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En Grèce et au Brésil, Pékin donne le ton

Désunion européenne et difficile riposte de Bruxelles.

La connivence navale entre la Grèce et la Chine ne date pas d’hier. Depuis l’instauration dans les années 60 par Athènes d’une très avantageuse taxe forfaitaire sur les navires immatriculés en Grèce, les bâtiments naviguant sous pavillon grec dominent les flottes mondiales devant le Japon et la Chine.

Échange de bon procédés, les armateurs chinois affrètent des navires à leurs collègues grecs et ces derniers, bénéficiant de prêts chinois, commandent des pétroliers aux chantiers navals de Shanghai ou Dalian.

Preuve s’il en fallait d’une vision globale centrée sur les intérêts chinois, COSCO a négocié avec Hewlett Packard le déménagement au Pirée de son centre logistique depuis Rotterdam, en lui faisant valoir les accès directs aux pays d’Europe Centrale et Orientale desservis par voie ferrée depuis la Grèce.

Acheminant vers l’arrière-cour de l’UE, à la fois les produits chinois débarqués au Pirée, les ordinateurs HP et les composants du même HP destinées à la filiale d’assemblage taïwanaise de Foxconn installée en République tchèque, la liaison ferroviaire, devient un cordon ombilical des « nouvelles routes de la soie » dont l’activité est amplifiée par le nouveau trafic maritime initié par COSCO.

Ce n’est pas tout. Devenue, dans le sillage des « nouvelles routes de la soie » une destination des vols directs depuis la Chine (Jinan, Shanghai, Pékin) des compagnies aériennes chinoises, Athènes accueille chaque année plus de 200 000 touristes chinois, ouvrant la voie à des projets de voyages touristiques – Grèce antique + croisière – à destination de la classe moyenne.

Le succès a réveillé les finances européennes. Le 13 novembre dernier, la Banque Européenne d’Investissement a annoncé, en coopération avec COSCO, un prêt de 140 millions d’€ pour l’expansion du port du Pirée. Il a également ravivé les craintes de la puissance invasive de la Chine.

Dans un rapport de l’European Council on Foreign Relations, publié le 1er décembre 2017, « China at the gates » François Godement & Abigaël Vasselier mettaient en garde contre les stratégies chinoises de contournement de l’UE par l’Europe Centrale, articulées au format de partenariat « 16 + 1 » avec 16 pays d’Europe Centrale.

Tirant objectivement profit des tensions entre l’UE et certains États à propos du respect des « critères de convergence », Pékin avance ses intérêts au risque, disait le rapport, de créer une scission dans la solidarité stratégique de l’UE.

Impossible cohésion stratégique européenne.

La manœuvre a réussi puisque les réticences des PECO bénéficiant des coopérations et des prêts chinois avaient déjà obligé Bruxelles à tempérer ses jugements critiques de la Chine après le rejet par Pékin du Jugement de la Cour Arbitrale de La Haye du 12 juillet 2016 sur les questions de souveraineté en mer de Chine du sud. Lire : L’offensive chinoise en Europe.

Un an plus tard, en 2017, lors de la 35e session des droits de l’homme à Genève, Athènes avait fait barrage à une déclaration de Bruxelles critiquant Pékin. Les incidences qui sont désormais prises au sérieux par l’UE, renvoient à une des remarques alarmantes du rapport du CFR.

« Ce ne sont pas seulement “les Chinois“ qui se sont rapprochés. C’est la Chine, et celle-ci n’est pas seulement une société ou une culture, mais aussi un État-parti, le plus grand survivant des dictatures léninistes, la deuxième puissance économique et militaire au monde. »

En dépit de ces critiques publiquement exprimées que les dirigeants chinois rejettent, Li Keqiang en tête qui, à chaque sommet Chine – Europe (le dernier a eu lieu le 10 avril à Bruxelles), dément une stratégie de contournement, Xi Jinping persiste et signe. Lors de sa visite à Athènes, la Grèce est en effet devenue le 17e pays européen d’un schéma de relations particulières de Pékin avec une partie des États-membres [3]. Anciennement appelé 16 +1, il est devenu le « schéma 17 +1. »

Le dernier sommet, 8e rencontre du genre, a eu lieu à Dubrovnik en Croatie, en avril dernier. Balayant une fois de plus les critiques, Li Keqiang a ouvert le sommet en inaugurant le pont de Peljesac sur l’Adriatique (40 km au nord-ouest de Dubrovnik), financé par l’UE et construit par les groupes de travaux publics chinois. Pour lui, le projet est un modèle à la fois pour le schéma 16 + 1 et pour la coopération entre la Chine et Bruxelles.

En février dernier, le rapport final de la Conférence annuelle de sécurité de Munich avait par avance tempéré cet enthousiasme : « La Chine pourrait utiliser son poids économique à des fins politiques et les projets chinois ne sont pas nécessairement conformes aux normes européennes en matière de durabilité et de transparence ». (…) « L’influence économique chinoise comporte des risques pour la région, notamment en matière de dette, car une grande partie de l’investissement se présente sous forme de prêts. »

Des exemples cités par François d’Alençon dans Le Monde du 10 avril : « La Chine détient détient 39% de la dette extérieure du Monténégro depuis que ce pays a accepté un prêt de 809 millions d’euros pour la construction d’un premier tronçon d’autoroute vers la Serbie. Lire QC : 20e sommet Chine – Europe à Pékin. La marginalisation de l’Union.

20% de la dette extérieure de la Macédoine provient d’emprunts contractés auprès de Pékin. La Bosnie-Herzégovine a récemment approuvé un prêt de plus de 600 millions d’euros de la banque publique chinoise spécialisée dans le commerce extérieur pour financer la construction par trois entreprises chinoises d’une centrale à charbon à Tuzla.

Depuis un an Bruxelles a tenté de réagir en mettant en place un plan en dix points, qui devrait permettre de passer au crible les investissements dans les secteurs stratégiques et de protéger l’UE face aux risques posés par le développement de la 5.G par le groupe Huawei. Mais avec 19 pays sur 27 désormais sensibles aux sirènes et à la réactivité chinoise, les contrefeux seront compliqués.

Note(s) :

[3Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République Tchèque, Slovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Slovénie, Croatie, Serbie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Albanie et Macédoine. + la Grèce.


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