Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Politique intérieure

Chaos à Hong-Kong : Après un mort et un blessé grave, la situation se tend dangereusement

Une journée d’insurrection.

Le 12 novembre le SCMP tentait une synthèse de la journée la plus chaotique depuis le début des émeutes.

« Les premiers signes des troubles apparurent à 6h00, quand les machinistes d’un train trouvèrent des bicyclettes et des débris jetés en travers des voies de la ligne Est. Une heure plus tard un cocktail molotov enflammait le quai de gare de Tung Chung au sud de l’aéroport, sur l’île de Lantau ; un autre incendie éclatait à 33 km au nord-est, à la gare de Heng On à l’est des Nouveaux Territoires ;

A Sha Tin, 4 km au sud, des dizaines d’employés de bureau, abandonnaient leur bus bloqué sur la route ; ailleurs des manifestants couvraient de graffitis plusieurs bus à impériale et noircissaient leurs pare-brise empêchant le conducteur de continuer ; au même moment le feu prenait dans un train à la gare de Kwai Fong au nord-ouest de Kowloon ».

Peu après « le trafic était arrêté dans 24 gares de la R.A.S. » (…) « La police intervenait aux gaz lacrymogènes dans au moins 12 endroits aussi éloignés que Sai Wan Ho sur l’île de Hong Kong, Tai Po dans les Nouveaux Territoires 16 km plus au nord, Tsuen Wan, 15 km à l’Ouest. » (…)

« En plein midi, « Central » était envahi par la fumée grise des gaz lacrymogènes noyant les batailles rangées entre la police et des émeutiers habillés de noir hurlant leurs 5 revendications [2] au milieu des cris de “libérez Hong-Kong, et “C’est notre révolution“ ». (…). « Le 11 novembre toutes les 11 universités avaient fermé leurs portes. 10 d’entre elles étaient encore fermées le 12. »

A Mong Kok, 5 km au nord, de l’autre côté de Victoria Harbour, de petits groupes d’émeutiers lançaient sur les forces de l’ordre des briques et autres projectiles qui, le 12 matin jonchaient encore les rues adjacentes aux grands magasins Langham, débarrassées au canon à haut. Parmi les barricades abandonnées, quelques douzaines d’insurgés vêtus de noir et masqués, se protégeant avec un parapluie, attendaient la prochaine charge.

Deux obstinations radicales prennent en otage la R.A.S

Le 11 novembre au soir, en plein chaos, alors que 99 nouveaux blessés étaient admis à l’hôpital et que, depuis le 4 novembre 266 personnes âgées de 11 à 74 ans, ont été arrêtées, Carrie Lam, tendue à l’extrême, donnait une conférence de presse.

Après avoir condamné l’attaque inhumaine et sauvage de Leung brûlé vif à l’essence par ses agresseurs, elle a raidi son discours affirmant : « Certains s’imaginent que les violences extrêmes pousseront le gouvernement à céder aux soit-disant demandes politiques. Ils se trompent et prennent leurs désirs pour des réalités ». (…)

Elle ajouta, comme pour donner le sentiment qu’elle contrôlait une situation qui lui échappe : « La violence n’apportera aucune solution. La priorité du gouvernement est de mettre fin au chaos et de revenir à la normale aussi vite que possible ».

Elle a enfin évoqué sans les commenter, les enquêtes en cours avec le concours d’experts étrangers sur les violences policières réclamées par les manifestants dont les résultats ne pourront être rendus publics avant 6 mois. Voir la vidéo de la déclaration de Carrie Lam.

Depuis Taïwan, Tsai Ing-wen dont la remontée dans les sondages en amont de la présidentielle de janvier prochain doit beaucoup à l’entêtement de Pékin en faveur du schéma « Un pays deux systèmes » très impopulaire dans l’Île, toutes opinions confondues, a fustigé la fermeté opiniâtre et sans concession de Carrie Lam.

« Le peuple de Hong Kong est en quête de dialogue et de démocratie, et non pas de coups de bâtons et de coups de feu. J’observe avec tristesse les scènes de violence contre des manifestants sans armes. J’espère que Taïwan continuera à être un flambeau de la démocratie pour ceux qui sont en quête de liberté. »

*

Après les violences du lundi, le mardi 12 quelques milliers de manifestants habillés de noir occupaient encore « Central » et bloquaient la circulation sous les tirs de grenades lacrymogènes. A l’Université de Hong Kong au Nord-est des Nouveaux Territoires, les étudiants ont dressé des barricades ; à l’Université Polytechnique à Kowloon un incendie a éclaté. Mais globalement la force des émeutes avait diminué.

Plus encore, les violences sans aucun frein de la journée du 11 novembre ont agi comme un puissant répulsif capable de briser le large soutien dont bénéficiait le mouvement depuis l’été dernier.

S’il est vrai qu’à court terme les positions radicales du gouvernement et celles tout aussi obstinées des jeunes jusqu’au-boutistes organisés comme une force d’insurrection, sont le terreau toxique de nouvelles journées chaotiques à venir, l’atmosphère de guerre civile qu’elles nourrissent sont de nature à effrayer la majorité des Hongkongais.

Enfin, sans qu’il soit possible, en l’absence d’une enquête crédible, d’en mesurer la portée et l’influence réelles, l’idée commence à se propager que les désordres assortis de dérapages de cruauté répondant aux brutalités policières (l’ONG Human Right Watch signale que l’utilisation de munitions létales sont le clair signal d’un durcissement violent de la police), constituent une alchimie néfaste contribuant à affaiblir l’image de marque de Hong Kong séparée du Continent, pour laquelle les manifestants se battent pourtant, en même temps qu’ils disent défendre les libertés fondamentales.

*

Quel que soit l’angle de vue, Hong Kong est à un tournant de son histoire.

Si les désordres continuaient à ce niveau effrayant, destructeur de l’arrière-plan propice aux affaires, faisant en même temps surgir dans l’opinion un intense sentiment d’insécurité qui pousse les plus fortunés à fuir le Territoire, les idéaux de liberté et de démocratie dont se targuent les jeunes radicaux insurgés, pourraient ne plus peser très lourd dans l’équation de la R.A.S.

Envahi par des flots continus de Chinois du Continent (au rythme moyen de 150 par jour depuis 1997 - il est vrai freiné depuis les émeutes -), dont les sympathies ne vont pas aux manifestants qu’ils considèrent comme des enfants gâtés insultant la Nation chinoise, le paysage politique de Hong Kong change lentement mais sûrement.

Le 12 novembre, Kong Wing-Cheung, porte-parole de la police de Hong Kong mettait en garde que l’État de droit, principal marqueur de la spécificité de la R.A.S, était sur le point de s’effondrer menacé par les violences indiscriminées des émeutiers saisis par le sentiment d’impunité au nom de la défense des libertés. Dans la foulée, il annonçait que les manifestant ayant brûlé vif Leung Chi-Cheung seraient poursuivis pour tentative de meurtre.

Note(s) :

[21) Retrait du projet de loi sur l’extradition (retiré en septembre par Carrie Lam) ; 2) Commission d’enquête indépendante pour examiner les violences policières ; 3) Supprimer la désignation des manifestants en « émeutiers » (NDLR ; ce qu’ils sont pourtant) ; 4) Amnistie pour tous les manifestants arrêtés ; 5 ) Instauration du suffrage universel pour les élections législatives et pour l’élection du gouverneur.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• Vos commentaires

Par Magnant Le 17/11/2019 à 17h12

Chaos à Hong-Kong : Après un mort et un blessé grave, la situation se tend dangereusement.

Bonjour, je reste un fidèle lecteur. Même si vous êtes le plus souvent sur des positions pro occidentales et anti chinoises si courantes dans nos pays.. Vous semblez vous aussi nettement soutenir le« mouvement révolutionnaire de HK »... dommage..

Par La rédaction Le 19/11/2019 à 14h27

Chaos à Hong-Kong : Après un mort et un blessé grave, la situation se tend dangereusement.

Cher lecteur nous respectons votre critique. Elle est en ligne. Mais toute la rédaction s’inscrit en faux contre votre appréciation que le site serait « pro-occidental et antichinois ». Gardant en mémoire que l’objectivité parfaite est une utopie et que les jugements, quels qu’ils soient, portent toujours la marque de l’endroit d’où ils sont exprimés, tous les collaborateurs tiennent à préciser que Question Chine ne porte jamais d’appréciation sur les « Chinois » - ce qui d’ailleurs n’aurait pas de sens tant il existe de sensibilités et de cultures différentes au sein de la vaste population chinoise.

Nos analyses s’intéressent seulement aux situations, toujours soigneusement mises en perspective. Elles s’appliquent aussi à démêler les ressorts des orientations politiques, économiques et sociales ainsi que de politique étrangère de l’équipe en charge.

Dans ce contexte, nous constatons un durcissement perceptible au moins depuis 2012, clairement articulé à l’arrière-plan nationaliste de rejet des « valeurs occidentales » par la promotion des « caractéristiques chinoises » au 19e Congrès en octobre 2017, auxquelles le Parti a lui-même attribué une portée « universelle », par une déclaration du MAE Wang Yi affirmant que la Chine avait conquis le droit de se proposer en modèle de gouvernance aux pays en développement. QC a documenté cette évolution conceptuelle nationaliste dans un article de mars 2019. https://www.questionchine.net/wang-hunning-l-architecte-du-reve-chinois-par-theophile-sourdille-iris

Au passage et quel que soit le jugement porté sur le caractère relatif des « valeurs culturelles » en fonction de l’histoire de chacun, la « justice » est une valeur à la fois morale politique en même temps qu’une structure administrative dont on ne peut nier qu’elle est au cœur de chaque citoyen du monde. Reconnaissons, au-delà du complexe relativiste, que cet idéal utopique de « justice » est plus à la portée d’un système prônant l’indépendance des appareils judiciaires que de ceux qui ,en vertu de leur conception de l’efficacité politique, confondent les pouvoirs législatifs, économiques et judiciaires.

Enfin pour faire pièce à votre observation spéculant sur le caractère univoque du site, nous vous rappelons qu’à propos des émeutes de Hong Kong, Question Chine a été l’un des rares médias à rappeler qu’une des racines du raidissement chinois fut la somme des humiliations subies par l’empire du milieu au XIXe siècle, dont l’histoire de Hong Kong est le symbole. En même temps nous avons souligné que, dans son enthousiasme nationaliste, le régime lui-même avait reconnu en interne qu’il avait sous-estimé les frustrations provoquées par l’érosion des libertés publiques dans R.A.S depuis l’avènement de Xi Jinping.

Au demeurant, la dernière analyse de François Danjou en date du 13 novembre, objet de votre message critiquait expressément dès l’introduction, la dérive violente du mouvement des Hongkongais : « Dans ce contexte d’extrêmes dérapages, il n’est cependant pas certain que les débordements de violence soient la meilleure stratégie pour défendre la cause du territoire » et dans la conclusion : « Si les désordres continuaient à ce niveau effrayant, destructeur de l’arrière-plan propice aux affaires, faisant en même temps surgir dans l’opinion un intense sentiment d’insécurité qui pousse les plus fortunés à fuir le Territoire, les idéaux de liberté et de démocratie dont se targuent les jeunes radicaux insurgés, pourraient ne plus peser très lourd dans l’équation de la R.A.S. »

Plus généralement, et il ne s’agit pas là d’analyse ou d’appréciations subjectives, rappelons que l’histoire du Parti est marquée par des tensions récurrentes avec les territoires périphériques du Tibet et du Xinjiang. Elles s’exprimèrent contre les Han avec une brutalité meurtrière en 2008 et en 2009. On peut comme le Parti qui tente ainsi de s’exonérer de sa responsabilité, » évoquer « la main noire de Washington » .

Rappelons cependant que, plus de 20 ans avant les émeutes à Lhassa et Urumqi, Hu Yaobang, n°1 du Parti de 1982 à 1987, limogé par Deng Xiaoping, avait anticipé les risques et prôné de freiner les politiques de peuplement, ordonnant le retrait de milliers de cadres du Parti et imposant à ceux qui restaient d’apprendre le Tibétain et le Ouïghour. Il n’a pas été écouté.

Enfin, fidèle à son principe de balancer les analyses des uns, par leurs idées adverses, QC s’est, jusqu’à présent, toujours soigneusement appliqué à présenter de manière équilibrée les différentes thèses sur l’évolution de la Chine. Ainsi, quand le sinologue américain David Shambaugh avait en 2015 spéculé sur les risques de l’effondrement du Parti, Jean-Paul Yacine s’était longuement appliqué à présenter les analyses contraires de ses collègues sinologues.

https://www.questionchine.net/risques-de-crise-en-chine

• À lire dans la même rubrique

L’appareil fait l’impasse du 3e plénum. Décryptage

A Hong-Kong, l’obsession de mise au pas

Pour l’appareil, « Noël » est une fête occidentale dont la célébration est à proscrire

Décès de Li Keqiang. Disparition d’un réformateur compètent et discret, marginalisé par Xi Jinping

Xi Jinping, l’APL et la trace rémanente des « Immortels » du Parti