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L’opéra italien à la conquête de la Chine

Aujourd’hui l’enthousiasme des Chinois pour Turandot a atteint son apogée. Zhang Yimou, devenu un familier de Puccini et de sa cruelle princesse chinoise au cœur de glace, transformée en amoureuse transie par la grâce d’un prince perse, avait déjà réglé la mise en scène de Turandot dans les grands stades de Séoul, au Stade de France, à Munich et à Barcelone. Aujourd’hui, il prépare ce spectacle, devenu sa mascotte, pour deux représentations, les 6 et 7 octobre prochains, dans le « nid d’oiseau », le grand stade olympique de Pékin, à l’occasion du 60e anniversaire de la République Populaire de Chine. On y attend 200 000 spectateurs. Il n’est pas certain que cette dérive dans la démesure, dont les Chinois sont coutumiers, fasse beaucoup progresser l’art lyrique. Mais au moins introduira t-elle un peu de rêve dans les cérémonies du 60e anniversaire, dont les prémisses transpirent déjà cette paranoïa sécuritaire, prélude au grand défilé militaire. Celui-ci fait déjà couler beaucoup d’encre sur la menace chinoise, un des thèmes préféré des vendeurs d’angoisse, qui font leurs choux gras de l’inquiétude distillée par leurs écrits.

On peut s’interroger sur les raisons de la ferveur chinoise pour Turandot. Peut-être cette représentation mythique et ambigüe d’une Chine imaginaire, à la fois cruelle et fastueuse, au travers d’une histoire d’abord sanglante, mais dont la chute est plutôt « fleur bleue », agit-elle comme un miroir. Les Chinois, qui ne détestent pas l’écho vaguement inquiétant nimbé de mystère et de subtilité que les Occidentaux leur renvoient d’eux-mêmes, y contemplent leur image compliquée, à la fois caricaturée et magnifiée par un Occidental, qui au demeurant ne connaissait rien à la Chine. Il accumula en effet les erreurs historiques, puisque la Cité Interdite, où se déroule l’action, n’existait pas à l’époque où Puccini situait son histoire, tirée d’une légende perse.

Et puis il y a la musique. L’Opéra italien présente peut-être pour les Chinois une double qualité. Il est avant tout la représentation à la fois théâtrale et musicale des passions et des sentiments qui agitent les sociétés humaines. Un thème qui parle naturellement à l’imaginaire des Chinois, dont une partie de la culture baigne dans la complexité des rapports humains. Mais l’Opéra occidental se présente aussi comme un art normé aux règles strictes, une autre particularité également présente dans la tradition chinoise, où la musique était codifiée et où les amateurs d’Opéra classique développent, tout comme les fervents de l’art lyrique occidental, une culture encyclopédique de leurs œuvres et de leurs artistes favoris, dont ils sont souvent capables de réciter ou de chanter tout le répertoire sans se tromper. Il y a dans cette ferveur commune, matière à une véritable connivence. Ceux-là sont aussi choqués par les égarements des metteurs en scène chinois qui, tâtonnant dans les méandres foisonnants de l’expression artistique renaissante et débridée, torturent parfois les œuvres originales du répertoire classique, au point qu’elles en deviennent illisibles.


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