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›› Technologies - Energie

Le 2e porte-avions a quitté le chantier de Dalian

Le 26 avril dernier, à Dalian, la marine chinoise a lancé son premier porte-avions entièrement construit en Chine. Jaugeant 50 000 tonnes, le nouveau PA dont seulement la coque et les superstructures ont été achevées entre dans une phase d’essais moteurs, de contrôle de la stabilité et d’intégration des équipements électroniques. Il devrait être opérationnel en 2020.

Construit selon les plans des PA soviétiques de la classe Kuznetsov équipé d’une rampe de décollage sans catapulte – semblable au Varyag dont la carcasse achetée en 2000 à l’Ukraine a servi de base industrielle au Liaoning, opérationnel depuis novembre 2016 -, le 2e porte-avions chinois, pour le moment baptisé « Shandong », marque une accélération du programme. Ce dernier devrait continuer avec la construction d’au moins 4 unités plus importantes se rapprochant des tonnages américains, avec pont d’envol horizontal et catapultes autorisant des charges au décollage plus lourdes.

Selon le South China Morning Post (SCMP), le 3e PA aujourd’hui en développement serait équipé d’au moins 3 catapultes dont le type est, pour l’heure, indéfini. Des images satellites montrent en effet que la base aéronavale de Huludao située sur le rive nord-ouest du golfe de Bohai où sont basés les J-15 dérivés des SU-33 russes équipant l’aéronavale chinoise, expérimente un modèle de catapulte électromagnétique en même temps que le modèle à vapeur classique.

Un développement inquiétant pour les voisins.

Lancée au milieu des années 80 par l’amiral Liu Huaqing, ancien commandant de la marine et vice-président de la commission militaire centrale décédé en 2011, la modernisation de la flotte de guerre chinoise est un indéniable succès technique.

Avec le double objectif d’afficher une puissance navale de premier rang en phase avec le nouveau statut international de la Chine et de protéger ses intérêts navals dont chacun sait qu’ils heurtent ceux du Japon en mer de Chine de l’Est et ceux d’une partie de l’ASEAN en mer de Chine du sud, le développement accéléré de la marine de l’APL, défiant également l’US Navy, suscite quelques inquiétudes régionales à New-Delhi, à Taiwan et au Japon.

Le 27 avril, un article du Times of India, minimisait la portée du lancement du PA chinois en arguant des délais de sa mise en service opérationnelle, mais s’alarmait de l’allongement des déploiements de la marine chinoise - y compris des sous marins nucléaires et classiques – qui, sous prétexte de lutte contre la piraterie, opéraient en réalité un « encerclement de l’Inde ».

On voyait désormais la flotte de guerre chinoise partout dans l’océan indien, vers l’Afrique de l’Est, les Seychelles, Maurice, le Sri Lanka, le Bangladesh, le Myanmar, à quoi s’ajoutent le Cambodge, devenue un arrière cour chinoise, la base de Gwadar au Pakistan et celle, hautement stratégique de Djibouti.

Lire nos articles :
- Fan Changlong n°1 de l’APL au Pakistan.
- Les tribulations de l’axe sino-américain du monde.

*

Au Japon qui, avec son alliance américaine, constitue un rival militaire inquiétant pour la Chine, le développement de la marine de l’APL renvoie, non seulement aux tensions en mer de Chine du sud, mais également à la controverse plus directe autour de l’îlot Senkaku, symbole sensible de la souveraineté maritime de Tokyo, à mi-chemin entre Okinawa et Taïwan.

Début février le général Mattis, secrétaire d’État à la défense de Donald Trump en visite au Japon, ayant affirmé que « les Senkaku étaient sous administration japonaise », s’était attiré une remarque cinglante du Waijiaobu chinois « les commentaires erronés des hommes politiques américains mettent en danger la stabilité de l’Asie ».

La remarque de Mattis faisait suite à l’encerclement en août dernier pendant une semaine des îlots Senkaku par une flotte de 300 pêcheurs escortés par 15 garde-côtes chinois. La montée en puissance maritime de la Chine, défi aux ambitions japonaises d’exercer son propre magistère en Asie, à quoi s’ajoutent les récentes tensions de la péninsule coréenne, provoque à Tokyo, une remise en question de la constitution pacifique.

Lancée le 16 juillet dernier suite à l’approbation par la chambre des représentants d’un texte réinterprétant l’article 9, la réforme contestée par 57% des Japonais, vise à autoriser les forces d’auto-défense à s’engager loin de ses bases, aux côtés de la marine américaine.

*

A Taïwan, dont le gouvernement refuse de reconnaître formellement la politique d’une seule Chine, Tsai Ing-wen, la présidente indépendantiste subit clairement les pressions diplomatiques et militaires chinoises, marquées par des mouvements de ses chasseurs de combat et de sa marine aux approches de l’Île.

Confirmant que la stratégie de Pékin à l’égard de Taïwan avait évolué de la négociation à la pression, le 10 décembre dernier, quatre chasseurs de combat s’étaient approchés de l’Île en réaction à l’échange téléphonique entre Donald Trump à Tsai Ing-wen ; un mois plus tard, dans une démonstration de force ostensible, le PA Liaoning et son escorte traversaient le Détroit.

Lire aussi :
- Pékin augmente ses pressions sur Tsai Ing-wen.
- Tempête autour d’un échange téléphonique.

Conséquence, le 17 mars dernier, le ministre de la défense taïwanais Feng Shih-kuan annonçait un programme de remise à niveau des F-16 et d’acquisition aux États-Unis de chasseurs furtifs. Une perspective qui ne manquera pas d’irriter la Chine et à laquelle il n’est pas certain que Washington, soucieux de ne pas compliquer encore les relations avec Pékin, acceptera de répondre.

Simultanément, le Général Chiang Chen-chung, chef des opérations de l’armée taïwanaise affirmait que l’aviation taïwanaise était capable de frapper en Chine les bases de chasseurs chinois de l’autre côté du Détroit, jusqu’à plus de 1000 km à l’intérieur du Continent.

Succès et limites de l’aéronavale chinoise.

Faisant le bilan de cette montée en puissance, Andrew Erickson, expert naval américain, spécialiste de la marine chinoise, reconnaît qu’après une éclipse de 6 siècles depuis les expéditions de Zheng He sous les Ming (XVe siècle), la marine de l’Empire du Milieu replace le cœur de la puissance maritime mondiale en Asie.

Depuis 30 ans son développement spectaculaire a été articulé à de claires priorités budgéaires (en 2017, elle a, à elle seule, reçu 30% du budget de la défense chinois, soit 45 Mds de $), tandis que les progrès ont notamment bénéficié de transferts de technologies « consentis ou piratés » permettant d’importantes économies financières et gains de temps en R&D. Pour autant à mesure que les nouveaux bâtiments vieilliront, la marine chinoise devra consacrer un budget de plus en plus important à la maintenance de sa flotte [1].

S’agissant enfin de sa capacité aéronavale autour des porte-avions, Erickson estime avec raison que la puissance opérationnelle d’une aviation embarquée ne dépend pas seulement de la qualité et du nombre de navires. Elle est le produit d’une synthèse complexe entre des savoir-faire aéronautiques et navals, l’intégration de systèmes de combat et électroniques sophistiqués à quoi s’ajoute la somme des expériences des marins et des pilotes qui, dans le cas des États-Unis, est enracinée dans l’histoire et les références incomparables de la guerre du Pacifique.

Note(s) :

[1La flotte compte 2 porte avions (dont 1 en phase d’essais et d’intégration qui sera opérationnel en 2020), 4 navires amphibies, 63 grandes et moyennes unités de débarquement (LST), 32 destroyers, 51 frégates, 32 corvettes, 116 vedettes d’assaut, 94 chasseurs de sous marins, 29 chasseurs de mines, 11 navires ravitailleurs et 68 sous marins (dont 1 sous marin nucléaire stratégique de la classe Xia, 4 de la classe Jin, et un autre de la classe Tang - en développement -). La première patrouille de sous marins nucléaires stratégiques équipés de missiles balistiques a été lancée en 2015.


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