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›› Politique intérieure

L’APL fortement secouée par la lutte anti corruption

Le général Ma Faxiang Commissaire politique de la marine. Le 13 novembre mis en examen par la Commission Centrale de discipline, il s’est jeté du 15e étage de l’état-major de la marine à Pékin.

Suicides de hauts responsables militaires.

Cet automne entre septembre et novembre trois officiers généraux de l’APL ont mis fin à leurs jours. Le 13 novembre, le Général Ma Faxiang Commissaire Politique de la marine, se défenestrait du 15e étage de l’État-major de la marine à Pékin, alors que la Commission de discipline du Parti l’interrogeait.

Il faisait partie d’un groupe de 8 généraux liés à Xu Caihou et destitués par Xi Jinping durant la première semaine de novembre. Le suicide faisait suite à ceux deux mois plus tôt, de l’Amiral Jiang Zhonghua, chef du département de l’armement de la flotte du sud qui, le 2 septembre avait lui aussi sauté d’une fenêtre d’un hôtel de Zhoushan (Zhejiang) et du général Song Yuwen, Commissaire politique de la région militaire de Jilin qui s’est pendu dans son bureau.

Peu après, le South China Morning Post faisait état de rumeurs qui liaient le suicide du Général Ma Faxiang à des affaires troubles avec l’ancien n°1 des armées, le général Guo Boxiong et avec le Général Li Jinai, ancien commissaire politique de l’APL, prédécesseur de Xu Caihou, tous trois protégés de Jiang Zemin.

La lèpre du népotisme et de l’achat des promotions.

Les commentaires autour des ces suicides renvoyaient aussi à la condamnation à mort avec sursis en 2006 de l’Amiral Wang Shouye, n°2 de la marine, à la suite d’une dénonciation d’une de ses maîtresses jalouses, le tout au milieu d’enquêtes ordonnées par le précédent secrétaire général du Parti Hu Jintao. A cette époque ce dernier avait fait mettre en examen 4000 officiers dont une centaine de hauts gradés. Aujourd’hui, le branle-bas mêlé d’effroi, entouré d’inquiétantes rumeurs qui, 8 années plus tard, impliquent même la tête politique et militaire du système, signale la persistance du malaise et son ampleur.

A côté des détournements de fonds et de matériels appartenant à l’État, un autre syndrome tout aussi catastrophique pour l’efficacité des armées est qu’au moins jusqu’en 2012, il était d’un usage assez répandu d’acheter sa promotion. Au point que les réseaux de Li Jinai et Xu Caihou aujourd’hui sur la sellette seraient impliqués dans la presque totalité des promotions de haut niveau des officiers de l’APL, ce qui signifie que la hiérarchie était largement complice.

Cette réalité explique aussi que, quand Xu Caihou a été arrêté en avril, 18 généraux avaient senti la pressante nécessité de publier chacun une profession de foi dans le Quotidien de l’Armée rappelant leur allégeance au Parti et au Secrétaire Général Xi Jinping. (voir : James Mulvenon : Lawyers, Guns an Money – China leadership Monitor, Automne 2014).

Lire Lawyers, Guns and Money : The Coming Show Trial of General Xu Caihou (document PDF).

La modernisation de l’APL freinée par la corruption.

La secousse qui ébranle aujourd’hui les hautes strates de l’APL jette une lumière crue sur un élément rarement évoqué dans l’appréciation des capacités de l’armée chinoise.

Les commentaires sur la modernisation des forces glosent en effet sur les nouveaux équipements de la marine et de l’armée de l’air ou de la composante missiles ; ils traitent des structures des unités, de la réforme des régions militaires, de la création d’un état-major interarmées dès le temps de paix ou du commandement par systèmes informatiques intégrant à la fois la chaîne des ordres opérationnels, l’acquisition des objectifs et le renseignement que les alliés occidentaux appellent C4 Command, Control, Communications, Computers), I (Intelligence - renseignement -) S (Surveillance), R (Reconnaissance) ;

Mais rares sont les informations couvrant les facteurs sous-jacents de la sélection des chefs militaires, de leur plan de carrière et de leur système d’avancement tout aussi essentiels dans l’estimation des capacités d’une force opérationnelle.

L’éclairage sur le dysfonctionnement corrompu de la chaîne de commandement qui vient de percer la surface de l’APL, mais dont les racines remontent loin dans le temps et semblent étendre leurs réseaux jusqu’à la direction civile chinoise, jettent un doute sur la qualité de l’encadrement des armées chinoises.

Les appuis de Xi Jinping dans l’APL…

L’équipe précédente avait tenté un nettoyage en 2006. Il semble qu’elle n’ait réussi qu’un élagage ponctuel. Xi Jinping va plus loin. L’arrestation brutale de Xu Caihou fut un coup direct porté au labyrinthe de la corruption. Ayant placé à la tête du système une équipe de confiance, le Secrétaire Général qui est aussi chef des armées, semble décidé à pousser plus avant le nettoyage.

Les récents suicides des hauts dirigeants indiquent qu’il frappe juste et se rapproche des responsables. Dans cette entreprise très sensible, il est aidé par ses connexions avec les généraux de l’APL notamment celles avec le Général Liu Yuan, dont l’action déterminée a largement été à l’origine de l’arrestation de Xi Caihou, provoquant de profonds ébranlements à la tête du système. Lire notre article Le Parti revisite son histoire : son regard édulcoré éclaire le présent.

…augmentent l’efficacité de la campagne.

Mais les appuis de Xi Jinping ne s’arrêtent pas à Liu Yuan. Ils dépassent aussi ceux de son épouse Peng Liyuan, major général et chanteuse populaire de l’APL. En réalité, ils plongent leurs racines dans l’attachement de sa famille à la terre du Shaanxi que le n°1 chinois a souvent évoquée, parlant de ses sentiments pour la « Terre jaune » 黄土地情结.

La connivence géographique a crée une fibre de solidarité autour du mythe de la naissance de la civilisation chinoise chez tous ceux qui, comme son père Xi Zhongxun, né à Weinan à 60 km de Xian, y ont leurs racines ou y ont été longuement affectés (voir Li Cheng, China Leadership Monitor, Xi Jinping inner circle, the Shaanxi gang, juillet 2014).

Xi Jinping y a vécu au début de sa vie professionnelle et y a lancé sa carrière politique. C’est aussi dans cette région, près de l’ancienne base révolutionnaire de Yan’an qu’il avait effectué son « stage à la campagne » entre 1969 et 1974, durant la révolution culturelle. Après quoi il fut secrétaire du Parti dans un village des environs.

Le général Geng Biao, vétéran de la longue marche puis ministre de la défense auprès duquel le jeune Xi Jinping avait servi comme secrétaire au début des années 80 était un compagnon d’armes de son père durant la guerre contre le Japon dans la zone militaire du Shaanxi. Aujourd’hui plusieurs des plus importants généraux de la CMC font partie de cette connexion.

C’est le cas du Ministre de la défense, Chang Wanquan (en poste au Shaanxi de 1974 à 2002), du Chef de l’état-major général Fang Fenghui et du Commissaire politique de la marine Liu Xiaojiang qui est aussi le gendre du réformateur Hu Yaobang, dont l’action en faveur de Xi Zhongxun purgé par Mao Zedong fut déterminante quant il était Directeur de la Commission d’organisation du Parti. Le père de Liu Xiaojiang, Liu Haibing, fait aussi partie des militaires ayant servi sous les ordres du père de l’actuel secrétaire général.

Zhang Zhongxun, le père du général Zhang Youxia, l’actuel Directeur du département de l’armement, était aussi un ami proche du père de Xi Jinping. Tous les deux ont servi dans l’armée rouge à la grande époque , le premier comme commandant de l’armée de marche « Shanganning » pour Shaanxi – Gansu – Ningxia, le deuxième comme son commissaire politique. Après 1949, les deux ont continué à servir ensemble au sein du comité militaire de la région Nord – Ouest.

Xi Jinping, un chef des armées incontesté.

Pour nettoyer les écuries d’Augias des armées chinoises, Xi Jinping dispose donc de sérieux atouts dont ses deux prédécesseurs étaient privés. Aucun en effet ne pouvait se prévaloir, grâce à son ascendance familiale directe, de l’arrière plan vertueux de la guerre de libération contre le Japon construit autour d’une coterie de militaires enracinés dans une des provinces chinoises les plus chargées d’histoire et dont les enfants sont aujourd’hui les meilleurs appuis du Secrétaire Général.

Jiang Zemin, protégé de Bo Yibo, père de Bo Xilai qui lui-même cherchait à promouvoir la carrière de son fils, tenait sa promotion du limogeage de Zhao Ziyang au moment de l’intervention de l’APL contre les manifestants de Tian An Men. Une occurrence dont on ne peut pas nier qu’elle n’eut pas, y compris chez les militaires, la même portée prestigieuse que l’épopée de l’APL.

Pour autant, Jiang affichait complaisamment ses liens avec l’armée chinoise, au point que par mimétisme avec Deng Xiaoping il était resté 2 années à la tête de la CMC après la fin de son mandat de secrétaire général du Parti. Mais tout indique qu’il devait cette connivence avec le système militaire à son approbation tacite des corruptions et de la vaste entreprise de vente de grades organisée par Xu Caihou.

Quant à son successeur Hu Jintao, non seulement il n’avait pas ses entrées dans l’APL, mais le fait que Jiang Zemin se soit maintenu à la tête de la CMC pendant deux années après son investiture comme secrétaire général, a beaucoup gêné sa prise en main de l’appareil militaire.

Cette faiblesse explique probablement l’échec de sa lutte contre la corruption, déclenchée après le trop long délai de 4 années après sa prise de fonction à la tête du Parti. Aujourd’hui l’élimination de Xu Caihou et de ses complices réduit considérablement l’influence du clan Jiang Zemin dans l’APL.


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