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Le cinéma chinois à l’honneur

Le film « l’Adieu » dont le titre chinois est 别告诉她 Bie Gaosu Ta - Ne lui dites pas - de la sino-américaine Lulu Wang également sorti en 2019, n’a pas la puissance évocatrice enracinée dans l’histoire millénaire de l’œuvre de Gu Xiaogang. Il n’est pas une réflexion sur le temps qui passe ; ni sur les contrastes entre la Chine moderne et ses longues racines plongées dans l’imaginaire des peintures anciennes.

Mais il est quand même une description émouvante d’un des caractères permanents des familles chinoises également évoqué par Gu : la solidarité et l’attention portée aux anciens.

Il est aussi une subtile étude des contrastes culturels entre les sociétés chinoise et américaine ; entre la sèche rationalité occidentale et les survivances traditionnelles chinoises dont les détours et les mystères offrent parfois de manière inattendue l’espoir d’improbables remèdes aux souffrances et aux tensions.

Le sujet de la grand-mère paternelle magistralement jouée par Zhao Shuzhen 赵淑珍, restée en Chine condamnée à brève échéance par un cancer du poumon, à qui tout le monde cache son état, recèle tous les ingrédients de sensiblerie d’un pathos à bon marché.

Mais, avec beaucoup d’intelligence et de délicatesse, Lulu Wang 王子逸 le traite avec une tendre et pudique légèreté.

La solidarité familiale confrontée à la mort

Sobre mélange de cynisme, d’humour et de délicat attachement aux racines, perturbé par le choc des générations et des cultures, le film explore la psychologie d’une solidarité familiale confrontée à la mort.

Au cœur de l’intrigue, la petite Billi interprétée par Awkwafina (林家珍 Lín Jiazhen), artiste hip-hop et rappeuse au jeu délié, à la fois sobre et expressif, 1re asiatique récompensée en janvier 2020 par un Golden Globe de la meilleure actrice dans la catégorie comédie .

Chinoise déracinée à New-York, très attachée à sa grand-mère et sous le choc du non-renouvellement par la fondation Gugenheim de sa bourse pour un projet artistique, Billi s’interroge sur ses appartenances culturelles.

Avec ses parents, elle retourne dans le nord-est de la Chine, à Changchun en Mandchourie où elle retrouve Hao Hao, son cousin qui vient du Japon et sa grand-mère (祖母 Zumu - littéralement « Mère - ancêtre »)mais en Chine, le petit nom affectif de toutes les grand-mères est 奶 奶 - Naï Naï. Maquillée avec un saisissant réalisme, Zhao Shuzhen est parfaite dans ce rôle.

Hao Hao que la famille a persuadé d’épouser sa petite amie japonaise, fournit le prétexte aux retrouvailles du clan dont la raison est en réalité d’assister la grand-mère dans les derniers mois de sa vie.

Le secret gardé par toute la famille du pronostic fatal qui lui a été caché, y compris par la falsification du mauvais résultat des analyses (« c’est interdit en Occident » dit l’oncle de Billi, « mais pas en Chine »), constitue la trame du film.

La difficulté que tous éprouvent à cacher la douleur affective d’un deuil programmé et les réflexions morales de Billi teintées de rationalisme dont les références américaines sont choquées par le mensonge orchestré par le clan, créent une tension que Lulu Wang explore avec délicatesse et humour.

C’est cette alchimie qui donne au film toute sa valeur. On y croise une aimable dérision, la chaleur rassurante des émotions filiales, le malaise du choc culturel et, pour finir, l’ébranlement des certitudes occidentales de Billi, la sino-américaine.

Revenue auprès de sa grand-mère, dans le nord-est chinois elle s’interroge sur ses racines chinoises peut-être à jamais perdues et son avenir incertain aux États-Unis.

*

Le thème du « vrai mensonge » pour préserver la sérénité des derniers mois d’une grand-mère condamnée par la maladie est inspiré de l’expérience vécue par Lulu Wang, la réalisatrice.

Née à Pékin, d’un père chinois diplomate ayant servi en URSS et d’une mère critique littéraire, Wang a reçu une éducation de pianiste classique. Elle est diplômée d’études artistiques du Boston College.

Ayant déjà réalisé Posthumous (2014), une comédie germano-américaine à suspense sur la difficulté des artistes à être reconnus de leur vivant, elle s’est, pour l’Adieu, souvenue de la propre histoire de son aïeule atteinte d’un cancer en 2013.

La fin du film est heureuse. Dans une scène post-générique on apprend que, 6 ans après le diagnostic fatal, la grand-mère Naï Naï, toujours inconsciente des affres qu’elle a causés à la famille, est encore en vie.

La question qui n’a pas de réponse scientifique – en tous cas pas pour l’instant – est : aurait-elle survécu aux affres de l’angoisse de la mort si, obéissant aux injonctions morales occidentales, on lui avait révélé la vérité ?


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