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La peine de mort entre « télé-réalité » et réformes

Naissance d’un nouvel état d’esprit.

En réalité toute la machine judiciaire chinoise évolue lentement vers plus de précision et de subtilité, se libérant peu à peu du carcan politique et se rapprochant progressivement des critères de droit. Tout en dénonçant les survivances expéditives de type populiste qui risquent de multiplier les erreurs judiciaires, « l’évolution mafieuse du système et la survivance des exécutions extrajudiciaires », la sinologue Marie Holzman, très critique du système politique chinois, reconnaît elle aussi que la réflexion sur la peine de mort fait lentement son chemin au sein du Parti, souvent sous la pression de juristes et avocats chinois eux-mêmes.

A ce sujet une affaire récente de condamnation à mort d’une jeune femme mérite attention. Dans le contexte chinois, où les crimes de sang sont un chef d’accusation presque systématiquement sanctionné par la peine capitale, un autre cas plus complexe que celui de Wu Ying, qui, elle, n’avait tué personne, est celui de Li Yan, condamnée à mort en novembre 2010 pour avoir, lors d’une violente dispute assassiné son mari qui la torturait régulièrement.

En dépit de plusieurs appels au secours à la police, celle-ci n’avait jamais réagi, prétextant qu’il s’agissait d’une « affaire de famille ». Mais depuis qu’en août 2012, la peine de mort de Li Yan a été confirmée par une cour d’appel, puis par la Cour Suprême, des voix s’élèvent en Chine, pour la défendre.

Appuyés par des militants étrangers du droit des femmes luttant contre les violences domestiques, les défenseurs de Li Yan font circuler une pétition, signée par 400 intellectuels et avocats pour demander à la justice de surseoir à l’exécution.

Dans le même temps, les appels répétés pour dénoncer les violences faites aux femmes ont suscité une enquête de la Cour Suprême dont le rapport a été rendu public en janvier 2013. Ce dernier met notamment à jour les lacunes du droit chinois, où il n’existe aucune description précise des conditions de déclenchement des enquêtes et mise en accusation dans les cas de violences conjugales. Une situation qui nourrit l’inertie de la police, en partie à l’origine du drame de Li Yan.

Il est vrai que la Chine est largement en tête des statistiques mondiales pour le nombre d’exécutions. Un article de perspectives chinoises de 2005 évoque le chiffre de 2750 condamnations à mort par an, dont plus de 1800 sont exécutées, avec cependant une nette tendance à la baisse. En l’absence de données officielles Amnisty International parle de « plusieurs milliers », tandis que des chiffres officieux circulent sur le web, notamment par la fondation Dui Hua, faisant état de 5000 à 6000 exécutions chaque année.

Également dénoncé par nombre d’organisations internationales de droits de l’homme pour sa pratique de la peine capitale jugée à l’emporte pièce, parfois arbitraire, assez souvent entachée d’erreurs, et appliquée pour des crimes et délits sans décès directs des victimes (avec cependant un nombre d’exécutions par habitant estimé inférieur à Singapour et à l’Iran), le Parti a, depuis 2005, engagé des réformes de fond de son appareil judiciaire et de la peine capitale, dont il est néanmoins important de préciser qu’elles ne sont pas mises en œuvre sur tout le territoire avec la même célérité. Plus encore, les campagnes de répression de la criminalité (yan da – 1983, 1996, 2001, 2010, 2011…), où le nombre de condamnations à mort, y compris collectives, monte en flèche, constituent, à chaque fois, un freinage du rythme des réformes.


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Par Caligula Le 10/03/2013 à 23h28

La peine de mort entre « télé-réalité » et réformes.

Bonsoir,

« Une autre réforme adoptée en 2006, stipule que les aveux et témoignages obtenus sous la torture ne peuvent plus être constitués en preuves. »

C’est un bon début...En cela, ils sont en avance sur Guantanamo.

« ...d’une série de modification des procédures d’exécution pour une plus grande humanité (...), et une meilleure transparence (annonce officielle de l’exécution qui ne doit cependant pas être publique) »

N’oublions pas qu’en France, la fin des exécutions publiques (effectuées avec une guillotine, question choquant on peut difficilement faire pire) n’est intervenue qu’au début du XX° siècle...soit un peu plus de cent ans aprés la déclaration des droits de l’homme.

Toute réforme en matière de justice est un pas en avant.

Salutations.

Par La Rédaction Le 12/03/2013 à 08h39

La peine de mort entre « télé-réalité » et réformes.

Notre lecteur a mille fois raisons de mettre les choses en perspective, à la fois dans le temps et dans l’espace. Mais, il nous fera l’amitié de constater que Question Chine ne porte aucun jugement de valeur. Nos analyses, qui s’efforcent de n’avoir jamais de connotation morale, et de ne jamais approuver ou désapprouver, ne visent qu’à tenter de comprendre, sinon anticiper – ce qui est plus complexe - l’évolution de la Chine.

Pour ce faire, nous portons notre attention sur certains événements plus que sur d’autres, en ayant bien conscience que ce choix est subjectif et peut s’avérer erroné. Enfin, nous voulons croire que nos lecteurs sont bien convaincus que, si notre site traitait des États-Unis ou de la France, il tenterait aussi de comprendre ce que signifient socialement, politiquement et culturellement qu’au XXIe siècle et dans un pays où la notion d’indépendance de la justice, la morale et la politique sont aussi étroitement imbriquées, subsiste un centre de détention – hors territoire et hors système judiciaire - comme Guantanamo, ou encore que la France, pays des droits de l’homme, ait maintenu jusqu’en 1939, le caractère public des exécutions capitales, de surcroît pratiquées par le truchement de ce « théâtre sanglant » qu’était la mise à mort par décapitation.

Pour mémoire, la préoccupation politique et morale des droits humains est aussi vieille que la civilisation. Elle n’en a pas moins été bafouée tout au long de l’histoire des hommes et elle l’est encore tous les jours, y compris chez ceux qui s’en réclament comme d’un emblème. Les regains de vigueur qu’elle a connus ont presque toujours succédé à de grands massacres.Mais on ne peut pas nier qu’elle progresse partout, même si cette progression est inégale.

Les experts de la question considèrent que le premier document qui exprimait cet idéal daterait de 539 avant Jésus-Christ, rédigé par le Perse Cyrus, après la conquête de Babylone.

http://bit.ly/12KIc00

Une autre pierre significative de ce combat de justes pour éliminer les traitements inhumains et l’arbitraire date de 1689. Elle est anglaise et a été posée sur cette longue route après les guerres civiles qui ravagèrent le pays.

http://bit.ly/13QC0mw

La déclaration française ne vient qu’un siècle plus tard, mais a été suivie des vastes tueries que nous savons. Quant à la Charte Internationale des droits de l’homme, à laquelle tous se réfèrent aujourd’hui au nom des Nations Unies, adoptée en 1948 après les grands massacres de la 2e guerre mondiale, elle a été rédigée par un comité international, où figurait le Chinois Peng-chun Chang dont la contribution pour conférer un caractère universel à la déclaration a été capitale.

http://bit.ly/Zwbl7I

Enfin voici une étude intéressante qui traite de l’évolution de la peine de mort au cours de l’histoire et dans le monde. (document pdf).

http://bit.ly/13QC0Tx

A partir de la page 58, elle évoque l’abolition internationale de la peine de mort, avec une réflexion sur la peine capitale en temps de guerre. Elle conclut par la citation de Victor Hugo qui considérait que la « la peine de mort était le signe spécial et éternel de la barbarie », dans : Ecrits sur la peine de mort, Victor Hugo, Acte Sud, 1979.

Par Caligula Le 12/03/2013 à 18h40

La peine de mort entre « télé-réalité » et réformes.

Bonsoir,

Petit rectificatif...ma comparaison entre la Chine et Guantanamo était un trait d’humour. Rien de plus.

Je ne fais pas partie des personnes qui voudraient uniformiser (universaliser ?) la politique, le sociale, la culture... Tous les peuples, les pays sont differents. De la Chine et ses siècles d’existences, en passant par le proche-orient (la perse...), jusqu’aux USA et ses cinq siècles d’histoire moderne, on ne peut pas tout confondre, tout formater.

Votre site est neutre, et je vous en remercie. Dorénavant j’eviterai de faire des calembours idéologiques.

Je vous remercie de m’avoir, néanmoins répondu, et vous encourage à poursuivre votre oeuvre.

Salutations.

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