est et l’Inde qui peuvent être légitimement préoccupées. L’attachement de Pékin à la question de la souveraineté chinoise en Mer de Chine du Sud - Spratleys / Nansha notamment - (réaffirmée le 9 mars par le ministre Yang Jiechi après que Kuala Lumpur ait de nouveau revendiqué l’appartenance de ces îles à la Fédération de Malaisie) et la projection de la puissance chinoise dans un Océan Indien où Pékin ne bénéficie d’aucune base s’ajoutent à la construction de la grande base navale de Hainan pour donner une indication sur les orientations stratégiques chinoises dans l’avenir.
Une possible lutte entre armées et services
Enfin, en interne, ce projet de porte-avions, par son coût et les choix budgétaires qu’il imposera, pourrait déclencher - ou intensifier - une lutte d’influence entre les armées et les services pour préserver leurs crédits. Une telle guerre intestine viendrait au plus mauvais moment alors que, d’une part, la crise financière risque de provoquer une réduction des crédits de la défense et d’autre part l’APL fait l’apprentissage de l’interarmées. La deuxième artillerie, qui peut aussi s’estimer « menacée » par la détente dans le détroit de Taiwan, semble avoir lancé les offensives. Dans la revue du Parti « Qiushi » - (« Recherche de la vérité ») - les commissaires politiques de cette composante soulignent la nécessité pour le pouvoir politique de conférer à la force de frappe et de missiles une priorité inchangée dans l’avenir.
Pour autant, le déploiement d’un groupe aéronaval chinois n’est cependant pas pour demain. En fait, il est probable que la façon récurrente dont le dossier du porte-avions « refait surface » ces derniers temps indique peut être simplement que la Chine multiplie les études de faisabilité et d’opportunité tout en sondant la communauté internationale sur l’impact qu’aurait une telle acquisition par l’APL.
Ce sont peut être les rumeurs et informations sur les possibles noms du porte-aéronefs chinois qui seront, dans l’avenir, les meilleurs indicateurs du degré d’avancement de ces études.