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Hong Kong, rappels historiques et essai de perspective

Les « Deux systèmes », un habile opportunisme tactique.

Aujourd’hui, les «  Deux systèmes  » protègent en théorie l’ancienne colonie britannique de l’autoritarisme du pouvoir central. Les Hongkongais jouissent en effet de la liberté d’expression, du droit de manifester, en plus d’une justice et de médias indépendants de l’exécutif.

Plus encore, la mini-constitution du Territoire – « Basic Law » expression des accords avec Londres stipule – pour Pékin, véritable explosif à retardement – qu’à terme, le Gouverneur serait élu au suffrage universel direct.

Rappelons qu’aujourd’hui, l’actuel système législatif et électoral, permet non seulement à Pékin de filtrer les candidats au poste de gouverneur en fonction de leur allégeance politique au Parti communiste chinois, mais encore la répartition hybride des circonscriptions entre celles représentant des territoires (40 des 70 sièges) et celles (30 sièges) représentant des catégories socio-professionnelles dont la grande majorité soutient Pékin, est vue par les démocrates de la R.A.S comme une distorsion du suffrage direct en faveur de Pékin.

Déjà analysé pas QC (lire : Hong Kong : la défiance s’aggrave. A la détermination des émeutiers, Pékin répond par la menace militaire et suggère une fermeté inflexible.), ce système fait que, si le projet d’extradition concocté par Carrie Lam, étincelle ayant, le 16 juin dernier, jeté 2 millions de personnes dans les rues (sur les 7 millions d’habitants au total), était mis aux voix de l’assemblée parlementaire locale « Legco pour Legislative Council », il serait probablement adopté en dépit du puissant rejet de l’opinion.

Au moment où il imaginait les « Deux systèmes  », le pragmatique Deng Xiaoping exprimant de manière emblématique la souplesse oblique de la pensée chinoise, avait aussi le souci d’éviter que le choc radical des cultures politiques ne provoque à Hong Kong une réaction politique de rejet de la Chine.

Quoi de plus dissemblable en effet entre, d’une part, le système centralisateur, monolithique, férocement normatif et d’essence marxiste-léniniste en proie aux affres de sa modernisation à l’aune des critères anti-occidentaux des « caractéristiques chinoises » de retour de puissance et, d’autre part, une ancienne colonie ouverte sur le monde occidental, jouissant de la liberté d’expression et d’une justice indépendante, devenue le 3e centre d’affaires de la planète.

Cherchant à persuader le Bureau Politique de la pertinence des « Deux systèmes », Deng Xiaoping avait notamment interrogé ses camarades sur ce qu’ils feraient en cas de manifestations à Hong Kong « Allez-vous y envoyer des chars ?  »

En observant les tumultes qui aujourd’hui installent à Hong Kong une atmosphère d’émeutes et de guerre civile, le moins qu’on puisse dire est que « quelque chose a mal marché  » et que le 2e objectif des « Deux systèmes  » n’a pas été atteint.

La rue de Hong Kong bouge. Et elle bouge contre la Chine. Attribuer la responsabilité unique de ce mouvement de grande ampleur à la seule « main noire » de Washington revient à manquer une partie de l’image.

Les observateurs sont unanimes, les manifestations monstres rallient toutes les catégories de la population, avocats, médecins et même hommes d’affaires habituellement proches de Pékin.

Après avoir culminé dans la violence et les saccages le 1er juillet, jour anniversaire de la rétrocession inaugurant le schéma politique des « deux systèmes  » où de jeunes révoltés avaient mis à sac le Legco et profané les emblèmes chinois tout en célébrant l’Union Jack – outrage que Pékin n’est pas près d’oublier -, les émeutiers ont continué à défier la police dont la réaction s’est progressivement raidie, multipliant les arrestations et les charges au gaz lacrymogène, au milieu d’un nombre croissant de blessés des deux côtés.

A Hong Kong, la stratégie de la Direction politique semble être le pourrissement, espérant que la force d’entraînement des indépendantistes très minoritaires faiblira. En même temps, Pékin feint de considérer qu’en 2047 la mouvance démocrate acceptera de se faire avaler par le centralisme monolithique sans réagir.

En somme, elle semble croire que les Hongkongais jouissant aujourd’hui des principales libertés démocratiques (hormis les élections du Gouverneur au suffrage universel) accepteront dans 28 ans de gaîté de cœur d’en être privés.

Pékin, l’identité de Hong Kong et la carte sauvage indépendantiste.

Rien n’est moins sûr. Les derniers sondages montrent que bien que leur confiance dans l’arrangement ait perdu de sa force, la majorité des Hongkongais toutes tendances confondues sont favorables au maintien des « Deux systèmes  ».

Ce qui signifie qu’ils sont hostiles à la règle chinoise du parti unique ; qu’ils sont attachés à leurs droits d’expression et de rassemblement en même temps qu’à l’indépendance de la justice. Enfin 11% des sondés (s’il est exact ce pourcentage est explosif) – soutiendraient l’indépendance de Hong Kong après 2047 ou seraient favorables à l’organisation d’un référendum.

Autre source de tensions potentielles, alors que écarts de revenus s’aggravent, les générations plus jeunes formant aujourd’hui la pointe active des émeutes, confrontées à la concurrence de l’afflux des continentaux, ont l’impression de ne pas tirer profit de la richesse de la R.A.S.

Le sentiment d’appartenance identitaire a également évolué depuis le transfert à la Chine, il y a 22 ans. Bien que beaucoup disent avoir une identité mélangée, ils sont de de plus en plus nombreux à se voir comme des « Hongkongais  » (38%) ou des « Hongkongais en Chine  », (22%) – total 60% - alors que le nombre de ceux qui s’identifient comme « Chinois  » ou « Chinois à Hong Kong » a diminué (40%).

Mais pour le moment et en dépit des sondages, les démocrates reconnaissent que la mouvance favorable à Pékin domine toujours le jeu politique.

Avec cependant la carte sauvage du surgissement de l’idée d’indépendance et de la proposition d’organiser en 2047 un référendum sur le sujet d’appartenance à la Chine, chiffon rouge pour Pékin. Lire : A Hong Kong, la Chine fait face aux contradictions du schéma « Un pays deux systèmes ».

A la menace, première riposte aux troubles dans la R.A.S, Pékin ajoute aujourd’hui une puissante campagne de propagande et de désinformation dont l’ampleur et le simplisme pourraient allumer encore plus de contrefeux anti-chinois.

Exerçant un contrôle sans faille sur l’information, le Parti diffuse de grossières fausses nouvelles destinées à discréditer les protestations en cours dans la R.A.S. Faisant cela, il oblitère la question essentielle de la cause des désordres attribués à des éléments extérieurs ou à une minorité de trublions assimilés à des séditieux.

Attisant agressivement le sentiment nationaliste et anti-occidental, Pékin manipule le flot d’images et de vidéos pour disqualifier les manifestants. Après avoir les avoir qualifiés de « terroristes », les médias officiels publient une avalanche d’articles dont à lui seul le nombre signale l’inquiétude du sérail.

On retiendra, publiés par le China Daily et le Global Times : « Qui se cache derrière les manifestants de Hong Kong  ? » ; « La société de Hong Kong ne peut pas rester inerte alors que la ville sombre » ; « La loi doit prévaloir sur les délinquants » ; « la jeunesse de Hong Kong déçue par l’Occident ».

Reflétant la pensée du pouvoir, les discours rejettent la responsabilité sur les États-Unis, et appellent au sursaut des modérés. Mais les hyperboles nationalistes, aggravent les malentendus et attisent la rancœur des Chinois contre les Hongkongais.

Ces émotions exercent en retour une pression sur le régime. Sur Weibo on pouvait récemment lire « Il n’est pas suffisant de les battre jusqu’au sang » (...) « Il faut les battre à mort » (..) « Envoyez leur les chars, pour les nettoyer ». En arrière-plan flotte toujours le ressentiment contre les ingérences des organisations des droits financées par les États-Unis.

L’offensive qui utilise l’arme de propagande des réseaux sociaux strictement contrôlés, est une riposte directe aux outrages infligés aux symboles du pouvoir chinois, le 1er juillet dernier dans l’enceinte du Legco et 3 semaines plus tard quand les manifestants excités ont souillé d’encre noire les emblèmes de Hong Kong et de la Chine. L’avanie fut suivie le 3 août par celle de manifestants filmés pendant qu’ils jetaient le drapeau rouge aux 5 étoiles dans les eaux du port.

La campagne de propagande est conduite en même temps que montent les pressions contre les milieux d’affaires pour les contraindre à choisir leur camp.

La première victime de cette offensive fut Rupert Hogg le PDG respecté de Cathay Pacific. Après que quelques uns de ses agents ait participé aux manifestations, il fut contraint de démissionner pour éviter les représailles de Pékin capable de détourner les usagers chinois de la compagnie.

Les autres cibles sous pressions sont les multinationales de l’audit PricewaterCoopers (PwC), Deloitte, KPMG et Ernst & Young. Récemment elles ont publié un communiqué conjoint pour se distancer d’une page de publicité en faveur des manifestants publiée le 16 août dans le Hong Kong’s Apple Daily, payée par un groupe de leurs employés restés anonymes.

Il n’est pas certain que la correction de trajectoire suffise à calmer Pékin. Peu après, le Global Times réclamait en effet la mise à pied des coupables.

La dernière partie de l’analyse évoque à la fois la rigidité dogmatique du Parti articulée à l’ancestrale exigence d’unité territoriale et de centralisme politique fondant la légitimité du pouvoir. Elle évoque également les marges de manœuvre dont dispose Pékin face aux pressions occidentales.


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