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›› Société

Crise morale, crise de confiance et frustrations

Recrudescence des actes de violence et des attaques au couteau.

En juin, à Xiamen un homme mécontent du faible niveau de sa pension s’est suicidé en mettant le feu à un bus tuant 47 personnes mortes dans l’incendie. Le 20 juillet un handicapé en chaise roulante faisait exploser un engin de fortune à l’aéroport de Pékin sans faire de victime. Le 22 juillet un homme de 50 ans armé d’un couteau qu’il venait d’acheter tue un client et blessa trois autres dans un supermarché Carrefour du district de Xicheng à Pékin. Le lendemain, toujours à Pékin, dans le district de Daxing un des deux hommes qui se querellaient avec une femme s’empare de son enfant de 2 ans et le tue en le projetant contre le sol.

Le même jour à Dongxing dans le Guangxi, un homme armé d’un couteau fait irruption dans un bureau du planning familial, tue 2 fonctionnaires et en blesse 4 autres, après qu’on lui ait refusé l’enregistrement de son 4e enfant parce qu’il refusait de payer l’amende qui sanctionne le non respect de la politique de l’enfant unique.

Le 27 juillet dans le Henan un commerçant assassine trois membres d’une même famille après que sa mère ait eu une querelle avec eux puis se précipite en ville pour poignarder un chauffeur et la propriétaire d’un magasin de meubles concurrent. Le 29 juillet à Shenzhen un homme de 41 ans vole un couteau à un étal au bord d’une rue et parvient à tuer trois passants et à en blesser trois autres avant l’intervention de la police.

Ces incidents ne sont ni nouveaux ni isolés. Déjà en mars 2010 à Nanping dans le Fujian un homme de 41 ans avait assassiné 8 enfants dans une école. Condamné à mort après un bref procès, Il fut exécuté un mois plus tard. A Leizhou, dans la province de Canton, presqu’en même temps que la mise à mort du forcené de Nanping, un autre enragé, lui-même enseignant en congé pour désordres mentaux, blessait au couteau 16 élèves et un professeur. L’attaque survint au milieu d’une série d’incidents du même type où, en seulement deux mois dans toute la Chine, 17 personnes dont 15 enfants furent tués et plus de 80 autres blessés par 4 personnes dont 2 se suicidèrent.

Les agressions au couteau continuèrent durant toute l’année 2010 et en 2011. Leur bilan s’éleva au moins à une vingtaine de tués et près d’une centaine blessés. En décembre 2012, au Henan, dans une école primaire du village de Chengpeng un homme d’une trentaine d’années poignarda une femme et 23 élèves âgés de 6 à 11 ans. L’agression où aucune des victimes ne succomba à ses blessures provoqua cependant une vive émotion relayée par les médias et les réseaux internet et entraîna la mise sous surveillance policière des écoles dans toute la Chine.

Les réactions officielles promptes à nier les tensions sociales qui traversent les pays rejettent la responsabilité sur des déséquilibrés commettant des actes irresponsables. Mai Ai psychiatre à l’Université de Droit et de Sciences Politiques de Pékin, cité par le Washington Post du 31 juillet, reconnaissait que le traitement des affections mentales avait longtemps été négligé, mais il pointait aussi du doigt les frustrations provoquées par l’insuffisance des réformes sociales engagées par le nouveau pouvoir.

Le défi des mutations. Conflits, frustrations et crises morales.

Le 29 juillet un éditorial du Beijing Time soulignait les mutations qui secouent la Chine à l’origine d’une longue série de doléances et de conflits, appelant à la fois les citoyens et le pouvoir à respecter l’état de Droit. A intervalles réguliers les incidents sociaux relancent un vieux débat sur la crise morale de la société chinoise Le 28 juin 2011, le « Guoji xianqu daobao 国际先驱 précurseur international », créé en juin 2002 sous le patronage du « Cankao Xiaoxi, 参考消息 longtemps réservé aux cadres du Parti, publiait un article, repris dans Courrier International, sur le thème des références morales délabrées.

Citant une série d’affaires cruelles qui reflétaient tour à tour la violence filiale – un fils tuant sa mère pour un différend sur les frais de scolarité – ou le violent mépris des nouveaux riches pour les paysans déshérités – meurtre sauvage par 8 coups de couteaux d’une jeune paysanne par un étudiant de 21 ans qui l’avait d’abord renversée en voiture, condamné à mort et exécuté 9 mois plus tard – l’auteur dénonçait l’affaiblissement des principes moraux et « le piétinement sans fin des lois », appelant la société à une « profonde réflexion » sur « les bornes à ne pas dépasser. »

Suivait un très long réquisitoire sur la chute des repères moraux dans tous les secteurs professionnels, la banalité de la violence, l’inconfort d’une société devenue « invivable » et la dérive morale des administrations et de leurs agents.

Les dirigeants du Parti et Xi Jinping qui appellent à la renaissance de la nation chinoise ont bien conscience de ces dérapages et des risques qu’ils véhiculent pour le Parti, dont l’affaire Bo Xilai avait donné un exemple désastreux en 2012.

La lutte contre la corruption bat son plein sous les auspices de Wang Qishan. Le Président vient d’admonester les cadres du parti et de l’armée les exhortant à honnêteté et à la frugalité. Il n’est cependant pas certain que ces sermons aussi virulents soient-ils parviennent à restaurer la confiance et l’harmonie dans les relations sociales mises à mal non seulement par les tendances au quadrillage policier et la censure, mais également par l’arbitraire, les frustrations d’une société inégalitaire et la force des mutations urbaines et sociales en cours.


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