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›› Taiwan

La force irrésistible de l’activisme économique chinois

Peu de territoires ont été autant convoités que Taïwan, par autant de pays éloignés les uns des autres, porteurs de cultures aussi différentes. Les Portugais, les Hollandais, les Chinois, les Français, les Japonais, et indirectement les Américains.

Aujourd’hui, au milieu des inquiétudes de nombre de Taïwanais qui craignent la puissante ombre politique de la Chine, Pékin anticipe que l’apaisement dans le Détroit lui ouvre l’opportunité unique de modifier la situation en sa faveur. Son activisme économique pour resserrer les liens dans le Détroit est en train de passer à la vitesse supérieure.

Formose, « la Belle Ile » des Portugais, devenue Taiwan la Chinoise, aujourd’hui rebelle et éternel enjeu.

« Oh ! Cette île de Formose ! Qui osera raconter les choses épiques qu’on y a faites, écrire le long martyrologe de ceux qui y sont morts ? Cela se passait au milieu de tous les genres de souffrances : des tempêtes, des froids, des chaleurs ; des misères, des dysenteries, des fièvres ». C’est ce qu’écrivait Pierre Loti, en rade de Makung dans l’archipel des Pescadores, le soir du 12 juin 1885, à bord de la Triomphante. Cette nuit même où se mourrait l’amiral Courbet, épuisé par ses longues campagnes en Extrême Orient.

Quand Courbet aborda les parages de Taiwan, l’Ile était chinoise depuis plus de deux siècles. Mais avant d’appartenir vraiment à l’empire mandchou, la « Belle Ile » fut d’abord conquise par un rebelle. Ce dernier l’occupa comme un refuge, après avoir guerroyé contre les envahisseurs mandchous qui venaient de renverser la dynastie Ming. Koxinga, que les Occidentaux se représentent volontiers comme un pirate, était déjà toute une histoire à lui tout seul.

Fils d’un marchand chinois qui écumait la Mer Jaune et d’une courtisane japonaise, il passa les première années de sa vie au Japon, avant d’étudier à l’université impériale de Nankin, puis de devenir l’ardent défenseur de la dynastie Ming contre l’envahisseur manchou en Chine du Sud et à Taiwan, qu’il enleva aux Hollandais en 1661, à la tête d’une petite armée de 20 000 rebelles.

Dix ans à peine après Courbet, Taiwan devint japonaise pour un demi-siècle, jusqu’à la défaite du trop arrogant empire du Soleil Levant. Avec Tchank Kai Chek, qui fuyait la nouvelle dynastie communiste, l’Ile, retrouvant sa vocation de refuge, redevint une rebelle et bientôt un enjeu.

La stratégie chinoise de contournement.

Toujours en rupture, elle est plus que jamais l’objet de convoitises. Aux anciens acteurs - Chinois de la Grande Terre des dynasties Ming et Qing, Chinois du Parti Communiste et du Kuo Min Tang (KMT), aborigènes de Taiwan, Japonais toujours à l’affût -, sont venus s’ajouter les Etats-Unis, vainqueurs du Pacifique, garants forcés, sinon acceptés de la sécurité de la région.

Mais le Parti communiste, qui n’a pas abandonné sa stratégie de menaces militaires pour parer au risque d’une déclaration d’indépendance, a bien compris que, pour négocier en position de force, les pressions militaires directes trop voyantes ne suffisent plus. Elles sont même contreproductives. Il est désormais nécessaire de séduire l’opinion qui fait la force des urnes et porte la fierté identitaire des Taïwanais.

On commença donc par les hommes d’affaires qui vinrent investir sur la « Grande Terre », devenue pour eux le premier marché et la destination de la plupart des délocalisations des grands groupes de l’Ile, dont certains travaillent en sous-traitance pour des entreprises américaines. Une stratégie à laquelle l’accord cadre de coopération économique et commercial, signé en 2010, a donné un coup de fouet.

Voilà bien longtemps que la noria des chefs d’entreprises et agents commerciaux taïwanais, traversant le Détroit vers la Chine a entamé un processus irréversible de rapprochement des intérêts sonnants et trébuchants de part et d’autre du Détroit.

Le mouvement inverse des hommes d’affaires chinois vers Taïwan prend lui aussi de l’ampleur depuis 2008, à la faveur des délégations pléthoriques venues arpenter les opportunités économiques de l’Ile. Voilà que la normalisation est presque achevée, puisque, le 28 juin, ouvrant une brèche dans 60 ans de méfiance et de restrictions policières, Pékin a accepté que, chaque jour, 500 touristes chinois indépendants viennent visiter l’Ile, sans faire partie d’un groupe.

A n’en pas douter, la multiplication des échanges et des visites tisse un cordon ombilical que la Chine s’applique à renforcer. Il est partie intégrante de sa stratégie de séduction et de contournement des méfiances taïwanaises, toujours opposées à la réunification (seulement 5% des Taïwanais souhaitent le retour dans le giron de Pékin, tandis que 20% seraient favorables à l’indépendance de l’Ile).

Pingtan : un projet grandiose soutenu par Pékin.

Les initiatives qui prennent naissance dans cet environnement ambigu, où la pulsion des affaires est assombrie par la crainte des intentions cachées de Pékin, sont spectaculaires. Il en est ainsi du « projet Pingtan », qui porte le nom d’une île enserrée dans un petit archipel à quelques encablures des côtes du Fujian, située à 75 km au sud-est de Fuzhou.

Déjà couvert par un vaste ensemble d’éoliennes, projet phare de l’énergie verte, le district de Pingtan saisi d’une frénésie d’investissements - 38 Mds de $ d’ici 2015 - ambitionne de concurrencer Xiamen et Shenzhen. Plus encore, il est désigné par les autorités de la province et par Pékin comme un projet pilote de la coopération entre Taïwan et la « Grande Terre ».

Chen Hua, la n°2 du Fujian, qui veut faire du site, situé à 150 km de l’Ile, une « base de développement économique commune pour les habitants de Taïwan et du Fujian », ne tarit pas de superlatifs à propos d’une entreprise qui a recueilli l’appui de plusieurs ministères, dont celui du rail, des ressources foncières et des finances.

Déjà, les espaces maritimes sont comblés pour gagner sur la mer, un pont de 5 km de long est sorti de terre au-dessus de la baie de Jingjing, un autre est en construction avec un périphérique de 25 km, tandis qu’on projette de doubler par une liaison TGV l’autoroute qui permet de relier la zone à Fuzhou en 1h 30.

Mais l’entreprise de séduction ne s’arrête pas à l’infrastructure. La zone offrira aussi des services financiers, un terminal boursier, des facilités pour l’installation des professions libérales - avocats et médecins -, l’exemption systématique de taxes et aucune restriction administrative pour les investissements inférieurs à 500 millions de $, qui seront systématiquement accordés.

Enfin, il est prévu que la zone soit reliée à la côte ouest de Taïwan par une liaison de ferries rapides. Ces vastes bâtiments à 2 coques de 97 m de long, jaugeant 6500 tonnes, pourront transporter 900 passagers et 380 véhicules à une vitesse de 40 nœuds. Ce qui placera le port de Taichung, situé au centre de l’Ile à 3 heures de Pingtan, dont les installations portuaires sont en cours d’extension. Le voyage inaugural est prévu pour le 1er septembre.


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