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›› Politique intérieure

La roche tarpéienne de Fan Bing Bing

Fan Bing Bing dans le rôle de l’impératrice Ulanara 2e épouse de l’Empereur Qianlong, dans le film « Portait interdit » de Charles de Meaux. De dos son portraitiste, le jésuite Jean-Denis Attiret (1702 – 1768), de son nom chinois Wang Zhi Cheng (王 致 诚). Ayant les faveurs de l’Empereur, il vécut 31 ans dans la Cité Interdite où il réalisa 200 portraits. Celui d’Ulanara, surnommé « La Joconde chinoise » est toujours exposé au musée de Dôle. Le rôle de Jean-Denis Attiret est joué par Melvil Poupaud. Le rôle de l’Empereur Qianlong est joué par Huang Jue, celui du jésuite Castiglione, mentor d’Attiret par Thibault de Montalembert. Féodor Atkine interprète le frère Paul.


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Célèbre en Chine, depuis qu’elle interpréta, à 16 ans, dans série TV « Le retour de la princesse des perles » le rôle de la servante Jin Suo accompagnant Xia Ziwei, la fille bâtarde de l’Empereur Qianlong partie à la recherche son père, Fan Bing Bing - 范冰冰- 37 ans, était l’une des actrices chinoises les plus en vogue, étroitement intégrée au Gotha international du cinéma.

Comédienne formée à l’académie de théâtre de Shanghai, chanteuse et mannequin, directrice de son propre studio de production, fondatrice d’une école de beaux arts au nord de Pékin, sa popularité avait atteint des sommets avec les film Bouddha Mountain, en partie censuré en Chine (2010 – meilleure actrice au festival de Tokyo), une chronique de la vie de trois adolescents perturbés en rupture avec la société et Shaolin (2011) où elle incarnait aux côtés de Jackie Chan (l’écuyer Wu Dao), l’épouse d’un Seigneur de la Guerre Hou Chieh trahi et déchu parti se ressourcer chez les moines de Shaolin, joué par Andy Lau.

On la voit aussi en 2014 dans la version chinoise de « Iron man 3 » et dans le rôle de Clarice Ferguson alias « Blink » aux côtés de Halle Berry et Anna Paquin dans « X-Men jours d’un avenir passé », tiré d’une bande dessinée de science fiction apocalyptique.

En 2016, au festival international du film de Saint-Sébastien, elle remporte la « Coquille d’argent » de la meilleure actrice pour son rôle dans « I am not Madame Bovary » titre chinois : Wo bu shi Pan Jin Lian 我 不是 潘 金链 – Je ne suis pas Pan Jin Lian -, en référence à l’un des trois personnages féminins de Jin Ping Mei – 金瓶梅 – le roman de mœurs des Ming où Pan Jin Lian incarne « la femme fatale », caractère sulfureux de la littérature chinoise, devenue également la patronne des prostituées et des maisons closes.

En 2017 elle joue dans « Le Portait interdit », un film subtil du cinéaste français Charles de Meaux qui relate l’histoire vraie et énigmatique de la rencontre entre l’impératrice Ulanara, ancienne concubine et seconde épouse de l’empereur Qianlong et le missionnaire jésuite Jean-Denis Attiret devenu peintre officiel à la Cité Interdite, chargé de faire son portait dont l’original est exposé en France au musée de Dole.

Depuis 4 ans Fan Bing Bing était classée par le magazine Forbes actrice chinoise la mieux payée en Chine avec un revenu annuel de 40 millions d’€. En mai 2017, elle était membre du jury des longs métrages au 70e festival de Cannes présidé par Pedro Almodovar où elle avait fait la promotion de « 355 », film américain d’espionnage de Simon Kinberg (sortie prévue en 2019) où elle apparaissait en compagnie des Américaines Jesssica Chastain (la productrice et actrice vedette du film) et Penelope Cruz, de la Française Marion Cotillard et de la Kenyane Lupita Nyong’o.

Revers de fortune.

Cui Younguan avec Fan Bing Bing. Animateur de talk-show chinois « dites les choses telles qu’elles sont » et « Causeries avec Xiao Cui », est l’homme par qui le scandale arriva. Il s’excusa par la suite disant que, mis sous pression par le public, il s’était “laissé aller“.


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Le destin a basculé en 2018, quand sa gloire artistique et l’ampleur de sa fortune qui hypnotisaient la jeunesse en quête de rêves, ont percuté de plein fouet les vieilles racines morales chinoises plongeant à la fois dans l’exigence d’harmonie confucéenne et de modestie et l’inexorable brutalité de la lutte contre la corruption dont l’actuelle administration tire une partie de sa légitimité.

En même temps le régime nourrit l’ambition de mieux réguler les cachets des acteurs vedettes qui hypothèquent une part importante des budgets des productions, tout en cherchant à articuler l’audience et leur bénéfices à la qualité plutôt qu’à la présence de « tsars » médiatiques surpayées. Au-dessus de ce paysage plane la censure et la mise aux normes aux caractéristiques chinoises qui, l’audience chinoise aidant, ne sera pas sans effet sur le cinéma mondial.

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Le pouvoir n’ignorait certes pas les dessous troubles de la fortune de Fan atténuée aux regards publics par des arrangements factices connus sous le nom de « contrats Yin Yang – 阴阳合同- » divisant par 5 ses revenus réels, dessinant un système d’évasion fiscale d’autant plus sensible que l’administration, les groupes publics et les députés sont depuis 2012 l’objet d’une sévère campagne de rectification ayant destitué et mis en prison des dizaines de milliers de responsables accusés de corruption.

Mais la popularité de Fan et son caractère affable lui avaient jusqu’à présent conféré l’immunité, la protégeant de la rigueur inquisitrice de la Commission de discipline.

Revers de fortune politique, au printemps 2018, l’étalage sur la place publique de la supercherie fiscale par le talk-show « Dites les choses telles qu’elles sont – 告诉它它是这样- » de Cui Yongyuan - 崔永元, a mis le pouvoir dans la position compliquée d’avoir à sanctionner une personnalité adulée par l’opinion chinoise et dont le visage figurait sur les publicités pour L’Oréal, Cartier, Guerlain en Asie et en Australie.

Populaire pour avoir transgressé les codes et le style compassés des journalistes de la télévision d’État, Cui, l’homme par qui le scandale arriva - et qui, par la suite se serait excusé d’avoir déclenché l’opprobre - a publiquement fait état, sur son compte Weibo, du secret de polichinelle des contrats « Yin - Yang » de Fan.


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