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La peine de mort entre « télé-réalité » et réformes

De sérieuses réformes, mais de faibles perspectives d’abolition.

Depuis 2006 la Commission des Affaires juridiques du Parti a publié plusieurs directives allant dans le sens de la diminution du nombre des condamnations à mort, de la lutte contre l’arbitraire, de la réduction du nombre d’erreurs judiciaires et d’une meilleure transparence.

A cet effet, les audiences en 2e instance des procès pouvant conduire à la peine capitale et où les faits sont mal établis, ont été rendues publiques, tandis que la Cour Suprême a été chargée de réviser tous les jugements assortis d’une sentence de mort, et de publier dans le détail les attendus de ses décisions qui renvoient les condamnations à mort aux tribunaux locaux pour révision – dans 15% des cas -. (Ce fut le cas pour Wu Ying dont le cas est rejugé par un tribunal du Zhejiang.) Une autre réforme adoptée en 2006, stipule que les aveux et témoignages obtenus sous la torture ne peuvent plus être constitués en preuves.

Mais, la réforme la plus significative depuis 1997, aura été, en 2011, le 8e amendement au code de justice criminelle qui élimine de la liste des crimes passibles de la peine capitale 13 délits allant du trafic d’œuvres d’art et de métaux rares ou précieux, aux pillages des sites funéraires archéologiques, en passant par toute une série de corruptions, fraudes fiscales et financières, faux et usage de faux, qui constituaient jusqu’alors 19% des motifs de condamnation à mort. A quoi s’ajoutent des provisions particulières du 8e amendement invitant à la clémence pour les personnes âgées et les mineurs.

Il est clair que cette évolution qui réajuste l’éventail des sentences ainsi que des chefs d’accusation liés à la peine de mort, signale une évolution de la vision sécuritaire du pouvoir, qui semble chercher un meilleur équilibre entre répression et droits des individus.

Ces réformes de fond ont été accompagnées d’une série de modification des procédures d’exécution pour une plus grande humanité (généralisation progressive des triples injections, comme aux États-Unis, notification systématique aux familles), et une meilleure transparence (annonce officielle de l’exécution qui ne doit cependant pas être publique), dans un contexte général où le pouvoir – sans cependant rendre public une liste exhaustive et nominative des mises à mort – annonce que le nombre d’exécutions aurait diminué de plus de 40% entre 2000 et 2010.

Certains observateurs ont, après les ajustements de 2011, avancé que le système chinois pourrait désormais évoluer vers l’abolition. Rien n’est moins sûr. En Chine, l’avenir de la peine de mort n’est en effet pas lié à des considérations culturelles, sociétales ou psychologiques. Plus qu’ailleurs, il dépend de la volonté politique du pouvoir, de l’état de la société et de la qualité des rapports entre eux.

Dans ce contexte, précise Zhou Zhenjie, spécialiste du droit criminel chinois à l’Université du Peuple, « la première préoccupation du Bureau Politique ne sera ni humanitaire ni liée au droit des individus, mais tributaire de son appréciation des conséquences politiques de l’abolition ».

« Alors que la société est entrée en effervescence, traversée par une criminalité en augmentation, de sérieux phénomènes de corruption, et de fortes méfiances de l’opinion à l’égard du pouvoir, le choix le plus rationnel serait de maintenir un arsenal répressif modéré, d’accélérer les réformes économiques et la redistribution des richesses, tout en développant un dispositif institutionnel permettant de contrôler le Parti de l’extérieur ».

Mais, ajoute Zhou Zhenjie, « aucun dirigeant n’est aujourd’hui en mesure d’anticiper les risques que de telles réformes feraient peser sur la stabilité sociale du pays et le magistère du Parti ». C’est pourquoi, « la sévérité des sanctions pénales restera encore longtemps le moyen le plus facile de répondre au mécontentement social et de montrer que le pouvoir répond efficacement à l’aggravation de la criminalité ».

En même temps, la tendance populiste du pouvoir, « qui s’applique à rallier les faveurs du peuple et à regagner sa confiance » contribuera au maintien de la peine de mort pour répondre aux indignations publiques et, si nécessaire, sanctionner ceux qui auront gravement discrédité l’image du Parti.

Cette tendance sera pour un temps encore favorisée par une opinion publique plutôt favorable à la peine capitale, même s’il est vrai que le pourcentage des inconditionnels diminue régulièrement. Selon des enquêtes régulières menées par l’Académie des Sciences Sociales, ils étaient 95% en 1995, 60,6% en 2005, avec un pourcentage d’abolitionnistes en forte augmentation. En 2008, les « pros » ne représentaient plus que 57,8%, alors que 14% y étaient opposés et que 28% se déclaraient indécis.

The Death Penalty in China : Reforms and Its Future (fichier pdf).


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Par Caligula Le 10/03/2013 à 23h28

La peine de mort entre « télé-réalité » et réformes.

Bonsoir,

« Une autre réforme adoptée en 2006, stipule que les aveux et témoignages obtenus sous la torture ne peuvent plus être constitués en preuves. »

C’est un bon début...En cela, ils sont en avance sur Guantanamo.

« ...d’une série de modification des procédures d’exécution pour une plus grande humanité (...), et une meilleure transparence (annonce officielle de l’exécution qui ne doit cependant pas être publique) »

N’oublions pas qu’en France, la fin des exécutions publiques (effectuées avec une guillotine, question choquant on peut difficilement faire pire) n’est intervenue qu’au début du XX° siècle...soit un peu plus de cent ans aprés la déclaration des droits de l’homme.

Toute réforme en matière de justice est un pas en avant.

Salutations.

Par La Rédaction Le 12/03/2013 à 08h39

La peine de mort entre « télé-réalité » et réformes.

Notre lecteur a mille fois raisons de mettre les choses en perspective, à la fois dans le temps et dans l’espace. Mais, il nous fera l’amitié de constater que Question Chine ne porte aucun jugement de valeur. Nos analyses, qui s’efforcent de n’avoir jamais de connotation morale, et de ne jamais approuver ou désapprouver, ne visent qu’à tenter de comprendre, sinon anticiper – ce qui est plus complexe - l’évolution de la Chine.

Pour ce faire, nous portons notre attention sur certains événements plus que sur d’autres, en ayant bien conscience que ce choix est subjectif et peut s’avérer erroné. Enfin, nous voulons croire que nos lecteurs sont bien convaincus que, si notre site traitait des États-Unis ou de la France, il tenterait aussi de comprendre ce que signifient socialement, politiquement et culturellement qu’au XXIe siècle et dans un pays où la notion d’indépendance de la justice, la morale et la politique sont aussi étroitement imbriquées, subsiste un centre de détention – hors territoire et hors système judiciaire - comme Guantanamo, ou encore que la France, pays des droits de l’homme, ait maintenu jusqu’en 1939, le caractère public des exécutions capitales, de surcroît pratiquées par le truchement de ce « théâtre sanglant » qu’était la mise à mort par décapitation.

Pour mémoire, la préoccupation politique et morale des droits humains est aussi vieille que la civilisation. Elle n’en a pas moins été bafouée tout au long de l’histoire des hommes et elle l’est encore tous les jours, y compris chez ceux qui s’en réclament comme d’un emblème. Les regains de vigueur qu’elle a connus ont presque toujours succédé à de grands massacres.Mais on ne peut pas nier qu’elle progresse partout, même si cette progression est inégale.

Les experts de la question considèrent que le premier document qui exprimait cet idéal daterait de 539 avant Jésus-Christ, rédigé par le Perse Cyrus, après la conquête de Babylone.

http://bit.ly/12KIc00

Une autre pierre significative de ce combat de justes pour éliminer les traitements inhumains et l’arbitraire date de 1689. Elle est anglaise et a été posée sur cette longue route après les guerres civiles qui ravagèrent le pays.

http://bit.ly/13QC0mw

La déclaration française ne vient qu’un siècle plus tard, mais a été suivie des vastes tueries que nous savons. Quant à la Charte Internationale des droits de l’homme, à laquelle tous se réfèrent aujourd’hui au nom des Nations Unies, adoptée en 1948 après les grands massacres de la 2e guerre mondiale, elle a été rédigée par un comité international, où figurait le Chinois Peng-chun Chang dont la contribution pour conférer un caractère universel à la déclaration a été capitale.

http://bit.ly/Zwbl7I

Enfin voici une étude intéressante qui traite de l’évolution de la peine de mort au cours de l’histoire et dans le monde. (document pdf).

http://bit.ly/13QC0Tx

A partir de la page 58, elle évoque l’abolition internationale de la peine de mort, avec une réflexion sur la peine capitale en temps de guerre. Elle conclut par la citation de Victor Hugo qui considérait que la « la peine de mort était le signe spécial et éternel de la barbarie », dans : Ecrits sur la peine de mort, Victor Hugo, Acte Sud, 1979.

Par Caligula Le 12/03/2013 à 18h40

La peine de mort entre « télé-réalité » et réformes.

Bonsoir,

Petit rectificatif...ma comparaison entre la Chine et Guantanamo était un trait d’humour. Rien de plus.

Je ne fais pas partie des personnes qui voudraient uniformiser (universaliser ?) la politique, le sociale, la culture... Tous les peuples, les pays sont differents. De la Chine et ses siècles d’existences, en passant par le proche-orient (la perse...), jusqu’aux USA et ses cinq siècles d’histoire moderne, on ne peut pas tout confondre, tout formater.

Votre site est neutre, et je vous en remercie. Dorénavant j’eviterai de faire des calembours idéologiques.

Je vous remercie de m’avoir, néanmoins répondu, et vous encourage à poursuivre votre oeuvre.

Salutations.

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