›› Editorial
Persistance des différends.

Depuis 2015 les ventes d’Apple ont fortement reculé en Chine, Hong-Kong et Taïwan. Au 2e trimestre 2017 elles ont encore décliné alors que partout ailleurs en Asie elles ont augmenté de 20%. En cause la concurrence des modèles chinois comme Xiaomi dont une partie de la technologie est copiée sur Apple. En Chine même, Apple subit les harcèlements du pouvoir qui a fermé son application de services de livres i.books et de disques i.tunes. Début juillet, le groupe à la pomme a annoncé qu’il allait ouvrir un centre de stockage des données à Guiyang (Guizhou) pour se conformer aux nouvelles règles du commerce digital en Chine imposant de stocker les données en Chine.
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D’autres contentieux subsistent tels que les subsides accordés par l’État chinois à ses grands groupes, la censure des sociétés Internet américaines et les litiges à propos des vols de technologies sensibles, fonds tableau des difficultés des groupes high-tech américains sur le marché chinois où les champions mondiaux des nouvelles technologies sont l’objet d’incessants harcèlements à travers la loi sur la sécurité intérieure mise en œuvre le 1er juin.
Au cœur des discordes, deux réalités : 1) Les tendances du pouvoir chinois qui, s’appuyant sur des règles imprécises, tente d’imposer aux groupes étrangers dont certains résistent, le viol du principe de confidentialité des données ; 2) Les réactions chinoises contre la prévalence des sociétés comme Qualcomm ou Intel harcelées par le biais des lois anti-trust dans le but de les obliger à réduire leur « royalties » et à partager leur technologies [1].
Le 22 juillet le New-York Times publiait un long article sur l’embargo imposé en Chine à Facebook, LinkedIn, Twitter, Google et Snapchat, tandis que le géant Apple bataillait à coup de milliards d’investissements pour se mettre aux normes chinoises. De fil en aiguille le raisonnement conduisait aux appréciations sur les difficultés des affaires en Chine, l’absence de réciprocité, l’imprécision des règles et leur utilisation pour obliger les groupes étrangers à partager leurs technologies. Lire notre article Uber en Chine. Réflexions sur la concurrence, la jurisprudence, le droit et les « caractéristiques chinoises ».
S’il est vrai que, sous la pression des États-Unis et de l’Europe dont l’engouement pour le marché chinois faiblit, la Chine a progressivement abandonné quelques pratiques heurtant les lois du marché, l’attitude générale du pouvoir et de la Commission de Réforme et Développement continue d’exprimer une stratégie économique fortement nationaliste visant à protéger ses entreprises contre la concurrence étrangère. Son arme principale est l’adaptation du droit à sa vision politico-culturelle d’une « spécificité chinoise », non soluble dans des principes juridiques « universels ».
A ce sujet, même si nombre de secteurs se sont progressivement ouverts [2] peu de choses ont changé depuis 2010 et l’article rédigé pour QC par Paul Ranjard, expert des affaires en Chine. Cet arrière plan fonde la base des méfiances américaines.
Défiances chinoises.

En dépit d’une balance commerciale très favorable, les Chinois se plaignent d’être victimes de discrimination aux États-Unis.
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La défiance et les soupçons sont au demeurant partagés par Pékin. Estimant que les groupes chinois sont victimes de discriminations dans l’accès au marché américain, le régime chinois a rendu compte du dialogue avec une prudence qui en dit long sur les contentieux. Le 22 juillet, reconnaissant que « beaucoup de questions avaient été résolues par le dialogue », Xinhua soulignait cependant les problèmes de l’accord sur les investissements, ceux des droits de propriété et des taxes imposées aux produits chinois à leur arrivée aux États-Unis.
Laissant entendre que nombre de chantiers restaient en suspens, les articles de l’agence chinoise focalisaient plus sur les efforts à faire que sur les résultats concrets du dialogue.
Au cœur des problèmes qui fondèrent l’absence de communiqué commun, la surproduction d’acier, le « dumping » industriel, les exportations chinoises d’acier par des pays tiers comme la Corée du sud, les exigences de Pékin imposant de domicilier en Chine les sociétés d’Internet étrangères, la censure, la manipulation des lois sur les monopoles et la fermeture en Chine du marché des assurances.
Note(s) :
[1] Les compagnies américaines high-tech subissent des pressions de la censure et d’incessantes injonctions pour violer la confidentialité des données. Récemment « WhatsApp app » une des dernières applications de Facebook encore disponible en Chine a été bloquée par le pouvoir. Une autre raison des difficultés des groupes américains des NTI est leur monopole technologique.
Grâce aux royalties, (5% sur chaque portable vendu) les revenus en Chine du groupe Qualcomm par exemple atteignent près de 15 Mds de $ par an dans un contexte où les grands de l’électronique chinoise comme Huawei, Lenovo ou ZTE sont ses clients obligés. L’arrivée de la 4G a encore augmenté les bénéfices du groupe américain.
[2] Dans un marché financier chinois comptant au total 39 banques étrangères ayant ouvert 1031 agences et filiales, toutes les grandes banques américaines, canadiennes, néo-zélandaises ou européennes - au total 14 banques ayant ouvert 92 agences - ont accès au marché chinois avec cependant un nombre d’agences limitées et des résultats d’exploitation encore décevants, Parmi elles, BNP Parisbas – 5 agences -, la Société Générale – 7 agences -, et le Crédit Agricole – 6 agences -.
Les performances restent décevantes, essentiellement du fait des restrictions imposées par le gouvernement chinois visant à freiner leur expansion. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2007 les banques étrangères totalisaient 2,4% des actifs bancaires avec 52 000 Mds de Yuan (6600 Mds d’€). En 2017, cette proportion s’est réduite à 1,4% avec 200 000 Mds de Yuan 25 000 Mds d’€). En mars dernier, prenant conscience de ce déséquilibre, la Commission de régulation bancaire a relâché quelques unes des restrictions touchant aux émissions d’obligations.