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›› Politique intérieure

Condamnation à la prison à vie d’un intellectuel ouïghour

Le Parti face à ses défis sécuritaires, politiques et culturels.

Photo : L’ethnie Ouïghour, turcophone et musulmane possède un fort particularisme culturel.

La violence de la sentence et la fureur exprimée par Xinhua sont homothétiques de la crainte existentielle éprouvée par le régime face à la menace du terrorisme suicide attisée par le radicalisme mystique, culturellement difficile à comprendre pour cette civilisation peu portée à l’absolutisme religieux. Sans revenir sur les causes socio-économiques et culturelles des troubles au Xinjiang, il faut reconnaître que la question ouïghour se trouve à la croisée de plusieurs défis très complexes pour le Régime.

A la menace terroriste qui n’a cessé d’enfler depuis 2011, attisée par la proximité de l’Afghanistan, des zones tribales pakistanaises où l’armée d’Islamabad joue un jeu trouble, jouxtant l’Asie Centrale traversée par les transes religieuses radicales et les trafics d’opium qui nourrissent la mouvance terroriste globale dont l’épicentre, 2600 km plus à l’ouest sur l’antique route de la Soie, est plus proche que Pékin, s’ajoute le défi de l’unité du pays, obsession politique ancestrale des régimes chinois quels qu’ils soient depuis l’empereur Qin, il y a plus de 22 siècles.

L’aversion du Parti à l’égard des étalages publics

Plus prosaïquement la brutalité de la sentence exprime aussi l’aversion de plus en plus forte du régime pour les intellectuels qui n’hésitent pas à mettre sur la place publique internationale les contradictions dans lesquelles le Parti se débat, estimant que la publicité qu’on leur fait affaiblit gravement sa légitimité.

Arrêté le 7 janvier 2014 avec 7 de ses étudiants avec lesquels il abordait les questions sociales, religieuses et culturelles du Xinjiang par un discours que les autorités considèrent comme une justification aux activités séparatistes des Ouïghours, Ilham Tohti est peut-être, aux yeux du Parti, surtout coupable d’avoir crée un blog consultable hors de Chine où il remettait en question la politique chinoise au Xinjiang. Il y décrivait notamment les méthodes brutales de la police depuis la nomination en 2010 de Zhang Chunxian au poste de secrétaire du Parti de la province.

Plus encore, véritable chiffon rouge pour les autorités chinoises, dans une interview à Voice of America (VOA), radio subventionnée par la Maison Blanche, il expliquait qu’une grande partie des tensions au Xinjiang venait des attitudes de la police et des milices qui investissaient les domiciles des Ouïghours, leur demandant de raser leurs barbes, d’ôter leur turban et de faire disparaître les symboles religieux ou même les tapis de prière.

L’État chinois face à la remise en cause de l’assimilation culturelle.

Enfin - et cette problématique n’est au fond pas si éloignée de celle à laquelle sont confrontés les hommes politiques Français hostiles au multiculturalisme -, le discours sur l’autonomie culturelle du professeur Tohti pose un défi majeur à l’idéal d’assimilation où, quoi qu’il en dise, le but du régime est d’imprimer à toute la population la marque culturelle de la civilisation Han.

Cet arrière plan qui s’ajoute au souvenir des émeutes d’Urumqi en 2009, quand les Ouïghours en colère s’en étaient pris avec une rare violence aux ressortissants Han, pourrait expliquer que, systématiquement, la justice chinoise juge plus sévèrement les affaires impliquant la population turcophone du Xinjiang.

Compte tenu de l’accumulation des défis politiques, culturels, religieux et sécuritaires, à quoi s’ajoute celui du rapport entre le pouvoir, les Han et les autres minorités, la situation au Xinjiang renvoie à la conception même de l’État nation, dans un monde tiraillé par les tendances contraires de particularismes culturels, de la globalisation trans-frontières et de la pérennité des unités nationales.


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