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L’aménagement du territoire à marche forcée. Urbanisation, terres arables et « villages consolidés. »

Des cités modernes inadaptées à la ruralité.

Les cités communautaires flambant neuves qui poussent comme des champignons dans la campagne semi-urbanisée, offrent certes une image de modernité. Elles débarrassent le paysage rural des fermes arriérées et sales dont les cours sont jonchées de tas de fumier et d’ordures. Il n’en reste pas moins qu’elles bousculent brutalement un mode de vie et un schéma économique.

Les fermiers qui ont le sens de l’image et de la formule concrète voient les destructions comme une douloureuse « extraction dentaire – 拔牙- baya - ».

Au Shandong, où l’activisme politique a déjà effacé de la carte rurale nombre de villages dans une province où 50% de la population vit dans des « fermes – villages » ayant seulement quelques centaines de résidents, la campagne de remembrement rural, qui ne se soucie que de l’objectif politique énoncé par la tête, a l’intention d’éradiquer des milliers de communes d’ici la fin de l’année.

L’intendance ne suit pas. Dans certains villages, des dizaines de fermiers vivent dans des cabanes en plastique et en tôle construites par les autorités locales qui parent au plus pressé. D’autres ont érigé des baraques en pisé – terre crue humide, branchages et paille – ou payent 2000 Yuan (290 $) de loyer annuel aux autorités locales pour un logement temporaire en attendant mieux.

La colère est palpable « les fonctionnaires se moquent de savoir si vous survivez. Tout ce qui les intéresse c’est que vous signiez un papier les autorisant à détruire votre maison », dit un couple d’expulsés retraités vivant dans un abri de fortune.

La situation rappelle un des soucis de l’appareil : plusieurs centaines de millions de Chinois vivent encore très loin des standards de la Chine urbaine modernisée et flamboyante de la propagande – 600 millions avait dit Li Keqiang lors de sa conférence de presse de l’ANP du 28 mai dernier, aussitôt contredit par la mouvance du Président qui déteste qu’on rappelle publiquement qu’il y a loin de la coupe aux lèvres.

L’agacement est celui du rapport entre le rêve et la réalité que l’actuelle direction politique, toute à son obsession d’efficacité, tente de réduire à marche forcée. Le projet de regroupement des villages que la propagande baptise aujourd’hui « consolidation » comme pour cacher qu’il est d’abord une campagne de « destruction », date en réalité de plus de 20 ans.

Du pragmatisme à l’obsession d’efficacité.

Initié en 2000 par le très pragmatique, très intègre et très direct premier ministre Zhu Rongji, allant directement aux faits et mal aimé des bureaucrates qu’il secouait beaucoup, avait la vertu d’une prudente modernisation locale. Il s’agissait non pas d’éradiquer les villages et les fermes, mais de les aider en leur apportant les techniques agraires modernes, l’amélioration des routes d’accès et la permanence des services sociaux (santé en particulier).

La nouvelle obsession d’efficacité a brisé cet élan du progrès par la patience et la longueur de temps. Les responsables, attachant plus d’importance à l’apparence qu’au fond des choses, les priorités ont progressivement glissé vers le logement dont l’allure générale plaisante et moderne, donne le sentiment que la pauvreté s’est envolée.

Mais, décidément, les nouvelles cités sont incompatibles avec la ruralité où les fermiers doivent par exemple disposer d’enclos d’élevage pour leurs volailles et leurs porcs et de vastes surfaces pour sécher leurs récoltes.

Cité par « Le Vent de la Chine », Lü Dewen, chercheur à l’Université de Wuhan dénonce sévèrement le gâchis du détournement d’un projet vertueux par l’obsession de l’affichage moderniste.

« Cette campagne réduit à néant tous les efforts et les investissements de la dernière décennie pour améliorer les infrastructures dans ces villages. C’est un énorme gâchis des ressources publiques ». Il ajoute une remarque de bon sens : « il ne faut pas forcer les paysans à vivre à l’étage. Ils intègreront naturellement les communes et les villes si les conditions sont réunies, et surtout s’ils y trouvent du travail ».

Lire : Architecture - Urbanisme : Les villages “consolidés” se rebiffent.

Le foncier, ancestral facteur de tensions avec le pouvoir.

A côté des rivalités courtisanes, moteurs d’une administration dont l’activisme brûle les étapes d’une réforme qui aurait dû fixer la paysannerie à la terre en lui apportant techniques agricoles et services sociaux, la valeur du foncier est l’autre facteur d’une accélération aveugle dont la brutalité provoque une longue série d’effets indésirables.

Au Shandong par exemple dans la région de Liaocheng, 6 millions d’habitants en pleine campagne semi-urbaine, 400 km à l’ouest de Qingdao, plus de 6000 villages doivent être regroupés en seulement un millier de communautés toutes relogées dans des immeubles à étages.

La terre ainsi libérée sera attribuée par contrats à des promoteurs et les revenus dégagés constituent une ressource salutaire pour les administrations locales lourdement endettées. Lire à ce sujet : Dettes des provinces : Pékin reprend la main et La face cachée de la dette.

Les transactions sont cependant à la racine de sérieuses frustrations. Les paysans dont les fermes ont été détruites et qui, tous, se disent mal indemnisés, observent avec rancœur l’explosion des prix de leurs lopins qui, une fois qu’ils ont changé de main, passent de la catégorie très peu rémunératrice de « terre arable » à celle de « parcelle immobilière » dont les prix flambent au gré de l’urbanisation rapide.

Une autre tension est liée à l’obstination des paysans attachés bec et ongles à leur terrain qu’ils refusent de vendre aux promoteurs en cheville avec l’administration.

Enfin l’appât du gain est aussi la cause sous-jacente des brutales captations de terres où la police, les promoteurs et les administrations locales font cause commune pour dépouiller les paysans de leurs terres au nom de la modernisation. Rien de neuf. Dans ce monde dont l’âme est restée profondément agraire, les disputes foncières sont depuis toujours les principales sources de rancœurs entre le pouvoir central et les paysans chinois.


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