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›› Editorial

Branle-bas des stratégies d’influence chinoises en amont des jeux d’hiver

Le 20 janvier l’assemblée nationale française a elle aussi reconnu à une large majorité, à l’exception notable de la France Insoumise, que le traitement infligé aux Ouïghours au Xinjiang était constitutif « d’un crime contre l’humanité et d’un génocide ». Au même moment le philosophe Bernard Henri-Levy militait pour le boycott français des jeux de Pékin.

Mais dans ce contexte très agaçant pour le Parti, voilà qu’à moins de deux semaines de l’ouverture des jeux à Pékin, on apprend que le pouvoir politique chinois, soucieux de ne pas laisser gâcher l’événement par la mauvaise réputation qui lui est faite, s’est attaché les services de spécialistes occidentaux experts de l’animation des réseaux sociaux.

Des centaines d’influenceurs actifs sur les plateformes comme TikTok, Instagram ou Twitch, ayant chacun des milliers de suiveurs – « une véritable armée » dit un article du « Guardian » du 22 janvier – ont pour mission de diffuser des messages positifs et édifiants sur la Chine pendant toute la durée des Jeux d’hiver dont la cérémonie d’ouverture aura lieu le 4 février prochain.

L’événement qui durera jusqu’au 20 février, rassemblera 3000 athlètes concourant dans 109 disciplines. Il sera suivi du 4 au 13 mars des Jeux Paralympiques avec 736 athlètes handicapés qui se disputeront les médailles de 78 disciplines.

Dans la sphère occidentale des réseaux sociaux, dont il faut rappeler qu’ils sont tous censurés en Chine, les meilleurs « influenceurs » sont connus.

Pékin sous-traite une campagne d’influence avec un cahier des charges précis.

Exemple : Alors que Washington tente de rallier à son projet de boycott des jeux d’hiver en Chine d’autres officiels occidentaux au-delà du Royaume Uni, du Canada, de l’Australie, du Japon, de la Lituanie et du Kossovo, en novembre dernier, au consulat général de Chine à New-York, Vipinder Jaswal (Vipp Jaswal) connu des lecteurs de Newsweek et ancien cadre de HSBC, signait un contrat de 300 000 $, dont 210 000 $ lui étaient payés d’avance par un diplomate chinois.

Le but ? Imaginer et mettre en œuvre une vaste campagne de promotion positive des JO et des jeux paralympiques de Pékin destinée, non pas comme à l’habitude au public chinois, mais à l’usage de l’opinion américaine.

Les contrats enregistrés au ministère américain de la Justice définissent une stratégie détaillée de relations publiques selon laquelle, entre le 22 novembre et le 13 mars, à la fin des Jeux paralympiques d’hiver, chaque influenceur est chargé de produire trois à cinq campagnes ciblées, chacune adaptée à un public particulier.

Selon le Guardian, Jaswal, qui se place dans l’optique de défendre la neutralité politique de l’Olympisme et se dit opposé aux boycotts qu’il juge inefficaces et contreproductifs, affirme qu’il a examiné une cinquantaine de projets d’influenceurs allant d’anciens athlètes olympiques à des entrepreneurs.

Depuis la fin novembre, trois millions de messages positifs sont en cours de diffusion sur les réseaux sociaux occidentaux. Ils ciblent notamment les plateformes assidument fréquentées par les jeunes américains.

Le cahier des charges des contrats stipule que 70% du contenu devrait être « culturel » et mettre en exergue, non seulement l’histoire de Pékin et les reliques artistiques de son passé, mais également les tendances sociales et culturelles de la vie moderne des Chinois, ainsi que – détail remarquable qui en dit long sur l’importance que Pékin accorde à ses relations avec Washington – les points positifs de la coopération sino-américaine dont le sujet devrait compter pour 20% des campagnes.

Une nouveauté dans la mise en œuvre.

Les stratégies d’influence des réseaux chinois ne sont pas une nouveauté. Le récent rapport de l’IRSEM en a clairement détaillé l’ampleur protéiforme (lire : IRSEM. Un rapport foisonnant sur l’ampleur protéiforme des stratégies d’influence de Pékin).

Selon l’ONG « Open secrets » qui trace les finances injectées dans la politique américaine, depuis une dizaine d’années, les relais médiatiques chinois comme CCTV ou le China Daily, ont investi près de 60 millions de $ dans des opérations destinées à influencer la politique américaine.

Les intrusions d’influence par des avalanches de messages automatiques sont également le fond de tableau de la relation Chine – Taïwan où il est aujourd’hui établi qu’en 2018 – 2019, le candidat du KMT à la présidence de l’Île Han Kuo-Yu avait été propulsé à la tête de la Mairie de Kaohsiung en partie grâce au déluge ininterrompu de « trolls » chinois dans les réseaux sociaux taïwanais.

(Lire à ce sujet le § « Le risque démocratique de la manipulation des réseaux sociaux » de notre article : Le KMT s’alarme des déboires de son candidat. Net redressement de la popularité de Tsai Ing-wen).

Jusqu’à présent, cependant, la Chine n’avait jamais officiellement et ouvertement recruté des professionnels non Chinois de l’influence du net ayant pignon sur rue dans le but de cibler spécifiquement les internautes occidentaux.

Après tout, les Chinois qui apprennent vite et dont le pragmatisme d’adaptation à la réalité n’est plus à démontrer, ont compris qu’aux États-Unis, le lobbying était un mode d’action politique reconnu pour exercer une influence électorale ou faire pression y compris sur l’agenda politique de l’exécutif et ses décisions.


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