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›› Editorial

Hong Kong : un suffrage universel aux « caractéristiques chinoises. »

Les racines politiques des divergences.

Photo AP : Le 1er septembre à Hong Kong Li Fei, membre du Comité Permanent de l’ANP est chahuté par la mouvance démocratique brandissent des pancartes où on peut lire 失信 (shixin défiance) et 可耻 (kechi, honte). Ils ont été exclus par la police sous les applaudissements des supporters de Pékin présents dans la salle.

Objet d’une effervescence politique qui monte depuis janvier 2013 avec le mouvement de désobéissance civile « Occupy Central », dont l’audience semble cependant en perte de vitesse, l’épisode renvoie au conflit qui couve depuis 10 ans entre Pékin et les mouvements démocratiques de la R.A.S dont les vues divergent sur la mise en œuvre des accords de rétrocession signés en 1997 prévoyant, entre autres, l’instauration, inscrite dans la constitution de Hong Kong, du suffrage universel pour les élections du gouverneur et du Conseil Législatif.

La mouvance des démocrates dont les différentes obédiences s’opposent sur les modes d’action, accusent Pékin de vouloir grignoter les libertés politiques, notamment la liberté d’expression et surtout de vouloir introduire une démocratie tronquée où le contrôle par Pékin des candidatures au poste de gouverneur exclut de fait la mouvance démocratique opposée à la totale main-mise politique du Centre sur la R.A.S.

Le conflit oppose aussi d’une part, l’image historique de la R.A.S, née du temps de la règle britannique très éloignée de la démocratie ayant consolidé le rôle et la réputation de Hong Kong comme centre d’affaires et d’entreprises plutôt que comme creuset politique ; et d’autre part la nouvelle exigence d’autonomie qui serait totalement protégée des ingérences politiques de Pékin exprimée dans un sondage réalisé en décembre 2013 où 84% des jeunes de 18 à 29 ans préféraient d’abord l’identité de Hong Kong, certes chinoise mais également ouverte et multiple.

Un défi existentiel pour le Parti…

Pékin avance sur ce dossier très délicat en se conformant strictement à la loi fondamentale de la R.A.S, tout en ménageant ses intérêts qui, pour préserver la Chine du risque de contagion démocratique, lui enjoignent, comme le lui permet la Constitution chinoise et celle de Hong Kong, de rester maître en dernier ressort du pouvoir politique à Hong Kong. Ainsi dans la R.A.S Li Fei membre du Bureau Politique de l’ANP a, au nom du gouvernement central, entériné l’idée de l’élection du gouverneur au suffrage universel en 2017 telle que prévu par le 2e paragraphe de l’article 45 de la constitution.

…Qui entend contrôler le scrutin.

Mais il l’a sévèrement enfermée dans des limites politiques qui confèrent à un comité de sélection favorable à Pékin le pouvoir de contrôler le choix des candidats réduits à 2 ou 3 et ayant fait la preuve de leur adhésion patriotique à la Chine et au Parti communiste chinois. S’il est vrai que la condition « patriotique » n’a, en théorie, rien d’offensant pour sélectionner un candidat au poste de gouverneur, la mouvance démocrate craint que l’allégeance de l’homme à Pékin et au Parti ne le rende complice d’une stratégie de réduction progressive des libertés dans la R.A.S.

Le raidissement des mouvements démocratiques.

Tout indique donc que les 27 élus de la mouvance démocrate du Legco (70 membres) rejetteront l’amendement fermant ainsi la possibilité d’une adoption aux 2/3, exigée par la Constitution. Si tel était le cas, l’ANP prévoit un retour à la situation antérieure avec la désignation du gouverneur par un comité de sélection de 1200 notables largement favorables à Pékin. On s’achemine donc vers un blocage et de nouvelles tensions.

Martin Lee, le président et l’un des fondateurs du parti démocrate, souligne l’inanité d’un choix aussi réduit et complètement contrôlé par Pékin, tandis que Benny Tai fondateur du mouvement « Occupy Central » prônait la désobéissance civile et la grève des étudiants.

Le 1er septembre la prestation de LI Fei excluant la possibilité pour les résidents de la R.A.S de choisir librement leurs candidats fut perturbée par de vives protestations accusant la Chine de manquer à ses promesses. Les trublions agitant le poing et brandissant des pancartes où on pouvait lire « honte » et « trahison », furent expulsés par la police sous les applaudissements d’une partie de l’assistance composée d’hommes d’affaires et de membres du Legco favorables à Pékin.

Pékin joue sur la peur du « chaos »…

Sur cette controverse où, sous les yeux de ses voisins et notamment de Taïwan, le Parti joue sa crédibilité de nation mesurée et responsable capable de compromis politique, le discours officiel qui croise celui de plusieurs chercheurs présente les opposants démocrates et particulièrement ceux « d’Occupy Central » comme un bande d’immatures inconscients dont les actions illégales qui « s’apparentent à du racket », pourraient ruiner la réputation de centre d’affaires de Hong Kong à la racine de la prospérité de la R.A.S.

Un article du Global Times du 29 août accusait le mouvement « Occupy Central » d’organiser « le sabotage de Hong Kong par des revendications dangereuses », affirmant que les chances de la démocratie s’éloigneraient à mesure que les différends politiques tourneraient à la confrontation.

…Mais commet une erreur d’appréciation.

Supposant que l’opposition était minoritaire, ce qui reste à prouver, la conclusion de l’article incitait le mouvement démocratique à une remise en question : « Les démocrates devraient se préoccuper de rallier le soutien de la majorité des Hong Kongais plutôt que de provoquer Pékin par des propositions extrémistes ».

En même temps, Wang Zhemin, doyen du département d’études juridiques de Qinghua, signait un article dans le New York Times où il recommandait à la société Hongkongaise « d’accepter une démocratie imparfaite plutôt que pas de démocratie du tout ». Il y comparait la R.AS à un enfant turbulent et la Chine à « un parent sage aux intentions pures qui ne souhaite que le bien de ses enfants. »

Mais Anson Chan, ancienne n°1 des fonctionnaires de la couronne britannique puis de la R.A.S sous contrôle chinois après 1997, n’accepte pas ce paternalisme et accuse Pékin d’avoir trahi la confiance et détruit l’espoir des Hongkongais. Au plan politique en tous cas il paraît dangereux de considérer la population de la R.A.S comme immature. La réalité est probablement exactement inverse.

La société y est vibrante, capable de définir elle-même le régime qui lui convient le mieux, très éloigné des rigidités chinoises ; les Hongkongais sont des lecteurs assidus des livres interdits en Chine, spirituels, bien éduqués, utilisateurs enthousiastes des nouveaux moyens de communication, très réactifs sur les questions d’éducation, de santé, de gestion urbaine, de logements, de politique, et même de sécurité nationale.


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