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›› Editorial

Le 6e Plenum, remise en ordre éthique du Parti et adoubement de Xi Jinping

Le feuilleton des corrompus.

La confession publique de Bai Enpei (70 ans) ancien n°1 du parti au Qinghai (1997 – 2001) et au Yunnan (2001 – 2011). En 2016 il a été condamné à mort avec sursis pour corruption et trafic d’influence.

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Découpée en épisodes de 40 minutes, la série TV qui présente au peuple la vie dissolue et luxueuse des cadres corrompus du Parti, menu fretin et grosses pointures (« les mouches et les tigres » du discours politique) que la Commission de discipline a épinglés, tranche avec les anciennes habitudes de secret du linge sale lavé à l’abri des regards.

Prenant le peuple à témoin, elle cible entre autres, mais pas seulement, les coteries fidèles à l’ancien bureau politique et à Jiang Zemin, dont chacun sait que, tout en dénonçant la corruption, il avait, au contraire, installé une nébuleuse d’hommes d’affaires et de membres du Parti étroitement connectés, creuset de vastes prévarications où le pouvoir politique chinois était à vendre au plus offrant. Certains commentateurs politiques y voient d’ailleurs les prémisses de la chute de Jiang Zemin depuis longtemps dans le collimateur de Xi Jinping.

Un appel au peuple.

Il reste que ce défilé de trois jours à la télévision d’État des responsables en proie à des remords larmoyants donne une image insolite de la politique et de la justice chinoises. Les images y mêlaient la morale confucéenne et les réminiscences maoïstes aux appels au peuple à qui la Commission de discipline, maître d’œuvre de la série a pris soin de présenter le président comme un homme frustre à la vie droite et exemplaire.

L’initiative aux ordres de Wang Qishan - dont une autre rumeur dit qu’il pourrait être le seul, hormis Xi Jinping et Li Keqiang, parmi les 7 membres du Comité permanent à pouvoir déroger à la règle des mises à la retraite en 2017 -, est sans nul doute destinée à contourner par le peuple les réticences critiques de l’oligarchie.

Si, au milieu des doutes qui assaillent une partie de la machine politique, la manœuvre avait pour but de rallier l’opinion à l’idée que le difficile nettoyage des écuries d’Augias est un passage obligé du Parti sous peine de grave accident interne, elle est réussie. Trois jours après la diffusion du dernier épisode, le document avait été visionné 15 millions de fois sur le net, tandis que le site du documentaire a enregistré 110 millions de clics, et suscité 50 000 commentaires.

La série qui s’ouvrait sur les voeux de Xi Jinping en janvier 2015, insistait sur les dérapages luxueux de certains cadres, les trafics d’influence, les prises illégales d’intérêt et la corruption. On y croisait les « tigres » Zhou Yongkang, Xu Caihou, Guo Boxiong et quelques autres qui n’étaient pas des « mouches » comme l’ancien n°1 du parti au Qinghai et au Yunnan Bai Enpei condamné à mort avec sursis, Zhou Benshun, ancien adjoint de Zhou Yongkang et ancien n°1 du Hebei, propriétaire d’une maison de 800 m2 avec 16 chambres, 4 cuisiniers et femmes de chambre ou encore Li Chuncheng ancien n°2 au Sichuan condamné à 13 ans de prison en 2015 pour corruption.

Exclus du Parti, tous se sont lamentés et ont demandé pardon au peuple chinois. Assez souvent ils fondaient en larmes.

Désamorcer les critiques et garder la main.

Selon Li Tianxiao, analyste politique chinois, le documentaire n’avait pas seulement pour objet de dénoncer la corruption.

Il s’agissait aussi pour Xi Jinping, s’appuyant sur l’adhésion populaire, de reprendre la main contre les critiques de l’École Centrale du Parti mettant en garde contre la paralysie de l’appareil tétanisé par l’avalanche des mises en examen et des condamnations. La manœuvre qui a sans doute conforté la position du président dans l’appareil visait aussi à mettre en garde les apparatchiks du Parti encore en poste ou à la retraite encore fidèles à la mouvance Jiang Zemin.

A cet égard, la méthode directe et brutale de l’actuel politburo dont la virulence est liée au sentiment d’urgence qui taraude l’appareil, tranche avec les anciennes stratégies de maquillage et d’occultation jadis destinées préserver l’image du Parti.

Pour Li Tianxiao, le message de Xi Jinping est sans ambiguïté. Les corrompus doivent être impitoyablement punis quel qu’en soit le prix pour l’appareil. Il rajoute que, contrairement à ses prédécesseurs, le n°1 est prêt à sacrifier le prestige du Parti pour mettre à bas les corrompus de la mouvance Jiang et détruire leurs réseaux de prévaricateurs alliés aux hommes d’affaires. Certains y voient même les prémisses de la mise en accusation de Jiang Zemin.

Le feuilleton recelait enfin une attaque contre les superstitions religieuses ciblées au travers de la pratique spirituelle de Zhou Ben filmé alors qu’il enterrait un bébé tortue dont la carapace portait sur ses écailles des inscriptions ésotériques.

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Quel que soit l’angle de vue, la diffusion sans réserve des contritions publiques de membres de l’appareil est un marqueur important de la vie politique chinoise. Si certains caciques du Parti accrochés à leurs avantages acquis comptaient mettre en difficulté le Président dans le secret feutré des réunions à huis clos, ils viennent d’être pris brutalement à contrepied.

S’étant déjà attaqué aux militaires, aux responsables de grands groupes, aux députés, aux fonctionnaires locaux et aux retraités du Parti qui forment une nébuleuse corrompue polluant la vie politique chinoise et monnayant ses appuis occultes, Xi Jinping s’affirme aujourd’hui comme le dirigeant chinois de l’après Deng Xiaoping, le plus déterminé à sortir le parti des ornières routinières des trafics d’influence qui brouillent son image.

Mais chacun voit bien les difficultés de ce chemin encombré de pièges dont les moindres ne sont pas la difficulté même des réformes qui s’attaquent aux anciennes puissances industrielles et financières des grands groupes chinois et des banques, piliers du régime et, surtout, la nature même du Parti structuré autour d’une conception du pouvoir forcément oligarchique, « entre soi » qui n’imagine pas d’autre alternative à la gouvernance de la Chine.

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NOTE de CONTEXTE.

Le concept de « dirigeant central – 领导 核心 – »

La tradition d’attribuer à un secrétaire général le titre de « Dirigeant Central » remonte aux conséquences de la répression de 1989 quand, après le limogeage successif de Hu Yaobang et Zhao Ziyang, Deng Xiaoping tenta de renforcer le pouvoir de Jiang Zemin dont l’autorité à la tête du Parti n’était pas acquise. Ainsi le « petit timonier » attribua à Jiang le titre de « dirigeant incontesté » de la 3e génération des dirigeants du parti.

Par la même occasion, il désigna Mao et lui-même comme les dirigeants centraux de la première et de la deuxième génération. La qualification n’est cependant pas automatique puisque Hu Jintao n’en fut pas gratifié.

L’attribution du titre à Xi Jinping signale un renforcement de son pouvoir au milieu de quelques critiques sur sa tendance à se mêler de tout – notamment quand les interventions de ses conseillers directs ont en 2015 et 2016 brouillé les réactions de l’appareil aux crises de la bourses – et sur le style brutal de la lutte contre la corruption de l’oligarchie, qui fut sans conteste le sujet central du plenum.

Clairement, la position centrale de Xi Jinping lui confère désormais un magistère moral d’influence inégalée dans le parti où l’opposition contre lui n’est pas parvenue à se structurer efficacement. Elle renforce sa position pour imposer les réformes et poursuive la lutte contre les corrompus. En amont du 19e Congrès, elle augmente sa marge de nanoeuvre pour recomposer la tête du pouvoir.

Alors que 5 membres du politburo doivent être remplacés il n’est pas impossible que le nouveau pouvoir d’influence de Xi et son autorité renforcée l’autorisent à imposer le renouvellement du mandant de certains des membres du Comité Permanent du BP atteints par l’âge de la retraite. Dans cette hypothèse, le nom qui revient le plus souvent est Wang Qishan, ordonnateur de la lutte contre la corruption.


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