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›› Politique intérieure

Inondations et polémiques

Début août, des résidents de Zhuozhou bloqués par la montée soudaine des eaux étaient évacués en bateaux pneumatiques par les secours municipaux au milieu d’un record de précipitations jamais vues depuis 140 ans. Selon Nie Yuefeng, le secrétaire du parti du Hebei lui-même, la ville de la périphérie sud-ouest de Pékin a été inondée suite à l’ouverture des vannes de sept réservoirs dont les eaux ont été évacuées à l’écart de la capitale pour la « protéger ».


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Au Hebei et dans le Heilongjiang, à la date du 7 août, conséquence désastreuse des pluies torrentielles du cyclone tropical « Doksuri », plus d’un million de personnes avaient été déplacées et au moins quatorze avaient perdu la vie, y compris quatre fonctionnaires locaux dont un vice-maire.

Ils ont été emportés par une crue soudaine alors qu’ils inspectaient les dégâts dans la région de Shulan, 120 km au sud de Harbin. Leurs corps n’ont été retrouvés que le samedi 5 août.

Parti de l’île de Luzon dans les Philippines le 19 juin, « Doksuri » – Aigle en Coréen – a gagné en puissance en mer de Chine du sud avant de se déplacer vers Taïwan.

Le 29 juin, après avoir d’abord perdu de sa puissance, il touchait les côtes du Fujian. Puis, regagnant en force, il s’est approché de Pékin, causant sur son passage inondations, destructions et coupures d’électricité.

Alors qu’il se déplaçait vers le nord, provoquant des pluies record jamais vues depuis 140 ans, le 3 août, Ni Yuefeng 倪岳峰, 59 ans, le Secrétaire Général du Parti du Hebei qui borde Pékin, en poste depuis avril 2022, souleva une controverse en ligne en déclarant que le Hebei devait servir de « fossé protecteur pour la capitale - 当好首都护城河 - ».

A cet effet, suivant ses ordres, le bureau des ressources hydrauliques de la province a, selon les médias officiels, ouvert les vannes des réservoirs dans sept zones de contrôle des inondations en aval pour les empêcher de déborder vers Pékin et Tianjin.

Quand les pluies extrêmes cessèrent le 8 août, les inondations avaient épargné la majeure partie de la ville de Pékin. Mais le résultat avait été en partie obtenu parce que les eaux avaient été détournées vers les régions adjacentes.

« Inonder la périphérie pour protéger Pékin ». Colère et dérision des internautes.

Début août à Zhuozhou, un commerçant vide son magasin envahi par un torrent de boue provoqué par l’ouverture des vannes des réservoirs. Après la destruction de milliers de maisons et de commerces, la population s’est demandé pourquoi les autorités n’ont pas fait plus pour l’aider.


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Une des zones les plus touchées fut la ville Zhuozhou 涿州, grande banlieue au sud-ouest de la capitale. Elle-même luttait déjà pour contenir les flots après la rupture d’une digue locale quand elle a soudain été submergée par un torrent de boue produit par l’ouverture des vannes.

D’un coup les eaux qui montèrent de sept mètres, ont englouti des centaines d’habitations et d’entreprises dont beaucoup, dans cette ville en partie dédiée à la publication, sont des imprimeries. Des milliers de livres ont été détruits.

Une polémique s’en est suivie. Le bureau des ressources hydriques du Hebei avança que la soudaine montée des eaux à Zhuozhou venait non pas de l’ouverture des vannes, mais de l’augmentation brutale du ruissellement des eaux des montagnes du Hebei, à l’ouest et au sud-ouest (Mentougou et Wutai Shan), et au nord de Pékin, vers Miyun.

A quoi les internautes répliquèrent que, lors des précédentes inondations de la région de Zhuozhou, l’eau pouvait s’évacuer en contrebas, en direction de la région de Xiong’an, 100 km au sud de Pékin. Mais, ils ajoutent que les travaux d’aménagement de la zone décidés par Xi Jinping en 2017 pour y construire une « capitale alternative  », avaient supprimé ce déversoir naturel.

Lire : Xiongan la sœur jumelle de Pékin, nouveau grand défi de l’urbanisme chinois. Un enjeu socio-économique et politique pour Xi Jinping & Xiong’an, le meilleur des mondes chinois.

De fil en aiguille, se souvenant que Xiong’an était un « projet phare » du Président qui l’avait lui-même désigné comme le « grand projet du millénaire 千年大计 », les critiques commencèrent à viser Xi Jinping lui-même.

Même s’il a pris la parole le 5 août pour exhorter les secours à mettre tout en œuvre pour retrouver les personnes disparues – près d’une trentaine à la date du 9 août -, le Président n’en est pas moins devenu l’objet des moqueries des internautes.

Xi Jinping moqué par le net. L’insistante désinvolture de la bureaucratie.

S’étant sans ambiguïté placé au centre, en mesure de contrôler l’ensemble de la situation socio-politique et économique du pays, auteur d’un livre sur sa pensée des « caractéristiques chinoises » pour une « ère nouvelle », distribue pour étude dans les universités, Xi Jinping a, au cours des inondations monstres du début août été visé par de sévères critiques des réseaux sociaux.

Même si la montée soudaine des eaux dans la périphérie de Pékin a pu être attribuée à une erreur des responsables de la gestion des fleuves du Hebei et à son secrétaire général Nie Yuefeng, c’est tout de même la personne du nº1 et son « omniscience » y compris sur des sujets qu’il ne maitrise pas, comme la gestion des fleuves qui était visée.


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Alors qu’il y a peu, le gouvernement avait organisé un séminaire sur les réactions des pouvoirs publics aux inondations, Douyin 抖音, le Tik Tok chinois, fit sarcastiquement l’éloge de la « prescience » du Président en matière de lutte contre les inondations, et de sa tendance à toujours savoir « indiquer la voie à suivre » dans des domaines où il n’a pourtant aucune expertise.

« Organiser », écrit un internaute, « une session d’étude sur la pensée de Xi Jinping à propos de la gestion de l’eau, destinée aux experts mondiaux de la lutte contre les crues serait une merveilleuse initiative » (…) « N’a-t-il pas montré la voie à suivre pour le contrôle mondial des inondations ? ». Une autre ajoutait en persiflant : « Le voilà qu’il montre une nouvelle voie à suivre pour la rotation de la Terre !! ».

La Chine n’est pas le seul pays à parfois décharger l’eau des déversoirs vers des zones moins peuplées pour protéger les zones urbaines. En France, quantité d’études font la part des risques posés par les barrages en cas de fortes précipitations et préconisent de prévoir des zones de décharge des eaux vers des espaces peu habités.

Un article du New-York Times du 7 août 2023 rappelle que le réservoir de Morganza dans le centre de la Louisiane qui avait libéré ses eaux pour la dernière fois en 2011, dispose de 125 énormes vannes permettant de décharger les eaux de crue du Mississippi à l’écart de la Nouvelle-Orléans, vers des bassins marécageux et peu peuplés du voisinage.

Mais à Zhuozhou, la colère des habitants est d’abord née des longs délais mis par les secours pour être à pied d’œuvre alors que de nombreuses personnes étaient bloquées par les eaux. Autre source d’exaspération, les résidents qui craignent de ne pas être indemnisés, se sont plaints de ne pas avoir été avertis à temps du déversement des eaux de crue.

Surtout, les commentaires de Ni Yuefeng appelant le Hebei à « protéger Pékin », vus par 60 millions d’internautes, avant que les censeurs ne les suppriment, ont donné le sentiment que la bureaucratie locale avait plus le souci de contenter le pouvoir central que de protéger la vie des locaux.

Ce n’est pas la première fois que les responsables des ressources hydriques se comportent avec autant de désinvolture avec la population. Le 20 juillet 2021, la ville de Zhengzhou avait été submergée par une grave inondation ayant provoqué 400 décès.

Le désastre avait été provoquée par la brutale ouverture des barrages à 10h30 alors que la population qui fit preuve d’un grand esprit d’entraide soutenu par une exemplaire solidarité des géants du numérique, n’avait été prévenue que tard dans la soirée. Lire : Au Henan et à Zhengzhou, la « Ville-éponge », un remarquable effort de solidarité des géants du numérique.


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