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›› Politique intérieure

Grave attentat dans une mine de charbon d’Aksu

Le 25 septembre, Yu Zhengcheng, n°4 du régime, était à Urumqi au cimetière national de la ville. A sa droite Zhang Chunxian (62 ans) secrétaire du Parti du Xinjiang depuis 2010. A sa gauche, Madame Liu Yandong (70 ans), vice-premier ministre, membre du bureau politique présidente du groupe dirigeant pour la réforme de la santé. A la gauche de Liu on distingue Nur Bekri (54 ans), secrétaire général adjoint de la province appartenant à l’ethnie ouïghour. La communauté ouïghour en exil l’accuse de se laisser manipuler par Pékin. Il est le seul ouïghour membre du Comité Central depuis 2012.

Les 25 et 26 septembre, à l’occasion du 60e anniversaire de la fondation de la région autonome du Xinjiang, Yu Zhengsheng n°4 du régime, en charge des religions et des groupes ethniques était à Urumqi où il a rendu hommage aux martyrs de la révolution et visité l’institut de théologie islamique où il a indiqué que la population bénéficiait d’une grande liberté religieuse. Il a également rappelé les efforts accomplis par Pékin pour développer la région. Mais, dans une allocution diffusée par la télévision d’État, il a également exhorté les responsables locaux à ne pas baisser la garde et à reconnaître que la région était confrontée à de sérieux défis de sécurité. Sans ambiguïté il a reprécisé que le pouvoir pourchassera sans faiblir les auteurs d’agressions terroristes.

L’avertissement venait une semaine exactement après une violente attaque terroriste conduite le 18 septembre à l’arme blanche par des Ouïghours contre des mineurs et des policiers dans la région d’Aksu, 650 km au sud-ouest d’Urumqi. Alors que Pékin n’a livré aucune information sur l’attentat, Radio-free Asia révélait qu’une cinquantaine de personnes, dont « beaucoup appartiennent à l’ethnie Han », avaient été tuées ou blessées sur le site de la mine de charbon de Sogan près d’Aksu. Parmi les victimes figureraient au moins 10 policiers dont le chef de la police locale, des administrateurs de la mine et des vigiles.

50 morts et de nombreux blessés.

Le 26 septembre, Yu, qui est aussi le Président de la Conférence Consultative du Peuple chinois, visitait l’académie de théologie islamique du Xinjiang. L’Islam est présent en Chine depuis les Tang, il y a 14 siècles, par le truchement de contacts avec les marchands arabes.

Selon un responsable de la sécurité d’une mine voisine, appartenant lui-même à l’ethnie Ouïghour, le 18 septembre, à 3 heures du matin, les attaquants armés de couteaux dont certains s’étaient emparés de camions chargés de charbon, auraient foncé sur un groupe de policiers et de mineurs au repos puis pénétré dans un bâtiment de la mine gardé par une vingtaine de vigiles. Tous les mineurs de la brigade qui se préparait à reprendre leur travail, ont été soit tués soit blessés. Les autres objectifs des assaillants qui s’étaient emparés d’explosifs utilisés par les mineurs furent la résidence du propriétaire de la mine et le poste de police voisin. Depuis l’attentat, la zone est quadrillée par d’importants barrages de police qui filtrent les mouvements de la population.

La région de la préfecture d’Aksu a déjà été le théâtre d’autres attaques du même style, notamment en août 2010 quand un homme avait fait exploser un engin de fortune au milieu de policiers et de vigiles faisant 2 morts et 6 blessés. En janvier 2014, les 6 agresseurs d’un commissariat avaient été tués par la riposte des policiers. Un mois plus tard, toujours dans la même zone, 8 autres terroristes avaient subi le même sort, tandis que 3 de leurs complices furent tués par leur propre engin explosif.

*

La polémique sur les causes profondes des troubles ne cesse pas. Le Congrès Mondial des Ouïghours a certes récemment reconnu l’impact du radicalisme islamiste, ciblant par ailleurs l’influence de la Turquie. Mais il continue à stigmatiser la brutalité de la répression chinoise contre la mouvance religieuse et la pratique de l’Islam, cause première de la fracture ethnique.

Pékin accuse en revanche l’intrusion d’agitateurs externes, attisant à la fois les haines religieuses et le séparatisme politique. L’aggravation de la situation et du potentiel de tensions à venir se lit peut-être dans l’augmentation du nombre d’écoles islamiques clandestines, signalée par une étude publiée par le centre d’études d’Al Jazeera.

Parallèlement à la construction de mosquées officielles dont le nombre explose (plus de 10 000 érigées seulement entre 2006 et 2011), témoignant de l’augmentation de la foi religieuse dans la province, l’emprise des organisations d’écoles coraniques souterraines animées par des groupes salafistes basés au Moyen Orient s’étend hors des contrôles policiers.

Leur nombre prolifère à mesure que les Ouïghours ressentent comme des vexations, voire des agressions, les intrusions de la police dans leur pratique religieuse dont certaines manifestations jugées trop ostentatoires sont réprimées (obligation de s’inscrire au Parti, harcèlement des fonctionnaires pratiquant le ramadan, chasse au voile intégral, au port de la barbe). Beaucoup d’attaques terroristes récentes trouvent leurs causes dans la répression de rassemblements interdits ou les fouilles aux domiciles de suspects, suite à des dénonciations anonymes.

La quadrature du cercle à laquelle le régime doit faire face est la suivante : après des décennies de développement de la province où les Han bénéficièrent de traitements privilégiés et entretinrent peu de contacts avec les Ouïghours au point que dans les années 2000 tous les voyageurs dans la province notèrent que les communautés vivaient côte à côte sans se mêler [1], la vieille revendication d’indépendance du « Turkestan oriental » se double aujourd’hui d’une pression islamiste radicale. La conjonction de ces deux menaces qui se potentialisent l’une l’autre, contribue à durcir les répressions qui, elles-mêmes, attisent le feu de la révolte ethnique et religieuse stimulée par la proximité avec le Pakistan, l’Afghanistan et l’Asie Centrale.

Note(s) :

[1Le gouvernement de la RPC a pourtant souvent protégé les musulmans contre les attaques blessantes. En 1989, il avait interdit le livre Xing Fengsu (coutumes sexuelles) après de violentes émeutes à Lanzhou et Pékin des Musulmans Hui qui jugeaient que le livre insultait l’Islam. En 2007, lors de l’année du cochon, le Parti avait interdit les images de porcs sur les calendriers et, lors de l’attaque contre Charlie Hebdo en France, la presse officielle du régime avait condamné les caricatures de Mahomet. Le Global Times avait même accusé Charlie Hebdo d’attiser l’affrontement entre civilisations. La prudence du pouvoir vise d’abord à protéger les Musulmans de Chine souvent objets de discriminations et de harcèlements.Mais la prévenance officielle s’est surtout exercée au profit des Hui très intégrés à la culture chinoise. Les Ouïghour qui véhiculent aussi un projet sécessionniste ne bénéficient pas de la même tolérance


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