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L’aménagement du territoire à marche forcée. Urbanisation, terres arables et « villages consolidés. »

Personne ne doute que l’aménagement d’un territoire aussi vaste que la Chine, toujours peuplé de plus de 40% de ruraux attachés à leur lopin de terre, est une tâche gigantesque.

Elle est d’autant plus ardue que le parti tente de résoudre la quadrature du cercle d’éviter un exode rural massif tout en luttant dans les campagnes contre la dissémination éclatée des villages qui perpétue la pauvreté et complique à l’extrême la permanence des services sociaux, dont sont privés les plus démunis.

A ces difficultés, priorités du pouvoir qui veut éliminer la pauvreté d’ici la fin 2020, s’ajoutent les affres de l’exil intérieur des migrants vivant d’expédients dans des métropoles où les loyers leurs sont inaccessibles. Restées, dans l’arrière pays, leurs familles sont inscrites sur leur Hukou 户口, le passeport intérieur attaché à leur lopin de terre.

Ce dernier dont les fermiers pauvres ne veulent pas se séparer, est une source de tensions. A la fois assurance-vie des paysans en cas de chômage et principale source de revenus convoitée par les administrations locales, il est l’objet de féroces batailles locales.

Pour faire face à cet écheveau de contradictions, le parti a élaboré un plan et déclenché une campagne de promotion par laquelle, vieux réflexe maoïste, il entend, parfois brutalement mobiliser l’opinion. Elle porte un nom : « Consolidation des villages - 合村并居, hécūn bìngjū – textuellement “installation ou résidence 居 dans les villages fusionnés 合村“ ».

Le projet est déjà à l’œuvre depuis plusieurs années mais l’actuel volontarisme du pouvoir l’a accéléré en l’enveloppant du slogan appelant à construire « une nouvelle ruralité socialiste - 社会主义新农村 – ».

Comme ce fut la cas lors de la mise en œuvre de « la politique de l’enfant unique » (pour la perspective lire : Les égarements du « 计划生 育 ». Quand le planning familial devient fou.), le nouvel élan a provoqué des abus aggravés par l’esprit courtisan des fonctionnaires et l’intérêt sonnant et trébuchant qu’ils portent à la valeur de la terre, source de revenus des administrations locales surendettées.

Prudence initiale et emballement volontariste.

La théorie, sensible à la nervosité des paysans quand il s’agit de toucher à leurs villages et à leurs terres, avait pourtant insisté sur la patience, la longueur de temps et la concertation. Étalé sur dix à vingt ans selon les régions, le projet prévoyait trois étapes :

1) Rassembler les villageois en respectant la loi ; 2) Mettre sur pied des commités d’administration des nouvelles communautés comportant au moins un représentant de chacun des anciens villages ; 3) Établir de nouveaux comités en prenant soin, dit la directive, de tenir compte des réalités locales. Six modèles avaient été proposés faisant par exemple la différence entre les « nouveaux villages urbanisés » - paysans regroupés en périphérie des villes - et « les villages industriels »- regroupant des ouvriers autour des entreprises.

Mais l’accélération du projet et le schéma léniniste de la bureaucratie où les subalternes se disputent les faveurs du chef, ont provoqué des abus et, mécaniquement, des contrefeux locaux dans la population. Beaucoup ont surgi dans la province du Shandong où le rythme de la « consolidation » est plus rapide qu’ailleurs.

Rapportés par les médias occidentaux et Chinois – en 2017, Caixin avait déjà mis l’accent sur la sensibilité de la propriété foncière en milieu rural, ultime assurance des paysans en cas de chômage, de nombreux exemples pointent du doigt des petits et grands drames provoqués par la réforme.

*

Récemment Liu, un fermier de la zone agraire au centre du Shandong, 200 km au Sud-ouest de la capitale Jinan, se souvient que, durant la dernière fête du printemps, revenu sur sa terre après des emplettes de fin d’année, il avait aperçu des responsables locaux discutant de la destruction de sa ferme. Appelée à la rescousse, la police locale, loin de prendre sa défense, l’avait arrêté. Il n’est pas le seul.

Dans la région de la ville préfecture de Heze 菏泽, fortement urbanisée qui regroupe plus de 8 millions d’habitants, des dizaines de paysans sont dans le même cas. Ils se plaignent que les autorités les obligent à accepter la démolition de leurs fermes et à emménager dans des immeubles collectifs sans se soucier que la nouvelle résidence sans terre et sans espace détruit à la fois leur ancien mode de vie et leurs moyens de subsistance.

Les nouvelles cités qui fleurissent partout dans la campagne, trop éloignées de leurs champs, ne sont plus adaptées aux élevages de porcs et de volailles qui fournissaient d’appréciables revenus complémentaires. Dans les anciens hameaux ruraux, monte le sentiment d’une rupture entre l’administration et la base. « Les dirigeants ont perdu le contact avec nous » se lamente Liu dont la ferme a été détruite.

Des milliers de paysans ont ainsi perdu leur domicile depuis l’année dernière, après l’accélération de la campagne, dont le but semble vouloir éliminer à toute force la pauvreté rurale, par l’éradication des fermes qui en sont le symptôme visible. Les coercitions qui rappellent en effet celles des égarements de la politique de l’enfant unique cités plus haut, vont loin.

Contredisant les règles initiales qui imposaient la consultation des propriétaires, les démolitions ont lieu sans préavis. Ceux qui refusent subissent des pressions. Y compris des actes de vandalisme perpétrés par des nervis. Forçant l’entrée des fermes ils vandalisent le mobilier. Au point que les résidents ont commencé à organiser des groupes de vigiles pour se protéger des saccages ordonnés par les fonctionnaires.


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