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A Taïwan, la réactivité du pouvoir a été exemplaire pour protéger l’Île de l’épidémie née sur le Continent à Wuhan en novembre 2019. La photo, publiée par Asialyst (Crédit : Chen Jun-yun, Military News Agency, libre de droits), montre des personnels du 33e régiment de défense bactériologique et chimique de l’armée de terre, en mission de formation.
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Après un mois de négociations avec les autorités chinoises, Taïwan a, il y a 10 jours, procédé à la dernière vague d’évacuation de 1000 de ses ressortissants bloqués au Hubei. La manœuvre a été compliquée par les tensions politiques et la défiance réciproque qui, depuis la mandature de Tsai Ing-wen élue une première fois en 2016 et récemment réélue plombent les relations dans le Détroit.
Selon des sources taïwanaises, fin janvier, alors que l’évacuation des ressortissants étrangers avait déjà commencé au milieu des réticences de Pékin qui vivait l’épisode comme une mise en doute de sa capacité à maîtriser l’épidémie, la direction chinoise ne répondit d’abord pas répondu aux requêtes de Taipei.
Controverses sino-taïwanaises.

Le 10 mars un 2e charter de China Airlines quittait l’aéroport de Taoyuan vers Wuhan pour ramener plus de 200 Taïwanais. A bord 4 médecins et 9 infirmiers.
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Le 30 janvier, lors d’une conférence de presse à Taipei, Chiu Chui-cheng (邱垂 正), n°2 du Conseil pour les Affaires continentales, déclarait qu’en l’absence d’une réponse de Pékin, il avait commencé à rechercher l’aide d’associations d’entreprises taïwanaises.
Mais quelques jours plus tard, le 3 février, 247 Taïwanais furent évacués par un vol affrété par China Eastern Airlines. Peu après, Pékin et Taipei se renvoyèrent la balle, la Chine suggérant une évacuation par vols groupés de 979 autres Taïwanais, que le gouvernement de Tsai Ing-wen refusa faute d’une capacité suffisante de confinement à l’arrivée. Dans la foulée les autorités taïwanaises accusèrent Pékin de refuser le tri des malades et des personnes âgées à évacuer en priorité.
Au milieu de ces tracasseries, plombées par des arrière-pensées politiques, une bonne nouvelle : le 24 février un jeune garçon taïwanais souffrant d’hémophilie et sa mère sont rentrés à Taipei depuis Chengdu par un vol d’Eva Air. Taïpei a été autorisée à envoyer une infirmière pour les accompagner pendant le vol, tandis que la compagnie aérienne leur fournissait un équipement de protection.
Deux semaines plus tard, Taiwan ayant augmenté ses capacités de mise en quarantaine autorisait l’évacuation de 361 de ses ressortissants supplémentaires, arrivés dans l’Île par des vols de China Eastern et China Airlines les 12 et 13 mars derniers. Mais la polémique a continué sur le thème de la confiance.
Quand Pékin proposa de renvoyer à Taïwan, tous les ressortissants de l’Île testés négatifs, le gouvernement de Tsai a préféré surseoir prétextant la sécurité sanitaire. Offusqué Pékin accusa Taipei de douter de l’efficacité des tests chinois.
Pour ne rien arranger, au Hubei, un représentant du Bureau chinois des Affaires taïwanaises se plaignit que Taïwan empêchait le retour de 1169 taïwanais. En riposte, le 13 mars, sur Facebook, Tsai Ing-wen déclarait que son administration ne prenait aucune décision en fonction de critères politiques, mais uniquement sanitaires. « Les évacuations doivent être organisées sur la base de la prévention d’abord, en donnant la priorité aux personnes vulnérables ».
De cette séquence aigre-douce, on retiendra l’extrême sensibilité des autorités de l’Île à la nécessité d’une prévention rigoureuse. En arrière-plan peut-être y avait-il des reproches voilés faisant référence aux cafouillages politiques chinois au démarrage de l’épidémie à Wuhan en novembre dernier.
Efficacité des réactions taïwanaises.

Le 13 mars, le New-York Times publiait un article intitulé : « Ils ont contenu le Coronavirus. Voici comment ». L’analyse expliquait comment l’épidémie avait été contrôlée à Taïwan, Hong-Kong et Singapour, sans recourir aux mesures draconiennes chinoises : mesures prises rapidement, dès le début janvier ; contrôles serrés aux frontières, y compris par des équipes montées à bord avions venant de Wuhan ; fermeture des vols avec la Chine début février ; traçage détaillés des malades et de leurs contacts ; quarantaine stricte pour les malades et les contaminés.
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Dans l’île, 4 mois après la détection des premiers cas en Chine, la rigueur préventive semble avoir porté ses fruits. En dépit de la forte densité de population de 649 hab/km2 (5 fois plus élevée qu’en France), au 23 mars, le bilan était de 195 cas (+26 en 24 heures) et seulement 2 décès. Ce qui, rapporté à la population, classe l’Île parmi les régions de la planète les moins touchées.
Le défi n’est pas terminé. Taipei est maintenant confronté à la 2e phase de son combat consistant à maîtriser les effets contagieux du retour des Taïwanais résidant à l’étranger. De fait, en une semaine la vague de retour a brutalement triplé le nombre de contaminés, sans cependant augmenter le nombre de décès.
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Le 21 mars, dans Asialyst, Jean-Yves Heurtebise proposait une analyse de la réaction taïwanaise à l’épidémie qu’il comparait à celle très laxiste de la France, calquée sur les recommandations de l’OMS et de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI). Constatant que les deux ont initialement été trop rassurantes, il les accuse d’avoir mesuré leurs alertes, pour ne pas indisposer Pékin.
Sans ignorer l’avantage protecteur du caractère insulaire, Heurtebise notait, par contraste avec la gestion française de la crise, la chronologie rapide des réactions favorisée par la présence sur le Continent de Taïwanais, formant un réseau de renseignement et d’alerte. Dès le 31 décembre, à Taipei, parvenait l’information qu’à Wuhan se développait une pneumonie d’origine inconnue.
Immédiatement, les autorités de l’Île renforcèrent les contrôles aux frontières pour les Chinois venant de Wuhan. Le 23 janvier, à l’annonce du confinement par Pékin, Taipei annulait tous les vols en provenance du Hubei et de Wuhan. Le 5 février toutes les arrivées de non-Taïwanais en provenance de Chine, Hong-Kong et Macao étaient bloquées.
Pendant ce temps aucune mesure n’était prise en France pour filtrer les voyageurs venant de Chine. Alors que dès le confinement du Hubei, le 23 janvier tous les Français se rendant en Chine étaient contrôlés. S’il est vrai que la contagion peut se propager par des porteurs asymptomatiques non détectables, un contrôle aux aéroports français aurait tout de même pu déceler les cas déjà déclarés.
Doutes sur la neutralité de l’OMS et de l’OACI

Avec le Directeur Général de l’OMS, l’Ethiopien Tedros A. Ghebreyesus, la Chinoise Fang Liu se sont prononcés début février contre la restriction des vols aériens, alors même que la virulence de l’épidémie augmentait en Chine.
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La vérité, écrit Heurtebise, est que les autorités sanitaires françaises « se sont mises au diapason de l’OMS et de l’OACI, dont l’impartialité est douteuse. »
Le Directeur général de l’OMS Tedros A. Ghebreyesus, originaire d’Ethiopie « porte d’entrée des Nouvelles routes de la soie chinoises en Afrique », assurait le 3 février,10 jours après le durcissement des mesures chinoises que « les restrictions de vols étaient inutiles ».
De même, 8 jours plus tard, la Chinoise Fang Liu, Directrice de l’OACI recommandait d’assouplir les restrictions de vol alors que les compagnies américaines venaient de suspendre leurs vols vers la Chine.
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A Taïwan, en revanche, à rebours des apaisements à contretemps des 2 grandes organisations mondiales, le fait est que l’instauration très tôt des contrôles à l’entrée dans l’Île où, en dépit des protestations chinoises, l’épidémie est désignée selon son origine « pneumonie de Wuhan 武漢 肺炎 » a produit des résultats.
A cette réactivité du dispositif de contrôle, il faut ajouter que le vice-président Chen Chien-jen, épidémiologiste de formation a œuvré pour mettre en place un très efficace suivi individuel des patients dès leur arrivée, avec cartographie précise de leurs déplacements et contacts, assorti de fortes amendes pouvant aller jusqu’à 30 000 € en cas d’infraction aux règles de confinement.