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L’œil sur la crise en Ukraine, la querelle des concepts de défense. L’implication américaine en question

Doutes sur l’engagement américain.

Le doute court à la fois chez les militaires et dans les instances du KMT au plus haut niveau. En février dernier, l’ancien président Ma Ying-jeou affirmait publiquement que « les Américains vendraient des armes et fourniraient des renseignements, mais n’enverraient pas de troupes ».

Sur le fond, le réalisme affiché de Ma Ying-jeou ferme toute possibilité d’alternative à la stratégie de défense ferme de l’Île par des moyens asymétriques pronés par de DPP et Washington. Seule une coopération aéronavale étroite avec l’US Navy, à la fois dans le Détroit et le long des lignes de communication assurant la sécurité des approvisionnements, assurerait en effet la cohérence d’une stratégie « symétrique » pour affronter l’APL sur un mode classique, destiné à éviter une invasion.

Dès lors que les options militaires seraient épuisées ou difficiles compte tenu du déséquilibre des forces, les seules solutions disponibles seraient les accommodements de coopération économique et politique avec la Chine que Ma Ying-jeou avait d’ailleurs tenté durant ses mandats (2008 – 2016) par le truchement de son « accord-cadre » sur les services.

Finalement, violemment rejetée par une révolte étudiante appuyée par nombre de professeurs d’université et de représentants de la société civile qui, à Taipei, protestèrent contre la signature de l’accord sur les services entre les deux rives, l’initiative jugée trop accommodante avec Pékin, créa une tension qui frappa de plein fouet Ma Ying-jeou et le KMT et fut à l’origine du retour au pouvoir du DPP en 2016.

Lire : Taïwan : Craquements politiques dans l’accord cadre. Les stratégies chinoises en question.

Le pessimisme sur l’engagement américain est partagé par Su Qi, 長蘇起, 72 ans, ancien secrétaire général du Conseil National de Sécurité pendant la mandature du KMT. Le 16 octobre 2020, lui-même avait en effet déclaré à un colloque du Centre d’Études Internationales et de recherche stratégique (CSIS) que les États-Unis n’avaient plus les capacités d’aider Taïwan.

Son appréciation s’appuyait sur des arguments logistiques concrets : « Une fois que le continent aura attaqué, il faudra deux semaines au porte-avions américain pour arriver dans les parages du Détroit. D’ici là, la situation aura déjà changé et il sera trop tard pour que les États-Unis sauvent Taïwan ». Lui aussi avance que la seule alternative reste un accommodement avec la Chine.

Sa conclusion, sans appel, fortement critique de Tsai Ing-wen, prenait le contrepied de la stratégie inflexible du « porc-épic » et suggérait, elle aussi, un apaisement avec Pékin : « Taïwan doit apprendre à s’entendre avec le continent. »

Passant sous silence que la situation particulière de l’Île dont la liberté est suspendue à la pesante menace militaire chinoise et le destin obscurci par le projet de réunification coûte que coûte de Xi Jinping, il ajoutait : « Cela ne signifie pas qu’il faille capituler, mais qu’il est nécessaire de trouver un moyen de s’entendre, comme l’ont fait le Japon, la Corée du Sud et d’autres pays. Tous n’aiment peut-être pas la Chine, mais ils ont appris à s’entendre avec elle. »

Puis, stigmatisant le caractère inflexible des stratégies de Tsai Ing-wen, il soulignait que les choix faits au sommet apporteront le malheur aux « gens ordinaires ».

Enfin, les controverses sur les hypothèses de défense recèlent des non-dits. D’un côté la « stratégie asymétrique » dérivée du concept « global » de l’Amiral Lee débouchant sur la tactique du « porc-épic » de défense territoriale par tous les moyens ; de l’autre, le concept « symétrique », engagement sur un mode classique de « défense dans la profondeur » à la fois dans le Détroit et dans zone d’intérêt opérationnel de l’Île.

Stratégie de défense et équipements.

A chacune de ces deux visions correspondent des types d’équipements dont la nature est non seulement la marque d’une politique de défense, mais aussi le témoin d’un statut lié au complexe militaro-industriel. Les choix d’équipements pas toujours cohérents avec les décisions politiques et les concepts, ni avec l’exigence de continuité nécessaire à la maîtrise des matériels par leurs équipages, témoignent de ces rivalités.

Récemment, un débat enflammé a eu lieu pour savoir si, dans le cadre de la « défense asymétrique », il ne serait pas préférable de réduire le tonnage des frégates prévues au plan d’équipement de 4500 à 2000 tonnes. Mais, s’exprimant pour le KMT, Alexander Huang cité plus haut, a réitéré l’importance de la protection des lignes de communication logistiques et fustigé le choix de se limiter à une défense côtière.

« Si la marine taïwanaise ne peut pas naviguer loin, elle devient une simple extension de l’armée de terre ». Logiquement cette position reflète l’opinion dominante au sein des militaires taïwanais.

De même, alors que l’Amiral Lee Hsi-ming avait fait la promotion des vedettes d’assaut miniatures de 500 tonnes, dès 2019, aussitôt après son départ à la retraite, le projet avait été ralenti, tandis que dès 2021, l’exercice annuel à tir réel Han Kuang revenait à un thème classique, comprenant notamment, à l’opposé de la stratégie du « porc-épic », le contrôle des lignes de communication dans la profondeur, en coopération avec l’US Navy.

Mais au fond, au-delà des concepts, alors que le déséquilibre des forces dans le Détroit ne cessera d’augmenter, l’inquiétude demeure. Tout comme les États-Unis et l’OTAN furent dissuadés d’intervenir en Ukraine par la menace nucléaire russe, le risque existe qu’en dépit du Taïwan Relation Act dont les termes restent ambigus, les États-Unis mesurant les risques de montée aux extrêmes, décident de ne pas se mêler militairement d’un conflit dans le Détroit et de limiter leur aide à un appui logistique et de renseignement.

Même l’Amiral Lee Hsi-ming auteur avec son état-major du « concept de défense globale » qui répétait quand il était en fonction que « l’aide militaire de Washington serait appréciée », ajoutait aussi qu’il partait du principe que « les États-Unis ne risqueraient pas des vies américaines pour défendre l’Île ».

Pour autant, il faut se garder de considérer que les incertitudes stratégiques seraient seulement du côté le l’Île. Pour Pékin, la carte est lourde.


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