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›› Taiwan

Eric Chu et Xi Jinping : grandes manœuvres électorales

Les contradictions existentielles du parti indépendantiste.

Après la désignation de Tsai Ing-wen comme candidate du DPP, le 15 avril dernier, Ma Xiaoguang porte parole du Bureau des Affaires taïwanaises à Pékin a mis en garde le parti indépendantiste en lui demandant de tirer les leçons des mandats de Chen Shuibian qui avait provoqué de fortes tensions dans le Détroit. « Si le Parti maintient son programme séparatiste, il sera difficile de développer les relations dans le Détroit » a t-il déclaré.

Le DPP fait toujours face à la contradiction lourde de devoir, en amont des élections, prouver sa capacité à développer des relations apaisées avec le parti communiste et le Continent tout en ne reconnaissant pas le « principe d’une seule Chine ». La quadrature du cercle a été vertement rappelée par Pékin lors de la présence en Chine de Chao Tien-lin, membre indépendantiste de la fondation pour les échanges dans le Détroit. Elle s’est également manifestée à Taïwan par le truchement des débats internes au parti rapportés par la presse de l’Île.

Ripostant aux accusations pré-électorales du KMT selon lesquelles le DPP n’avait pas la capacité d’établir des relations apaisée avec le Continent, la direction politique du mouvement indépendantiste a fustigé la tendance du parti nationaliste à prendre en otage les relations avec Pékin.

Pour autant, en soulignant que les contacts inter-Détroit ne devraient pas être pilotées par des relations entre le KMT et le parti communiste chinois, mais exclusivement par les instances gouvernementales, le DDP révèle son principal handicap par rapport au parti nationaliste : alors que les relations formelles et informelles s’accélèrent, il reste incapable de traiter avec le cœur du régime chinois.

Questionnements et réaffirmation du statut séparé de l’Île.

La profondeur des remises en cause internes au Parti s’est exprimée quand trois semaines avant le voyage de Chu à Pékin, l’ancien président du DPP (1996 à 1998) Hsu Hsin-liang (74 ans) a déclaré le 8 avril que le mouvement pourrait envisager la réunification, tandis que l’indépendance n’était pas le cœur de la plateforme politique du Parti.

La remarque a déclenché une avalanche de critiques dont celle de Xie Chang Ting, 謝 長 廷 (Frank Xie) qui fut le candidat malheureux du parti aux présidentielles de 2008. Pour lui, l’indépendance était actuellement la meilleure manière de définir le statut de l’Île et il était important que les choses en restent là.

Une semaine plus tard, Hung Chi-chang, ancien président de la Fondation pour les échanges dans le Détroit rappelait que, pour le DPP, les relations avec le Continent étaient celle d’un pays souverain et indépendant dont le nom constitutionnel était la « République de Chine ». Une prise de position qui ne facilitera pas l’apaisement des relations du Parti avec Pékin.

Enfin, d’une analyse des perspectives des prochaines présidentielles effectuée en janvier dernier par le « Taiwan Brain Trust » (TBT) centre de recherche fondé en 2010, proche de l’alliance des verts, il ressort que la victoire du DPP aux élections locales de novembre était d’abord due à l’effondrement de la confiance populaire envers le KMT. En même temps, l’audience du parti indépendantiste semble dépasser les limites de son électorat traditionnel.

Perspectives électorales et contraintes.

L’audience du parti nationaliste a en effet été fragilisée par l’accumulation des cas de corruption et la mauvaise image laissée par l’incident de Dapu (District de Miaoli) où eurent lieu des expropriations et des démolitions qui, le 3 août 2013, s’étaient soldées par le suicide d’un paysan de 73 ans ; à quoi s’ajoutèrent en 2014 la querelle entre le Président du Yuan législatif Wang Jin-pyng et Ma Ying-jeou sur la séparation des pouvoirs, l’effervescence du « mouvement du tournesol » et les suspicions de trahison de Chang Hsien-yao, n°2 du Bureau des affaires du Continent accusé d’avoir livré des secrets économiques à la Chine.

Ces réalités qui dessinent une situation politique dominée par le rejet du KMT, conduisent à ne pas prendre pour argent comptant la possibilité de victoire présidentielle du DPP. Dans son discours de victoire le 29 novembre 2014, Tsai Ing-wen, la présidente avait elle-même incité à l’humilité et à la nécessité de fonder la stratégie du parti sur un consensus populaire par delà les lignes partisanes. En même temps, ajoute l’analyse du TBT, l’expérience suggère que la stratégie du pouvoir politique à Taïwan ne peut ignorer les influences de la Chine et des États-Unis.

Ainsi l’Île est-elle bridée par Washington qui tente de perpétuer la situation à son avantage, freinant le KMT quand il se rapproche trop de la Chine et faisant obstacle aux positions exagérément anti-chinoises du DPP ; tandis que les initiatives de ce dernier seront très fortement contraintes par la nécessité de nouer des relations avec Pékin qui, compte tenu de l’imbrication des économies, détient de nombreuses clés. A cet égard, la capacité d’ouverture du régime envers les thèses du DPP pour l’heure voisine de zéro, sera à la fois une des facteurs et la grande difficulté des stratégies de Tsai Ing-wen.

*

Un sondage effectué par le TBT dont les résultats ont été publiés le 29 avril, donnait une image très complexe et ambiguë de la situation des rapports de forces dans l’Île : 78% des Taïwanais ne font plus confiance à Ma Ying-jeou, tandis que l’audience du KMT, qui était tombée 11% est remontée à 21%. Eric Chu, le nouveau président du parti est avec 36% d’opinions favorables moins populaire que Wang Jin-pyng, le président du Yuan Législatif (39%). Les causes probables du tassement des opinions favorables à Chu pourraient être son refus de se présenter à la présidence et son voyage à Pékin.

Dans le même temps, la popularité du DPP n’atteint que 37,6%, avec cependant la cote de Tsai Ing-wen à 61,4%, ce qui suppose que son message trans-partis est entendu dans l’opinion. C’est probablement la raison pour laquelle 51,2% des Taïwanais estiment que le DPP est en mesure de maintenir des relations pacifiques et stables dans le Détroit.

Si on s’intéresse au programme politique et aux relations internationales on constate que 74,1% approuveraient le maintien du statuquo, tandis que 84% voteraient contre un candidat qui bénéficierait de manière trop évidente du soutien de Pékin. 56,7% placent l’économie en tête de leurs priorités de gouvernement, avant l’efficacité de l’administration (15,2%), la justice sociale (12,6%), le statut international de l’Île (6,5%) et les relations dans le Détroit (4%). Enfin, la plus grand influence internationale est accordée aux États-Unis, avant la Chine et, loin derrière, au Japon.


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