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C.C.Eyes only. Pour les Conseillers du Commerce Extérieur confinés à Shanghai. Chapitre IV

La conversation s’était maintenant déportée sur le COVID à Shanghai.

 Pour le moment, la situation est plutôt calme dans la ville mais les nuages se rapprochent… Lui expliqua doctement Rachnide, avec le discours Intelligent, pertinent, court, efficace qui le caractérisait… Pour le moment, tout se conjugue toujours autour de la politique du Zéro-COVID… Dans la sphère personnelle et dans la sphère professionnelle.

Au niveau personnel, c’est district par district et résidence par résidence… Mais au bout du compte, ce sont les comités de quartier qui font la loi… Sur le plan professionnel, pour le moment, il n’y a pas de consigne particulière pour le télétravail… Ce sont les boîtes qui tranchent. Mais se sont les approvisionnements qui sont le plus impactés…

 Ce qui n’apparaît pas dans cette présentation, ajouta Catherine Vinchaud, c’est le stress qui va avec tout ça… Disons-le crûment, les comités de quartier ne sont pas réputés pour leur intelligence… C’est plutôt instinct grégaire niveau hommes des cavernes… Le moindre déplacement peut se transformer en piège…

Si vous souhaitez vous rendre dans une autre ville, vous n’êtes jamais tout à fait sûr de ce qui vous attend… Alors imaginez si le COVID rentre vraiment dans Shanghai, le piège pourra se refermer quartier par quartier, immeuble par immeuble… Vous allez chercher du pain deux rues trop loin et vous ne pourrez plus rentrer chez vous…

 Si le COVID rentre dans Shanghai, cela sera la merde absolue… Déclara Guy Râle, avec force conviction…

 Pourquoi tu dis ça ? Questionna François Génie, une pointe d’inquiétude dans la voix…

 Parce que Shanghai est devenue à la fois trop égoïste et trop sophistiquée… Le zéro-COVID ça ne peut marcher qu’avec des ploucs obéissants et un peu bornés…
- Merci pour les ploucs de Wuhan ! Lui lança Christophe Rolland sur un ton légèrement aigri…

 Vous, ce n’est pas pareil… D’abord, c’est quand même bien vous qui nous l’avez refilée, cette merde… Mais surtout, vous avez été pris par surprise… Vous auriez voulu réfléchir que vous n’en auriez pas eu le temps… Je ne suis pas certain que si il fallait, aujourd’hui, re-confiner vos quatorze ou quinze millions d’habitants, cela se passerait aussi bien qu’il y a deux ans…

 Je ne suis pas d’accord, déclara madame Lelonbec. Je ne vois vraiment pas pourquoi il y aurait plus de risque de rébellion ici à Shanghai que dans le reste de la Chine…

 Bien peut-être parce que justement les Shanghaïens pensent que Shanghai n’est pas comme le reste de la Chine… Peut-être parce que les Shanghaïens sont devenus tellement égoïstes qu’ils n’éprouvent plus la moindre empathie et qu’ils préfèreront voir leurs voisins et les migrants du coin, mourir dans la rue, si il existe le moindre risque pour leur vie… Peut-être aussi parce que les gens ici, ont tellement l’habitude d’être servis en appuyant sur un bouton que plus personne ne sait vraiment comment marche vraiment toute cette logistique d’approvisionnement… Mais tout le monde sait tout ça… Sinon, comment vous expliquez la pénurie de riz, de nouilles, d’huile et de papier Q qui frappe déjà la plupart des rayons des supermarchés… ?

 Ce que je crois surtout, trancha Catherine Vinchaud, c’est que la politique du zéro-COVID, c’est un défi lancé aux dieux, qu’un système politique peut-être plus fort qu’un virus… Sur le plan strictement scientifique, rien n’est moins sûr et on a dû mal à imaginer sur ce qui pourrait advenir si le virus finalement l’emportait… Si Omicron devait s’avérer plus fort et plus insidieux que les confinements, alors, c’est toute la théorie qu’un système totalitaire est bien meilleur qu’une démocratie à l’occidentale qui risquerait de s’effondrer… Un beau désordre en perspective…

 Arrêtez de rêver tout debout, ricana le consul général qui venait de surgir de nulle part, cela fait des lustres que des esprits chagrins croient entrevoir le matin du Grand Soir et la chute de l’Empire chinois… Je ne voudrais pas vous démoraliser mais cela risque encore de prendre pas mal de temps… Tout ça pour dire que vos collègues sont arrivés ici sains et saufs… Pour le moment ils se reposent en haut dans leur chambre… Si tu souhaites passer les voir, ajouta-t-il, en se tournant vers Grodègue, nous, nous allons les laisser se reposer un peu… Ils ont besoin de récupérer…

 Avec un passage du commissaire, ils risquent surtout de faire une rechute… murmura Madame Lelonbec.

Grodègue fit comme s’il n’avait rien entendu et se dirigea vers l’escalier qui menait aux étages…

Belon et Croqueyesse l’attendaient dans une des chambres. Ils se levèrent en grimaçant à son arrivée… Leur accident avait laissé quelques traces ; Hervé Croqueyesse avait une petite partie du haut de son front à droite qui avait été tondue et l’absence de cheveux laissait apparaître une belle cicatrice avec au moins six à sept points de suture. La partie gauche de son visage avait pris une jolie couleur jaune-marron… Belon, lui n’avait apparemment que quelques points de suture au menton… Ils avaient néanmoins l’air de s’être remis du choc…

C’est d’ailleurs Croqueyesse qui ouvrit le bal, avant même que Grodègue ait posé la moindre question…

 Nous ne comprenons rien à ce qui nous arrive ! C’est Guy Yaume qui nous a demandé de bien vouloir héberger pour quelques jours des amies à lui qui avaient des problèmes…

Nous ne connaissons pas ces jeunes filles, nous ne savons rien des problèmes qu’elles auraient pu avoir et nous ne savons pas où elles se trouvent à l’heure actuelle… Nous sommes bien sûr prêts à répondre à toutes vos questions mais nous n’avons rien de plus à ajouter que ce que je viens de vous dire… Vous n’apprendrez rien de plus de nous ! Nous demandons l’asile politique au consulat général et nous souhaitons un rapatriement sur la France dans les meilleurs délais…
Grodègue se tourna vers Belon…
- Vous confirmez ?

 Bien entendu que je confirme. je demande également la protection du Consul général de France, et un rapatriement sur la France sous sa protection. Je n’ai, par ailleurs, rien à rajouter à ce que vient de dire mon ami Croqueyesse…

 J’ai bien compris… J’ai bien compris… Répéta Grodègue. L’ennui, c’est que je pense que vous ne me dites pas tout et que, par dessus le marché, vous me prenez pour un con… J’ai horreur qu’on me prenne pour un con… Je vais vous l’avouer… Cela m’irrite au plus au point ; cela me donne des démangeaisons sur les bras et dans le dos… Parfois, j’en ai du mal à me contenir…

 Écoutez, nous savons pertinemment le traitement que vous avez fait subir à notre ami André Dogg, à Pékin. Vous avez été odieux… Parfaitement odieux ! Lui assena Croqueyesse, avec assurance. La différence, c’est qu’ici, vous n’avez aucun pouvoir. Nous sommes sous la protection du Consul général, dans une résidence protégée par des accords diplomatiques. Vous ne nous faites pas peur ! Alors, si vous n’avez pas d’autres questions, vous pouvez disposer… Nous avons besoin de repos…

 Bon… On ne va pas se fâcher… Je vous résume le dilemme… Je vous tends la main mais vous, vous préférez jouer aux cons…

 Je ne vous permets pas ! Rugit Croqueyesse,, restez poli ! Nous n’avons pas élevé les cochons ensemble !

 Vous préférez jouer aux cons, disais-je donc et moi, j’aimerais bien avancer dans cette affaire, d’autant plus, et cela ne vous aura sans doute pas échappé, que vous avez réveillé des forces qui ne vous souhaitent pas vraiment du bien et qui deviennent particulièrement violentes ce qui n’est pas habituel envers des étrangers, dans un pays comme la Chine… C’est quoi, d’après vous, la prochaine étape ? Un missile sur la résidence ? Un Guy Yaume éparpillé par petits bouts façon puzzle ? « Moi, vous voyez, quand on m’en fait trop, je correctionne plus : je dynamite … » disait un bon ami à moi…

Alors écoutez, avant que je ne me fâche vraiment, je vais vous laisser quelques minutes de repos et de réflexion… Essayez d’en profiter…

Grodègue prit aussitôt congé pour trouver refuge, dans une autre chambre, au bout du couloir… Il appela son ami Weng pour faire un point avec lui et mettre au point une stratégie…

 Ils sont coriaces, tes pingouins mais chez nous, on en aurait déjà fait de la farce pour raviolis… Passe les moi ne serait-ce que dix minutes et je te garantis qu’ils vont avouer toutes les peccadilles et les moindres méfaits qu’ils ont pu commettre depuis leur plus tendre enfance… Le problème, c’est que pour moi, ça ne sent vraiment pas bon non plus ; tes assaillants morts à Mutianyu et ceux de ce matin à Shanghai, commencent à faire très mauvais effet et je suis sur la sellette… Je risque de me faire éjecter à tout moment et d’avoir de gros problèmes si je n’ai pas d’éléments plus probants à fournir… Faut vraiment que tu leur fasses cracher le morceau…

 Je peux les menacer de les relâcher dans la rue, face à ceux qui veulent leur peau…

 Laisse tomber , c’est déjà trop tard ! Mon petit doigt me dit qu’ils sont en train de contacter des journalistes pour les informer de leur situation et de leur statut de réfugiés dans leur propre consulat… Si en plus, on se prend des articles dans la presse étrangère, là, je suis foutu…

Je fais fermer toutes les antennes relais autour du consulat et je déclare un confinement dans tout le quartier, pour tenter de ralentir la propagation de cette histoire… Toi, files prendre le téléphone satellitaire sécurisé que je t’ai donné et file dans le jardin… Je te reprends sur la ligne cryptée dans cinq minutes, vu que je vais fermer toutes les autres… Faut qu’on trouve une solution et vite… J’en ai une mais elle risque de ne pas trop te plaire…

Grodègue descendit chercher, dans ses affaires, le téléphone sécuritaire de secours que lui avait remis Weng… Il en profita pour s’entretenir avec le consul général pour lui indiquer que le quartier était sous quarantaine et que donc, personne ne pouvait sortir de la résidence actuellement et que cela allait pourrait être avoir des conséquences sur les communications téléphoniques avec l’extérieur…Cornackée jeta immédiatement un coup d’œil sur son téléphone et constata qu’il n’avait, effectivement, plus de réseau…

 Fais-moi confiance, reprit Grodègue, cela risque de secouer un peu mais je compte sur toi, pour tenir au calme tes invités…
Sorti dans le jardin, Grodègue n’eut pas à attendre très longtemps le rappel de Weng…

 Bon, écoute moi et ne m’interrompt pas… Ce matin, après la fusillade manquée sur Belon et Croqueyesse, à titre préventif, je me suis permis de convoquer tes amis André van Dogg et Jean Rard… En fait, j’en ai eu trois pour le prix de deux car il y avait un certain Thierry Pastoureau qui rendait visite à Dogg, juste à ce moment-là… Un CCE qui fait dans les accessoires d’automobiles… Je pensais qu’ils ne t’avaient peut-être pas tout dit… J’ai même été cherché les épouses de Belon et de Croqueyesse… Je commençais à subodorer que j’aurais peut-être besoin de moyens de pression… J’ai eu la femme de Croqueyesse… Elle était dans sa galerie d’art ; j’ai lancé un mandat d’amener contre celle de Belon ; elle n’était pas chez elle…

Je sais, ce n’est pas très courtois, mais comme je te l’ai dit, faut vraiment que l’on arrive à colmater les avaries, sinon on va couler… Alors, on ne va pas faire dans la dentelle… Toutes les minutes comptent… Tu dis à tes deux lascars que s’ils ne crachent pas le morceau immédiatement, que l’on va mettre tout ce beau monde et eux avec, en arrestation pour trafic de drogue et qu’une perquisition va être faites à leurs domicile… Dieu sait ce qu’on pourrait y trouver… Tu me suis… ?

Demande leur si leur allégeance à leur cher Président Guy Yaume va jusqu’à prendre des condamnations à vie pour eux et pour leurs épouses et leurs collègues… Je vais en relâcher un pour qu’il témoigne qu’on ne rigole pas… Je relâche Dogg ou Rard ?

 C’est comme si tu me donnais le choix entre Jésus ou Barabbas…
- Qui c’est encore ces deux-là ?
- Libère Rard… Il a une bonne poire…

 OK… Je lui fais répéter son texte et il t’appellera sur ce téléphone… Et garde en tête que pour eux, c’est peut-être un jeu mais pour moi, c’est ma tête qui est sur le billot…

Sitôt raccroché, Grodègue se dépêcha de remonter voir Belon et Croqueyesse… Il était peut-être encore temps d’arrêter le jeu de massacre…

Mais cela s’annonçait mal… Croqueyesse et Belon semblaient plus remontés que jamais…

 Nous avons décidé de revendiquer notre droit au silence ! Déclara immédiatement Croqueyesse, en le voyant faire irruption dans la pièce. Vous nous avez coupé le téléphone ! Vous êtes content de vous ?!

 Je crois que vous n’avez pas vraiment compris la situation, lui répondit gentiment mais fermement, Grodègue ; nous ne sommes pas dans une série télévisée à deux balles… Je suis simplement venu vous dire que la situation a été légèrement modifiée… Je vous le redis, une nouvelle fois : vous avez fâché des gens importants et pas seulement ceux qui ont tenté de vous tirer dessus… Vous fâchez même les gens qui vous ont sauvé la peau, ce matin…

Un peu trop confiant, je m’étais engagé à leur transmettre au plus vite ce que vous saviez sur cette affaire… Votre attitude a donc changé la donne… Je n’ai plus la main… Je suis sorti du jeu et je pense que vous allez très vite vous rendre compte que je n’étais sûrement pas le plus méchant et que je n’étais pas celui que vous aviez le plus à craindre… Une dernière fois, dites-moi ce que vous savez, avant qu’il ne soit définitivement trop tard…

 Vous ne nous aurez pas par les sentiments… Nous n’avons rien à dire… Cornackée, le consul général, venait de faire irruption dans la chambre.

 Nicemount vient de me faire porter un message qui, bizarrement a pu franchir la zone de confinement et arriver jusqu’à nous…Ce ne sont pas, je le crains, de bonnes nouvelles pour vous… annonça-t-il en se tournant vers Belon et Croqueyesse… Vous êtes officiellement recherchés pour trafic de drogue… En vertu des accords qui nous lient avec la Chine, je crains qu’un rapatriement sur la France s’avère très difficile dans ces conditions et je ne suis même pas très sûr que je puisse vous garder très longtemps, ici, à la résidence…

Dès que les communications avec l’extérieur seront rétablies, j’en discuterai avec l’ambassadeur mais il nous sera vraisemblablement impossible de continuer à donner une protection à des criminels recherchés par la police locale… Surtout après votre incident de ce matin qui va ressembler étrangement à un règlement de compte entre bandes rivales… Je peux simplement vous assurer que vous pourrez compter sur le soutien des autorités françaises, tout au long de la procédure qui vous met en cause…

Le regard de Croqueyesse allait alternativement du consul à Grodègue, hébété et sonné, cherchant toujours à comprendre ce qu’il lui arrivait… La sonnerie du téléphone de Grodègue se déclencha avant même qu’il ait retrouvé totalement ses esprits… C’était Jean Rard…

 Je le mets sur haut-parleur…
- Raoul Belon et Hervé Croqueyesse sont là ?
-Ils vous écoutent… Le consul général est présent également…

 T ant mieux… Ils m’ont donné le droit de vous appeler mais je ne sais pas pour combien de temps… Alors je fais vite… J’ai été emmené dans un commissariat ce matin… J’y ai retrouvé André Dogg et Thierry Pastoureau qui comme moi ne savaient pas ce qu’ils faisaient là…Plus tard, on a également vu arriver ta femme, Hervé, qui gueulait comme un putois… Quelques minutes plus tard, elle était en pleurs et sanglotait sur une chaise… Je ne sais pas ce qu’ils lui ont dit ou ce qu’il lui ont fait…

Ils viennent de me dire que, finalement, aucune charge n’allait être retenues contre moi mais que par contre Yaume, Dogg, Pastoureau et vous deux ainsi que vos épouses, allaient être inculpés de trafic de drogue… Je ne sais pas ce qui se trame ni ce que vous essayez de cacher mais là, il y a au moins deux CCE que je sais complètement innocents et ton épouse Hervé qui risquent de passer une bonne partie de leur vie en prison pour ce que vous m’avez présenté comme étant une plaisanterie…

Êtes-vous bien sûrs que le jeu en vaille vraiment toujours la chandelle ? Ils ne m’ont pas caché qu’ils me relâchaient uniquement pour que je puisse témoigner mais ils m’ont bien dit que dans une heure, tout cela deviendrait irréversible… Moi, j’en conclus qu’ils attendent quelque chose de vous, je ne sais pas quoi et je m’en fous… Mais je vous le redemande encore une fois, êtes vous certain de vouloir poursuivre la plaisanterie… ? A vous sacrifier en emportant avec vous, votre famille et au moins deux de vos collègues ?…
Bip… Bip… Bip…

La conversation venait d’être coupée…

Croqueyesse était pale comme un linceul… Lui qui avait passé sa carrière à plutôt chercher à plaire à ses amis chinois, voyait son monde fissuré et sur le point de s ‘écrouler… Aucun son ne parvenait à sortir de sa bouche…Ce fut Belon qui rompit le silence…

 Croqueyesse n’y est pour rien… C’est moi qui l’ai entrainé la dedans…Tout est de ma faute…

 Je vais vous demander de sortir et de nous laisser seuls, déclara Grodègue en se tournant vers le consul général et en accompagnant discrètement sa demande par un clin d’oeil appuyé…
Une fois le consul hors de la pièce, il revînt vers Belon…

 Je vous écoute…N’oubliez aucun détail mais faites au plus vite car le temps presse…

 Toute cette histoire à commencer lors d’une soirée où se trouvait un de mes amis chinois, un certain Zhang… Grodègue lui fit répéter le nom complet de son ami, la date de la soirée et le lieu…

 Je savais que cet ami ne nageait pas dans des eaux très limpides mais il avait de bonnes connexions et m’avait été, plusieurs fois, de bon conseil… La soirée était chaude : alcools à gogo et pléthore de filles, toutes plus belles les unes que les autres… Les trois petites en faisaient partie… Pas farouches et nettement plus classe que les autres filles… De mon côté, je ne suis pas vraiment porté sur les orgies et les partouzes… j’ai dû leur paraître comme un moine égaré… Toujours est-il, que j’ai quitté assez tôt cette soirée… Je n’essaie pas de vous faire croire que je suis un saint, je veux simplement…

Grodègue lui fit comprendre qu’il n’en avait pas grand chose à cirer de ses états d’âme et de rentrer dans le vif du sujet…

 Bon… J’ai donc été franchement étonné quand je me suis rendu compte que les trois petites s’étaient dissimulées dans ma voiture… Elles m’ont vite fait comprendre que leurs vies étaient en danger et qu’il fallait à tout prix que je trouve un endroit pour les cacher pendant quelques jours… Elles avaient l’air si charmantes et si innocentes dans leurs tenues de travail qui les déshabillaient plus qu’elles ne les voilaient…

Grodègue se dit qu’il s’était fait la même réflexion en regardant les photos…

 Je me voyais mal rentrer chez moi avec ces trois sirènes… Ma femme a plutôt l’esprit large mais enfin, il y a des limites… Et là, je me suis souvenu que dans une zone industrielle pas très loin d’où nous nous trouvions, mon ami Guy Yaume avait un petit atelier et des bureaux… Je l’ai donc appelé…

Yaume, c’est la crème des crèmes… Faut que vous le sachiez… Il est prêt à tous pour ses amis… Alors, si en plus, c’était pour sauver la veuve et l’orphelin…

Il était 11 heures du soir passées mais il a sauté dans sa voiture pour venir nous ouvrir ses bureaux… On était vendredi soir, personne ne devait se pointer avant lundi matin… Cela laissait deux bonnes journées aux filles pour se retourner et trouver une solution à leurs ennuis…

Le problème, c’est que quand elles se retournent, ça dérape… Comme je vous l’ai dit, je ne suis pas un débauché et Guy Yaume a beau être un mari fidèle et un père de famille attentionné, au petit matin, quand les filles nous ont raconté plus en détail leurs soucis, on était tout juste bons à être ramassés à la petite cuillère… Voyant que Grodègue continuait à s’impatienter, il accéléra son compte rendu…

 Pour faire court, elles venaient d’un grand centre situé dans un monastère bouddhique de l’Amdo… Enfin, un truc comme ça… Je ne sais pas où cela se trouve exactement ; Qinghai ou Sichuan ou quelque chose dans le coin…

Grodègue tenta de se faire préciser l’adresse exacte mais Belon ne put lui donner que des indications assez vagues…

 Je n’en sais rien ! Elles ont parlé de Monts Dangnela… Ou quelque chose d’approchant… Mais c’est vous qui me ralentissez en me coupant tout le temps la parole, bougonna Belon en reprenant son récit. Ce centre recueille des orphelines venant de toute la Chine et en fait des filles à marier modèles, une denrée rare, par les temps qui courent et qui se monnaye dans tout le pays… Un denier du cul, pour le monastère, en quelque sorte…

Voyant que sa plaisanterie tombait à plat, il continua : le temple possède également un département spécial où les plus belles filles sont formées et éduquées pour être destinées à l’élite du pays… Je devrais même dire l’élite de l’élite pour être plus précis… Pour rester dans l’image d’Épinal, si le centre produit principalement des Volkswagen des Audi et des BMW, ce département met sur le marché ce qui pourrait se comparer à des Rolls-Royce, des Ferrari et des Lamborghini…

Grodègue hocha la tête pour montrer qu’il avait bien compris la métaphore et fit un léger geste de la main pour l’encourager à poursuivre…

 Les trois petites venaient de ce département spécial… Élevées à la « française » ! Le top du top…

L’histoire ensuite se complique et devient plus confuse… Ce que nous avons crû comprendre c’est que, le fameux Monsieur Zhang avait servi d’intermédiaire pour un mariage arrangé à très haut niveau pour chacune des trois jeunes filles… L’une d’entre elles aurait même été pressentie pour devenir la maitresse d’un membre du Bureau Politique et peut-être même d’un membre du Secrétariat permanent…

Manque de chance, dans le même temps, il semblerait que ce Monsieur Zhang ait rencontré un souci majeur, concernant du matériel défectueux, dans un deal avec un trafiquant maffieux, avec qui il était en affaires, un certain Mouloud… Mouloud quelque chose, un nigérian…

Si j’ai bien compris, ce trafic implique et met en cause des membres très influents du Parti et serait politiquement très sensible… Mais les petites n’en savaient pas plus… En tout cas, elles ne nous en n’ont pas dit plus…

Ce grand ponte du Nigéria, le Mouloud en question, tenait notre Monsieur Zhang, semble-t-il, par là où cela fait mal et a fait monter les enchères en matière de compensations et d’indemnités…

Dans le marchandage qui l’opposait à Mouloud, Zhang finalement a voulu rajouter des cerises sur le gâteau et il a incorporé les trois petites au deal pour amadouer son interlocuteur qui ne semblait pas totalement indifférent à leurs charmes… La soirée à laquelle j’avais l’honneur d’être invité, devait sceller leur accord, même si Zhang et Mouloud n’apparaissaient pas au grand jour…

Seulement voilà, petite anicroche, les petites ont appris qu’elle faisait partie de cet accord et elles n’ont pas été follement enthousiasmées par l’idée de rejoindre le harem du maffieux africain alors qu’on leur avait promis des haut-cadres du Parti… Ce n’est pas qu’elles sont racistes mais elles n’aimaient pas trop la couleur de sa peau et en plus, elles ont vite appris que ledit nigérian faisait plutôt dans le BDSM, genre plutôt violent et qu’il ne gardait que fort peu de temps les recrues de son harem… On retrouvait celles-ci, assez vite en mauvais état, à faire le tapin, dans les bas-fond d’Abuja ou de Lagos…

Se sentant trahies, elles ont donc décidé de s’enfuir au plus vite mais, avant cela, en guise de gage de sûreté, elles ont piqué une mallette à laquelle le nigérian semblait beaucoup tenir…

Je ne sais pas ce qu’il y a dans cette mallette mais un garde, qui ne quittait jamais ce Mouloud, la tenait enchainée à son poignet et le Mouloud en question portait la clé de cette chaine accroché à un collier en or, pendue à son cou… A mon avis, à l’intérieur, il devait y avoir plus que son passeport ou que sa carte d’identité !

Ne me demandez pas comment elles s’y sont prises mais toujours est-il que, quand je les ai retrouvés dans ma voiture, elles avaient bien cette mallette avec elles…

On peut décemment penser qu’elles ont laissé un Monsieur Zhang, assez fâché, confronté à des soucis majeurs bien plus importants que des contrats matrimoniaux qu’il était incapable d’honorer, face à un truand africain violent et sans scrupule, terriblement en colère et avec des membres éminents du Parti qui ne devait pas être ravis de savoir que des documents extrêmement sensibles pouvant les compromettre, se promenaient dans la nature…

Les petites se sont, bien entendu, d’abord tournées vers leur grand Rimpotché, le grand maître du temple, pour le rejoindre au plus vite… Je ne sais pas exactement ce qu’ils se sont dit… Mais au bout de la discussion qui a duré pas mal de temps, les petites ne partaient plus chercher refuge auprès de leur Grand Maître…

Celui-ci les a convaincues de lui faire passer discrètement le porte-documents et à rester dans la clandestinité, le temps qu’il trouve un moyen de les sortir du sac de nœuds dans lequel elles s’étaient empêtrées…

Il fallait que la mallette soit à l’abri entre ses mains mais que la partie adverse pense que c’était toujours les filles qui la détenaient…

Les petites ne pouvaient donc pas porter elles-mêmes la mallette… C’eut été trop visible… Il fallait quelqu’un que personne ne connaissait et qui pouvait passer incognito… C’était moi ou Yaume…

Je pense que les petites ont tout de suite préféré que ce soit Yaume qui se charge de cette délicate mission… Certes, elles s’étaient cachées dans ma voiture mais je pense qu’elles n’étaient pas encore tout à fait sûres de moi… Après tout, j’avais été invité à cette soirée en tant qu’ami de Zhang…

Au départ, quand même, Yaume n’était pas très chaud pour se lancer dans cette aventure… Et puis finalement, à force de persuasions et de manœuvres indicibles, elles ont fini par le convaincre… Elles l’ont persuadé qu’il en allait de leur survie et qu’il était le seul à pouvoir les sauver…

En fin de compte,Yaume s’est rappelé qu’il avait des gens à rencontrer dans le Xinjiang, à Karamay et après discussion avec le Rimpotché, il a été décidé de remettre la valise là-bas… Cela devait être une simple formalité… Et puis, je ne sais pas pourquoi, tout est parti en couilles…

Je pense que Zhang a eu vent de ce qui se tramait… Le Rimpotché a juste eu le temps de mettre Guy Yaume à l’abri… Et Zhang a accentué sa pression et s’est lancé sur la trace des petites… Il a lancé toutes ses forces pour retrouver la mallette et ces filles, pour éviter une négociation difficile et se remettre en selle sans trop de dégâts…

C’est lui le responsable de toutes ces tueries…Mais avec Mouloud et les officiels compromis par son trafic, sur son dos, il n’a plus le droit à l’erreur… Il cherche donc à frapper vite et fort…

Heureusement, les filles peuvent s’appuyer sur leur Rimpotché et sur ses réseaux… Peut-être ont-elles aussi trouvé des aides auprès de leurs promis cocufiés… Cela nous avait permis de passer au travers de toutes les embuches, jusqu’à aujourd’hui… C’est vrai que nous l’avons échappé belle…

 Et elles sont où actuellement ?

 On devait les rejoindre ce matin à la nouvelle gare centrale… Elles hésitaient entre partir en train ou en voiture pour Wuhan ou pour Canton… Elle peuvent être dans l’une de ces villes comme elles peuvent avoir décider d’aller ailleurs… On les a perdu de vue après notre accident de ce matin…

 Qui les prévient, à chaque fois, du danger ?

 Le rimpotché je pense… Il donne l’air de suivre tout ça de très près, depuis sa citadelle du Tibet… Dites, maintenant que je vous ai tout raconté, vous allez pouvoir faire quelque chose pour nous ? Nous ne sommes pas des criminels…

 Je vais faire de mon mieux ; je vous le promets.. Mais enfin, quand même, vous m’auriez confessé tout ça dès le départ, on aurait perdu moins de temps et on se serait épargné toutes ces mésaventures !

 Mais je vous l’ai dit, ce n’était pas possible… Ce sont des forces colossales qui étaient en jeu… Par l’intermédiaire de Yaume, le Rimpotché nous avait fait promettre de n’entreprendre aucune action si ce n’était de protéger de notre mieux les trois petites et surtout de ne rien dévoiler de la situation à qui que ce soit… Il se méfiait de vous comme il se méfie de tout le monde… Vous nous avez forcé à rompre ce silence… J’espère que nous n’auront pas à le regretter… Vous allez nous sortir de ce pétrin ?

 Encore une fois, je vous promets de faire de mon mieux mais, comme je vous l’ai dit, vous m’avez sorti du jeu en vous obstinant à ne pas me parler… J’espère sincèrement pour vous qu’il n’est pas trop tard et que je pourrais encore rattraper vos bêtises…


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