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L’économie chinoise confrontée à la baisse des investissements et au freinage de la croissance, sous les coups de boutoir de la guerre des taxes, entre dans des eaux mal balisées, tandis que la direction du régime tarde à mettre en œuvre les réformes de structures privilégiant le secteur privé sur les groupes publics.
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Le 19 décembre le « Global Times » publiait un étrange éditorial intitulé « L’économie chinoise n’est pas au bord du gouffre ». Immédiatement certains commentateurs supposèrent qu’il y avait anguille sous roche et quelques raisons de s’inquiéter.
En fait, le Parti réagissait à des analyses extérieures négatives, appuyées sur les chiffres du Bureau National statistiques publiés le 14 décembre, exprimant un freinage de la consommation intérieure et la prévision d’une croissance en 2018 inférieure aux attentes.
A ces nouvelles en demi-teinte, s’ajoutait la brutale révélation de Xiang Songzuo (向松祚), professeur d’économie à l’Université du peuple qui, citant un institut de recherche dont il n’a pas révélé le nom, mettait les pieds dans le plat, en rappelant – ce que nombre d’économistes répètent depuis longtemps – que les chiffres de la croissance étaient surévalués, la réalité étant qu’au lieu des 6,5% annoncées, elle se situerait plutôt autour de « 1,67%, voire moins ».
Pour le Global Times qui accusa le professeur Xiang de « mépriser le travail des statisticiens chinois », l’ambiance pessimiste fut aggravée par les « mauvaises langues » diffusant sur Internet un état d’esprit qui n’épargna pas l’administration accusée de cacher les réalités du freinage économique.
Venait ensuite, sans cependant élaborer les détails, la reconnaissance de « réelles difficultés » énoncées en vrac, dans « le secteur de la finance, du niveau de vie et des sentiments de l’opinion », causées non seulement par la situation internationale, mais aussi par la transition économique en cours.
Puis, sans surprise, le rappel, adressé à Xiang, de la nécessaire « objectivité des chercheurs » qui « devraient analyser la situation du pays avec calme ». Fait intéressant, l’admonestation était cependant immédiatement corrigée par une remarque à l’intention de l’administration et de la presse, soulignant qu’il était nécessaire de ne pas éluder les informations négatives et de s’en tenir aux faits.
Haro sur la bureaucratie.

60 ans après la création de la République populaire (photo de l’anniversaire du 1er octobre place Tian An men), le poids de la bureaucratie héritière millénaire des mandarins impériaux et qui fut l’instrument des formidables progrès sociaux économiques du pays, est accusée de freiner les réformes. Avec le gouvernement, elle est devenue le bouc émissaire des difficultés rencontrées par l’économie chinoise aux prises avec une accumulation de défis.
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Si, à cette remarque donnant tout de même corps aux accusations de manipulation des statistiques, on ajoute la conclusion de l’article dénonçant sans détour le « formalisme de la bureaucratie » jouant, dit l’auteur, « un rôle détestable dans l’érosion de la confiance publique qu’il devient urgent d’éliminer toutes affaires cessantes », on ne peut manquer de constater que ces nervosités ponctuées par des accusations publiques de la bureaucratie signalent, malgré l’affichage de sérénité, une tension interne.
D’où la dernière phrase sibylline de l’article soulignant sous forme de mise en garde que « si elle n’était pas contrôlée rapidement, l’interaction entre l’économie et l’opinion pourrait déboucher sur une sérieuse crise politique ». A bon entendeur salut.
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En attendant de savoir si les prochaines initiatives du contrôle d’internet et des réseaux sociaux ne seront pas de jeter un voile sur les commentaires économiques pour éviter un emballement dangereux de l’opinion, essayons d’analyser ce qu’il en est en réalité.
D’abord à partir de l’exposé de Xiang Songzuo du 16 décembre, ayant en plus de la révélation des chiffres réels de la croissance très vivement et sans détours mis à jour quelques dysfonctionnements et contradictions de l’économie chinoise expliquant selon lui le freinage de la croissance, également du à des « erreurs d’appréciation de la situation par la direction du pays. »