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La sulfureuse saga de la famille Bo

Bo Xilai : Un bilan contrasté à Chongqing.

Le troisième acte se joue à partir de 2007 à Chongqing où est en train de se nouer le drame ponctué par la mort mystérieuse de Neil Heywood, revenue à la surface peu après et, peut-être, à la faveur de la destitution de Bo Xilai. Compte tenu de ses antécédents, ce dernier était depuis longtemps surveillé par la puissante Commission Centrale de discipline du Parti, dont le secrétaire n’est autre que He Guoqiang, ancien Secrétaire Général de Chongqing, un des prédécesseurs de Bo dans la municipalité autonome.

L’affectation de Bo Xilai à Chongqing qui, après avoir été ministre du commerce, avait d’autres ambitions, sonne comme un coup d’arrêt dans sa trajectoire de pouvoir. Elle est le résultat du raidissement de Wen Jiabao qui, au fait des enquêtes de la Commission de Discipline, avait jugé qu’il était sage de réduire l’exposition internationale de Bo et de lui fermer la route vers le pouvoir suprême. Il n’est pas impossible que, déjà en 2007, le Parti, qui continuait d’enquêter, ait eu en tête que l’exil de Bo Xilai à Chongqing serait sa dernière affectation.

A la lumière de cette analyse, la suite apparaît comme une succession de dérapages qui ne pouvaient qu’indisposer encore plus le Parti, et dont le but semblait être de forcer son passage vers les plus hauts sommets par des voies hétérodoxes. En redonnant vie à la geste maoïste, Bo avait en effet exhumé les craintes du chaos qui hantent les apparatchiks depuis la révolution culturelle. Même la manière dont l’équipe Bo - Wang avait mené la lutte contre la mafia devient aujourd’hui suspecte.

S’il est vrai que les deux hommes ont combattu les mafias locales, l’hydre du crime organisé a gardé quelques têtes qui, en attendant des jours meilleurs, ont fait allégeance à Bo dans une manœuvre tactique favorisée par les talents d’avocat de Gu Kailai. Le résultat aura certes été un élagage de la société souterraine et la construction, grâce à la contribution obligée des groupes publics, de logements à bas prix, dans un bilan économique global très positif, marqué par une croissance du PNB de 16% en 2011.

Un style controversé et une éviction brutale

Mais le bilan de Bo offre aussi l’image d’un contrôle économique et politique serré de la municipalité, où le partage des prébendes liés aux projets immobiliers, les aides financières aux industriels, attribuées en échange de commissions, les pressions effectués sur les avocats des suspects comme sur les groupes industriels réticents, les passe droits variés distribués aux alliés étaient étroitement placés sous la coupe du Secrétaire Général et de son clan. Le tout dans un atmosphère générale de chasse aux sorcières, ponctuée par des arrestations massives, des tortures de suspects et des procès collectifs fortement médiatisés.

Le Parti n’ayant pour l’heure fait aucune mise au point sur les causes réelles de la destitution de Bo Xilai, ni sur l’affaire Niel Heywood, les dernières évolutions ouvrent la porte à toutes les spéculations. La rumeur la plus insistante serait que Wang Lijun aurait mis à jour la corruption de son patron qui l’aurait menacé, déclenchant l’enchaînement désastreux pour l’image de la Chine de la fuite à Chengdu, puis cinq semaines plus tard, de la destitution en pleine session de l’ANP d’un secrétaire général très emblématique, apprécié par une parti du peuple et par la presse internationale.

Il reste que le Parti, soucieux de son image, n’aurait pas provoqué un cataclysme public de cette ampleur pour une simple affaire de corruption. Il fallait que Bo Xilai soit perçu comme une menace. Celle-ci pourrait n’avoir eu qu’une origine politique. Mais là encore, Pékin aurait pu procéder avec plus de souplesse.

La manière brutale signale donc la volonté d’en découdre rapidement, d’autant que l’expérience de Chongqing avait recueilli de nombreux appuis parmi les Chinois excédés par la longue liste des effets pervers, sociaux et éthiques, de la modernisation capitaliste. Les soupçons de meurtre ou de complicité d’assassinat pourraient avoir été le principal déclencheur de la tourmente.

Le limogeage de Bo Xilai n’a pas laissé les internautes indifférents. Beaucoup ont pris sa défense, avant que le Parti ne les censure : « Bo Xilai s’en va et le peuple pleure ; le rêve d’une prospérité partagée s’effondre ! Les officiels corrompus en rient. Ils peuvent continuer à pressurer le peuple et à lui extorquer son argent ».

D’autres s’alignent sur les exhortations de Wen Jiabao : « Nous sommes au XXIe siècle. Un milliard trois cent millions de Chinois sont entrés dans l’ère moderne… Pourtant le peuple cherche encore un sauveur ou un empereur généreux. Mais nous avons exactement besoin de ce qu’a expliqué Wen Jiabao. Nous devons nous réveiller ! Ce qu’il nous faut c’est un bon système, pas un homme providentiel, un état de droit, l’ouverture et la transparence ». Au fond ces deux extraits résument assez bien le dilemme politique auquel la Chine est confrontée aujourd’hui.

Pour l’heure, le Parti est, avec cette affaire, placé sous l’ombre calamiteuse de meurtres dans l’entourage de la famille Bo, dont l’une des victimes est un citoyen de sa majesté britannique, dont la justice réclame des explications. Le tout, dans une ambiance de secret total, exactement à l’opposé de ce que souhaite ce deuxième internaute et la classe des réformateurs, tandis que la probabilité que toute la lumière soit faite est extrêmement mince.

Certains y verront sûrement l’occasion inespérée de se débarrasser définitivement d’un homme sulfureux qui a perdu son poste à Chongqing, mais pas encore sa place au Bureau Politique.

Mise à jour le 11 avril

Le 10 avril, la chaîne de télévision chinoise CCTV annonçait que Gu Kai-lai, épouse de Bo Xilai et une servante de la famille, Zhang Xiaojun, avaient été mises en examen en liaison avec la mort de Neil Heywood et que Bo Xilai lui-même avait été exclu du Comité Central et du Bureau Politique pour « sérieux manquements aux règles de discipline internes ». Les trois ont été mis à la disposition de la justice.


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