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Contrôle des religions. Islam en Chine et troubles au Xinjiang

Le 1er octobre 2015, le président Xi Jinping recevait à Pékin les Musulmans des provinces de Mongolie intérieure, du Guangxi, du Tibet, du Ningxia et du Xinjiang.

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Durant le week-end du 25 avril, le président Xi Jinping a, lors d’une conférence sur les religions, réaffirmé la vieille obligation des groupes religieux de se soumettre au contrôle politique du Parti, ajoutant aussi qu’il était exclu que la religion puisse interférer dans les affaires politiques, l’administration, la justice ou l’éducation publique. L’injonction qui renvoyait à la crainte du retour du sentiment religieux en Chine dont on sait qu’il véhicule presque toujours une contestation des ordres politiques autoritaires, était accompagnée de deux promesses : celle de garantir la liberté religieuse et celle d’aider à « l’adaptation des pratiques au socialisme ».

Le rappel du n°1 du Parti n’est pas une rupture avec la politique de relative tolérance instaurée par Deng Xiaoping après les délires de persécutions de la Révolution culturelle. Elle reste dans la très ancienne tradition politique chinoise de contrôle attentif que l’autorité centrale exerce depuis ses origines sur tous les groupes pouvant menacer le pouvoir et la stabilité sociale. Réputée agnostique, la tradition politique chinoise n’a de surcroît jamais accordé, comme c’est le cas ailleurs, en Occident, en Russie ou au Moyen Orient, la prévalence à un culte religieux sur un autre.

Même si, culturellement et statistiquement, la religion qui prévaut est celle des ancêtres et des Dieux syncrétiques, d’essence générale polythéiste où se croisent le Taoïsme, le Bouddhisme et le Confucianisme, regroupant de manière très peu structurée la proportion très difficile à vérifier de 80% de fidèles Chinois.

Pour autant, le rappel présidentiel doit être mis en perspective avec le resserrement politique en cours depuis l’avènement en 2012 de la 5e génération de dirigeants chinois dits des « fils de princes », héritiers des compagnons de Mao, dont la vigilance s’exerce contre les « influences extérieures » auxquelles le Parti attribue la capacité de déstabiliser le régime par la contestation de son magistère [1].

Dans ce contexte, la religion éloignant les fidèles du matérialisme athée prôné par le Parti qui interdit à ses membres d’afficher un pratique religieuse sous peine d’exclusion [2], est d’autant plus considérée comme un risque, que la renaissance de la foi en Chine est un phénomène avéré depuis plus de trente ans, même si le nombre des fidèles est, la plupart du temps, peu précis.

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Publiée en juin 2015, une étude du Council on Foreign Relations (CFR) effectuée par Eleanor Albert (Sciences Po Paris, Université de Fudan), signale depuis la fin des années 60 une hausse rapide des pratiques religieuses pour la religion syncrétique (passée de 200 millions à plus de 400 millions en 2015), pour les Bouddhistes (de 60 millions à 200 millions) et les Chrétiens estimés à plus de 100 millions en 2015 alors qu’en 1970, leur nombre était négligeable. Le nombre des Taoïstes (quelques millions) et des Musulmans (20 millions) étant, selon cette étude, en revanche resté stable.

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Après ce rappel général, et compte tenu de l’enchevêtrement des tensions sécuritaires, politiques et géostratégiques à l’œuvre autour de la question du Xinjiang, la suite de cette note concentre l’analyse sur la relation de la Chine avec l’Islam, probable objet du rappel de Xi Jinping, dans le contexte d’une aggravation de la menace terroriste dans l’ancien Turkestan oriental où se croisent les revendications identitaires, l’influence « salafiste » radicale venue d’Afghanistan et du Moyen Orient en feu, à quoi s’ajoutent les frustrations ethniques et sociales d’une population qui se sent laissée pour compte et parfois violemment réprimée, alchimie explosive des bascules religieuses extrémistes.

Note(s) :

[1Après maints rappels à l’ordre à l’Université, aux historiens et aux médias y compris à Hong Kong, destinées à mettre en garde contre les influences étrangères, le dernier resserrement en date est la loi votée le 28 avril par l’ANP qui donne à la police de vastes pouvoirs pour museler les ONG étrangères, désormais privées du droit de collecter des fonds ou de recruter leurs personnels en Chine.

Des dispositions du texte stipulent que la police mettra fin au droit d’exercer en Chine à toute association soupçonnée de séparatisme ou de subversion de l’État. Commentant la loi qui entrera en vigueur en janvier prochain, Zhang Yong, membre de l’ANP cité par l’AFP a accusé certaines ONG étrangères de « menacer par leurs actions la stabilité de la société et la sécurité nationale ». La plupart des juristes considèrent que la loi cible les associations caritatives y compris celles basées à Hong Kong et Taïwan et associations commerciales étrangères - peut-être les chambres de commerce, quand elles prennent des positions trop critiques.

[2Régulièrement le Parti rappelle ses membres à la stricte observance de l’athéisme. En novembre 2014, la Commission de discipline du Comité Central mettait en garde les cadres locaux contre leur tendance à participer à des activités religieuses. En janvier 2015, 15 fonctionnaires en poste au Tibet furent mis en examen pour violation de la discipline du Parti et accusés d’apporter leur soutien au Dalai Lama.

Le même mois, le Parti menaçait les cadres du Zhejiang soupçonnés d’obédience chrétienne, dans un contexte où de nombreux témoignages font état du harcèlement politique dont sont l’objet les fidèles de cette région. Lire notre article Le Pape François en Corée. Retour sur les relations entre le Vatican et la Chine. Au Xinjiang, le Parti interdit aujourd’hui aux fonctionnaires Ouïghour de religion musulmane de participer au ramadan.


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