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›› Editorial

Fin du confinement. Optimisme économique, vulnérabilités et risques

Le 8 avril, Pékin a mis fin au confinement du Hubei tout en se protégeant, dit le gouvernement, des cas nouveaux cas de Covid-19 importés. Le 9 avril, la chaîne de télévision publique CCTV annonçait qu’après la détection récente au Heilongjiang de 84 nouveaux cas venant de Russie sur le total de 87 cas importés en Chine, la frontière avec la Russie serait temporairement fermée.

La mesure faisait suite à celles prises par Pékin pour contrôler et isoler tous les voyageurs étrangers. Lors d’une réunion du Comité Permanent, le Président Xi Jinping a renouvelé son appel à la vigilance pour tenir à distance toute résurgence de l’épidémie. Au Hubei et dans les grandes métropoles de l’Est, ordonnées par le Conseil des Affaires d’État, des mesures strictes de contrôle restent en place.

Elles stipulent que les cas asymptomatiques détectés et les personnes ayant été en contact avec eux, seront soumis à un isolement de 14 jours. Leur élargissement ne pourra intervenir qu’après deux tests négatifs à l’acide nucléique à, au moins, 24 heures d’intervalle.

Parallèlement, au Hubei, les grandes métropoles de l’Est comme Shanghai, Pékin, Canton, Hangzhou où ont été mis en œuvre des moyens drastiques de contrôle et de prophylaxie (surveillance et désinfection par drones, contrôle collectif de la température des résidents par caméras thermiques), préparent la réouverture progressive des écoles.

En même temps, exprimant une urgence économique, vitale pour le pays, la prudence toujours de mise au Hubei et dans les grands centres urbains, tranche avec la réouverture des sites touristiques dans les zones considérées à moindre risque.

Ainsi, la région des Huangshan 黄山, 500 km à l’est de Wuhan, proposait depuis la fin mars des accès libres à ses 31 sites touristiques pendant la période du Qingming Jie 清明节 – de « nettoyage des tombes » tombée cette année le 4 avril, date que le parti a choisi pour honorer par 3 minutes de silence national, la mémoire des victimes du Covid-19.

L’afflux de touristes sur le site des Huangshan ayant dépassé 20 000 visiteurs le 7 avril dont les images ont été diffusées par CNN ou l’encombrement des sites touristiques de Pékin tous submergés par l’afflux de promeneurs, ont suscité des craintes dans la communauté médicale chinoise.

Dans ce contexte, le professeur Zheng Guang, à la tête du service épidémiologique du Centre de contrôle des maladies infectieuses rappelait tout le monde à la prudence : « Nous sommes entrés dans une nouvelle phase. Avec l’épidémie explosant ailleurs dans le monde, la Chine n’est pas au bout de ses peines ».

Ciblant la situation aux États-Unis, où dit-il, le nombre de cas augmente de 20 000 chaque jour, le pneumologue Zhong Shan qui, en 2003, s’était distingué en révélant les dissimulations par le parti de l’ampleur du SRAS à Pékin, renchérissait en rappelant que « le monde ne pourra pas contrôler l’épidémie, ni être en sécurité tant que l’épidémie fera rage dans un pays quel qu’il soit ».

Perspectives de rebond économique.

Alors que l’épidémie fait rage aux États-Unis et en Europe qui totalisent à eux seuls plus de 86% des décès, après 72 jours de confinement strict, la Chine ouvre progressivement son économie, au moment même où le Japon décrétait l’état d’urgence – sans confinement - dans les 7 villes les plus touchées par une récente résurgence des contagions dont Tokyo et Osaka.

Ayant réécrit à son avantage l’histoire du déclenchement de la pandémie à Wuhan en novembre – décembre et déployé une très spectaculaire stratégie de séduction globale, le Parti évalue ses perspectives de reprise économique.

Il le fait à l’aune de l’ancestrale pensée taoïste d’accommodation des contraires, inscrite dans la structure même du vocable « crise », composé des deux phonèmes Wei 危 (dangereux comme dans « 危险 – weixian - » et « Ji 机 » – premier caractère de « 机会 jihui » – opportunité) [1].

*

Le 7 avril dernier, un article de « Project Syndicate » signé de Zhang Jun, Doyen des études économiques à Fudan – Shanghai, explorait d’un regard optimiste les perspectives chinoises d’après la crise.

Après avoir fustigé le repliement des pays occidentaux « tentés de désigner les coupables » [2] et rappelé la version corrigée des responsabilités chinoises de la crise selon laquelle le confinement du Hubei aurait permis « d’enrayer de nouvelles contagions alors même que le virus s’apprêtait à toucher le reste du monde », Zhang analyse les opportunités de reprise économique.

Et d’abord, contrairement aux idées courant dans nombre de cercles d’analyse occidentaux, il anticipe que « le Covid-19 ne diminuera pas la dépendance mondiale à l’égard de la Chine ».

Au contraire, dit-il, l’épidémie en augmentera sa valeur, alors que le chaînes d’approvisionnement à faible valeur ajoutée ont déjà basculé hors de Chine. Les anciennes usines de fabrication de chaussures et de vêtements sont progressivement remplacées par les foyers d’innovation des technologies de pointe du delta du Fleuve Bleu et de la Rivière des perles.

En même temps, ajoute Zhang en substance, la Chine qui continue d’œuvrer au renforcement de sa consommation intérieure, limitera sa dépendance à l’étranger, alors même que les « relocalisations » envisagées en rupture de la mondialisation, pourraient s’avérer moins faciles que prévues.

La fin de l’article révèle une détermination confinant à la fixité doctrinale, tant il est vrai que la réflexion reste articulée aux objectifs de croissance de +6% en 2020 et au discours ambigu de Pékin en faveur de la « mondialisation » dont la Chine a tiré profit sans se conformer chez elles aux règles du marché, objet de sa querelle avec Washington et Bruxelles.

Anticipant que la pandémie secouant la planète née en Chine et propagée par l’effet du déni initial de l’appareil communiste ne serait qu’une péripétie dans la marche de puissance du pays, Zhang affirme que « ni l’hostilité des États-Unis ni la pandémie de Covid-19 n’empêcheront la Chine d’ouvrir son secteur des services ou de devenir une destination de plus en plus attractive pour les exportations des économies avancées et celles des marchés émergents. (…)

De fait, conclut-il, « à l’heure où certains pourraient être tentés de se replier sur eux-mêmes, la Chine demeure aussi engagée qu’elle l’était dans la mondialisation. »

Note(s) :

[1Notons que si en langue médiévale, le mot « crise » évoque d’abord une rupture dangereuse, sa racine grecque renvoyant à l’exigence d’un discernement ou d’un choix judicieux en réaction à un risque, ouvre la perspective d’un rebond et se rapproche du sens chinois, associant le risque à une opportunité.

[2Un récent article du Washington Post analysait longuement les cafouillages de la Maison Blanche dans les réactions à l’épidémie, pour la plupart dus à la désinvolture erratique du président Trump peu attentif aux alertes de ses conseillers.

Au milieu des péripéties décrivant les dysfonctionnements de l’exécutif américain, on apprend que le 3 janvier Robert Redfield Directeur du Centre américain de contrôle des maladies infectieuses a reçu un appel de son homologue chinois le prévenant de l’apparition à Wuhan d’une mystérieuse maladie pulmonaire. Le 6 janvier, Pékin refusait l’offre de collaboration de Washington, privant les chercheurs américains des informations plus détaillées sur le virus.

L’administration américaine attribua le blocage du parti à sa crainte d’apparaître en position d’infériorité en pleine guerre commerciale sino-américaine. Pendant toute cette période, courant au moins jusqu’au 14 janvier, la Chine est restée fidèle à la théorie que le virus ne se transmettait pas directement entre humains, alors même qu’un cas étaient apparu en Thaïlande.


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