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›› Chronique

Kim – Trump à Singapour. Emotion et grand spectacle au service de la paix

La Chine et les néo-conservateurs en embuscade.

Il est impossible de passer sous silence le fait que, pour le moment, les seules concessions réciproques – dénucléarisation, fin des exercices conjoints, évacuation américaine à terme, retour des « kidnappés » et des dépouilles des soldats tués (les 3 dernières non écrites) - ne sont appuyées par aucun détail concret de mise en œuvre. En même temps, l’avenir dira si le fait que les deux acteurs sont l’un et l’autre aussi fortement motivés par des considérations de politique intérieure sera ou non un facteur affaiblissant la crédibilité générale de l’exercice.

Comme pour Kim devenu chez lui à Pyongyang « le héros ayant rencontré le président américain, le premier depuis la fin de la guerre », la conversion de D. Trump à la stratégie des petits pas est également motivée par le besoin d’affichage d’un succès diplomatique destiné à faire taire ses détracteurs qui ne cessent de tirer sur lui à boulets rouges. La question, impossible à éluder est, dès lors, de savoir si le succès recherché et obtenu par la Maison Blanche ne le serait pas au prix d’une fragilité de l’accord portant elle-même le risque d’un échec final.

A ce sujet Kim et Trump ont tous deux fait diffuser des vidéos qui, chacune à leur manière, mettant l’accent sur le caractère historique l’événement, sont conçues comme un adjuvant à leur popularité.

- Corée du Nord Chosun TV - sommet 40 minutes

- ’Will He Shake the Hand of Peace ?’ Here’s the Video President Trump Showed to Kim Jong Un [3]

Enfin les derniers écueils, et non des moindres, sont ceux des stratégies chinoises et de la rigidité des néo-conservateurs américains.

L’épisode pourrait en effet avoir marqué la fin de la solidarité - il est vrai jusque là seulement apparente - des acteurs de la région, puisqu’à la déclaration de Trump que les sanctions resteraient en place jusqu’à ce que soient constatés des progrès dans l’abandon de l’arsenal nucléaire par Pyongyang, la Chine qui manœuvre pour rester dans le jeu, a annoncé qu’elle allait les lever unilatéralement, l’apaisement, dit Pékin, les ayant rendues inutiles.

Il est évident que l’attitude chinoise s’éloignant de la stratégie de Trump n’envisageant la levée des sanctions qu’à l’aune des étapes vérifiées de la dénucléarisation compliquera sérieusement le jeu de Washington. En allant trop loin dans cette direction, Pékin risque de faire capoter tout le processus et de provoquer un retour au point zéro. On ne peut pas non plus exclure que la Maison Blanche tente de peser sur Pékin par d’autres moyens à Taïwan, en mer de Chine du sud ou dans la sphère commerciale comme Trump lui-même l’a évoqué dans sa conférence de presse à Singapour.

Enfin, dernier grain de sable pouvant gripper les engrenages sentimentaux, à la table des négociations, face à la délégation de Kim Jong-un, aux côtés de Mike Pompeo, trônaient les blanches moustaches de John Bolton, celui-là même qui, il y a tout juste quelques jours, avait menacé Kim d’un destin à la Kadhafi. S’il est vrai que, pour l’heure, John Bolton lui-même se tait, la mouvance politique qu’il représente donne déjà de la voix pour dénoncer l’abandon des exercices conjoints dont pourtant personne ne peut nier qu’ils sont inutilement provocateurs dans le cadre d’un processus de paix.

Mise à jour le 20 juin 2018.

Pour la 3e fois en moins de trois mois, le président Xi Jinping a rencontré Kim Jong-un à Pékin les 19 et 20 juin. Le dernier détour chinois de Kim Jong-un a été accompagné par l’arrivée dans les ports chinois – révélée par NK news cités par jeremy@supchina.com - de vraquiers nord-coréens venus charger du fer et du charbon ainsi que d’autres produits toujours sous embargo des NU. Ayant perçu que la rencontre de Singapour pourrait la marginaliser, comme prévu, la Chine déjà satisfaite de l’annulation des exercices conjoints sur la péninsule, manoeuvre pour rester dans le jeu. Kim Jong-un en tire profit. Pendant combien de temps ?

ANNEXE.

Texte de l’accord de Singapour.

Donald J. Trump, président des États-Unis d’Amérique et Kim Jong-un, président la commission des Affaires d’État de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), ont tenu un premier sommet historique à Singapour le 12 juin 2018.

Le président Trump et le président Kim Jong-un ont mené un échange de points de vue complet, approfondi et sincère sur les questions liées à l’établissement de nouvelles relations entre les États-Unis et la RPDC et l’établissement d’un régime pacifique durable et solide dans la péninsule coréenne. Le président Trump s’est engagé à fournir des garanties de sécurité à la RPDC et le président Kim Jong-un a réaffirmé son engagement ferme et indéfectible à une dénucléarisation complète de la péninsule coréenne.

Convaincus que l’établissement de nouvelles relations entre les États-Unis et la RPDC va contribuer à la paix et la prospérité dans la péninsule coréenne et dans le monde, et reconnaissant que la construction d’une confiance mutuelle peut promouvoir la dénucléarisation de la péninsule coréenne, le président Trump et le président Kim Jong-un affirment ce qui suit :

1. Les États-Unis et la RPDC s’engagent à établir de nouvelles relations USA-RPDC conformément à la volonté de paix et de prospérité des peuples des deux pays.

2. Les États-Unis et la RPDC associeront leurs efforts pour bâtir un régime de paix durable et stable dans la péninsule coréenne.

3. Réaffirmant la déclaration de Panmunjom du 27 avril 2018, la RPDC s’engage à travailler à une complète dénucléarisation de la péninsule coréenne.

4. Les États-Unis et la RPDC s’engagent à restituer les restes des prisonniers de guerre et des portés disparus au combat, avec un rapatriement immédiat de ceux déjà identifiés.

Reconnaissant que le sommet USA-RPDC - le premier dans l’Histoire - est un événement historique d’une grande portée surmontant des décennies de tensions et d’hostilités entre les deux pays et ouvrant une nouvelle ère, le président Trump et le président Kim Jong-un s’engagent à mettre en œuvre totalement et rapidement les dispositions de cette déclaration commune.
Les États-Unis et la RPDC s’engagent à des négociations à venir conduites par le secrétaire d’État, Mike Pompeo et par un responsable de haut rang de la RPDC, à une date la plus proche possible, pour appliquer les résultats du sommet USA-RPDC.

Donald J. Trump, président des États-Unis d’Amérique, et Kim Jong-un, président de la commission des Affaires d’État de la République populaire démocratique de Corée, s’engagent à coopérer au développement de nouvelles relations USA-RPDC et à la promotion de la paix, la prospérité et la sécurité de la péninsule coréenne et du monde.

12 juin 2018 Ile de Sentosa, Singapour.

*

Dans sa conférence de presse à très forte audience après la réunion, Donald Trump a révélé que la mort du jeune Otto Warmbier l’avait poussé à agir et rappelé qu’avant le sommet, Pyongyang avait fait des concessions en promettant une dénucléarisation complète, libérant 3 Américains, s’engageant à restituer les dépouilles des soldats tués durant la guerre de Corée, et acceptant de détruire le pas de tir de missiles, le centre d’essais des moteurs balistiques et le site de tests de Punggye-ri.

Mais les sceptiques continuent à mettre en garde que de telles promesses y compris celles de la destruction des sites avaient déjà été faites auparavant, sans résultat.

Interrogé sur ce que Washington attendait de la Chine à propos du processus de Singapour, il a éludé la question et ramené la question au déficit commercial.

Note(s) :

[3Le 12 juin, le reportage diffusé par la chaîne publique nord-coréenne Chosun Central TV mettait en scène Kim Jong-un depuis son départ de Pyongyang dans un B.747 d’Air China jusqu’à son retour acclamé par une foule trépidante, en passant par les multiples scènes où le Président nord-coréen était de bout en bout présenté – D. Trump ayant sans faiblir joué ce jeu -, comme un interlocuteur à la hauteur du président américain et respecté par lui. Le commentaire, comme à l’habitude, rehaussé des trémolos de la voix du présentateur, annonçait que « l’hostilité et la méfiance passées étaient révolues pour laisser place au dialogue et à la coopération »

Quant à la vidéo de 4 minutes diffusée par la Maison Blanche en Anglais et en Coréen, que Trump a au préalable montrée à Kim Jong-un, elle présente les deux présidents comme des acteurs exceptionnels de l’histoire en marche, capables de s’extraire d’un « sombre passé » pour embrasser « un lumineux futur », non sans avoir évoqué, sur fond de déploiements militaires, qu’à défaut, l’autre option serait le retour catastrophique aux risques de guerre.


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